Sacré lauréat de la 8ème édition du concours Rabah Aïssat du village le plus propre à Tizi-Ouzou, le village Azra dans la commune de Tigzirt, est un véritable joyau qui reflète la volonté de ses habitants, qui ne cachent pas leur joie et leur fierté de ce sacre «amplement mérité». Construit sur les décombres d'une carrière de pierre des toutes premières années de la conquête de la Kabylie par l'armée française, d'où son nom Azra ou «Izra» qui signifie pierres, le village surplombe toute la région de Tigzirt au Nord, d'Azeffoun vers l'Est et de Mizrana jusqu'à Dellys à l'Ouest. Une fontaine qui remonte à la période ottomane témoigne, en outre, de l'importance de cette position stratégique qui n'a pas échappé aux envahisseurs qui avaient fait construire un poste de surveillance militaire surplombant la route vers Tigzirt, par les habitants eux-mêmes obligés de transporter les pierres de leurs propres maisons détruites. «Chaque pierre de cette guérite contient un pan de la mémoire du village. Nos grands-parents avaient été obligé de transporter les pierres de leurs maisons détruites par l'armée française pour la construire eux-mêmes sous la contrainte», souligne Rabah Fegunounou, l'instituteur du village, aujourd'hui à la retraite, mais, très impliqué dans cette aventure. L'aventure avait commencé en 2018 avec l'élection d'un comité de village qui s'est de suite mis au travail avec les moyens du bord. «On n'avait pas grand chose et on peinait à trouver les ressources et à mobiliser grand monde», raconte Mustapha Harfouche, un des membres du comité. Toutefois, la 10ème place obtenu lors de la 7ème édition du concours en 2019, a été comme un déclic pour les habitants. «Ce n'était pas un échec ou une déception car nous savions que nous nous étions alors préparé de manière rudimentaire, mais, un défi qui avait permis la mobilisation de tout le village, en se disant que c'est possible», note M. Harfouche. Commence alors un véritable chantier de transformation du village et tout le monde a mis la main à la pate. Un volontariat hebdomadaire fut alors instauré et avec le concours de certains généreux donateurs, de l'Assemblée populaire communale (APC) et de la communauté villageoise à l'étranger, le rêve commençait à prendre forme. Cette dernière, que ce soit en Europe ou en Amérique, a organisé des cagnottes qui ont permis aux villageois d'acquérir les matériaux nécessaires et à procéder avec le concours de l'APC et des donateurs au bitumage de la route traversant le village. Les étudiants de l'école des Beaux-Arts d'Azazga, sollicités par le comité de village, ont aussi apporté leur touche en participant à l'embellissement des ruelles d'Azra par des fresques murales, notamment, et des travaux de peinture. «C'était gagnant-gagnant, on leur offrait le gite et la nourriture et eux participaient aux travaux. Ce qui leur permettait de joindre l'utile à l'agréable en passant des vacances près de la plage à quelques kilomètres du village, tout en nous aidant dans notre projet», explique-t-il. Aussi, souligne-t-il avec insistance, la consécration n'aurait pas été possible sans l'implication de l'«armée rouge» des femmes du village. «Chaque vendredi, elles nous gavaient de bons repas et participaient aux opérations de volontariat en effectuaient elles-mêmes certains travaux», témoigne-t-il. Bitumage de la route principale du village et des allées intérieures, badigeonnage des façades et des maisons, terrassement de talus, création à la place d'un manège d'enfant, réfection de Tajmaat, implantation de plaques de signalisation et de petites haies tout au long des allées, plantation d'arbrisseaux et de fleurs et mise en place des bacs de tri sélectif d'ordures, sont les principales réalisations des habitants de Azra ces derniers mois. Souci environnemental obligé, certains aménagements ont été réalisés avec des matériaux de recyclage et de récupération, bouteilles, pneus usagers et palettes en bois. Des bacs à ordures et des poubelles sont installées à plusieurs endroits du village et des règles de conduite sont édictées et affichées. «Notre but est d'avoir un environnement propre, mais aussi sain», relève, à ce propos, l'instituteur du village. L'avènement de la crise sanitaire de Coronavirus en mars 2020 avait un petit peu freiné l'élan des préparatifs. Le village, à l'instar de tous les autres de la région, s'est mobilisé et confiné, mais s'est vite adapté sans, d'ailleurs, «enregistrer aucun cas». «Nous avions ralenti la cadence par mesure de précaution, ensuite, nous avions pris les mesures nécessaires et, notamment, procédé à la répartition des tâches, dans l'espace et le temps», affirme-t-il. Cap sur l'investissement Pour M. Harfouche, «ce prix est une charge et beaucoup reste encore à faire», comme la réhabilitation des quelques vieilles bâtisses du village qui demandent une expertise technique, l'alimentation en eau de toutes les maisons à partir du forage du village et l'aménagement davantage d'espaces publics à certains endroits du village avec l'objectif de « rentabiliser ce sacre ». «Maintenant, nous devons réfléchir à maintenir cette dynamique et à l'agrandir et cela demande forcément beaucoup de travail et de moyens qu'on ne peut avoir en comptant sur les seuls contributions des villageois ou des donateurs», fait-il remarquer. Pour financer ces projets, outre la cagnotte du prix, les cotisations et contributions des habitants, le comité de village examine l'idée de contracter des conventions avec des agences de voyages qui ont déjà proposé leurs services. «Ce sera une source de financement en faisant payer symboliquement les visiteurs en contrepartie de certains services, comme le repas ou même l'hébergement», explique M. Harfouche. L'autre investissement en chantier à Azra est en direction de la jeunesse et des enfants de ce village avec l'aménagement de structures de loisirs, notamment. «Une association pour enfants a déjà été créée, elle s'occupe de leur organiser des distractions et de les aider dans leurs études par des cours de soutien », fait-il savoir. Une bibliothèque a été réalisée à l'intérieur de Tajmaat, « elle sera aménagée et alimentée en livres et internet et nous allons réaliser d'autres structures pour l'exercice d'activités sportives et de loisirs», histoire de donner vie à ce joli corps qu'est Azra, assure, déterminé, M. Harfouche.