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Les putschs africains s'inscrivent dans la nouvelle recomposition des alliances impérialistes mondiales
Imposture
Publié dans La Nouvelle République le 01 - 09 - 2023

Tout ce qui bouge n'est pas rouge. Tout ce qui brille n'est pas or. Dans un monde en pleine stagnation économique, la moindre réformette étatique, décrétée par des cacochymes séniles condamnés par l'histoire, est qualifiée de bond en avant. D'avancée historique. D'élan universel.
Dans un monde antipathique frappée d'apathie militante, le moindre sursaut politique ou soubresaut militaire est perçu comme un salvateur assaut contre le Système commis par de sympathiques révolutionnaires emplis d'empathie à l'égard du lymphatique peuple.
Dans une époque plongée dans l'obscurantisme, la plus minuscule lumineuse idée puérile ou dérisoire innovation est aussitôt annoncée comme l'aube d'une ère radieuse. Des Lumières. De la Refondation.
Actuellement, les pays d'Afrique s'agitent dans tous les sens. Mais sûrement pas dans le sens de l'Histoire. S'affairent dans tous les domaines. Certainement pas dans celui de l'émancipation des peuples opprimés, du prolétariat. Prennent des galons, mais pas dans un style politique galant. Et surtout pas dans les domaines économiques ou projets savants. Mais dans les troublantes activités de séditions de salon. Dans cette époque caractérisée par l'implosion des empires, le moindre consortium d'Etats (BRICS) prend, aux yeux des observateurs et contributeurs sous emprise de l'idéologie dominante, les caractéristiques d'un empire en gestation, d'un hégémon embryonnaire salvateur. De nos jours, dans le système capitaliste en proie au chaos et au désordre, le moindre regroupement de quelques entités officielles revêt aussitôt, au regard (aveuglé) des thuriféraires du capital, les atours et les atouts d'un ordre nouveau, impulsé pourtant par des dirigeants affectés de troubles bipolaires.
Dans ce monde capitaliste dirigé par des gouvernants activant au service de l'alliance occidentale ou orientale hégémonique, le moindre bousculement des règles de jeu de domination entraîne automatiquement un basculement des alliances. Par tactique ou pusillanimité les gouvernants changent de parrain. Et exigent de leurs populations d'aduler leur nouveau maître, et de leurs médias d'agréer le changement de gang capitaliste. Et l'Afrique n'échappe pas à cette impulsion géopolitique de réalignement des alliances et aux capricieuses et captieuses répudiations diplomatiques. De manière générale, sur le continent d'Afrique, en déshérence économique et errance politique, la moindre jacquerie militaire est qualifiée de révolution par les tiers-mondistes. Le moindre assaut populacier contre une ambassade occidentale est salué comme l'amorce de l'embrasement révolutionnaire, de la flambée anticapitaliste. Le printemps des soulèvements anti-impérialistes.
Une chose est sûre, en Afrique comme sur tous les continents, sous gouvernance de démocratie ou junte militaire, les pays demeurent toujours sous la même dictature capitaliste. En Afrique, tout comme le capital qui s'est imposé par la force, l'armée fait actuellement valoir ses intérêts par la force. Cela étant, dans les périodes de crise économique et d'instabilité institutionnelle marquées par des clivages et confrontations internes, c'est fréquemment l'armée qui assure, en dernier recours, la cohésion nationale et la défense des intérêts bourgeois. En particulier de ses intérêts caporaux, généraux, capitaux. De toute évidence, les récents successifs putschs commis en Afrique, notamment au Niger et au Gabon, n'inaugurent pas une ère de transformations révolutionnaires profitables aux peuples et prolétaires africains affamés et opprimés, mais l'amorce du processus de chaos et de décomposition, de confrontations armées, de violences criminelles, d'épurations ethniques et de barbarie. Une chose certaine, les nouveaux maîtres galonnés du pouvoir n'hésiteront pas à réprimer dans le sang toute révolte sociale. Au vrai, leur putsch s'inscrit dans la nouvelle recomposition des alliances impérialistes rivales. Il correspond au réalignement géopolitique des Etats fantoches africains ballottés entre les deux hégémons actuellement en conflit (G7-OTAN contre BRICS-OCS). Aussi, rien de progressiste, encore moins de révolutionnaire, ne peut émerger de ces putschs d'opportunité géopolitique. Car les révolutions sont l'œuvre du peuple, des prolétaires. Et non de militaires ou d'un leader charismatique. Le mode de production capitaliste est régi par des lois inexorables dont les moteurs sont les classes sociales antagonistes. Les militaires comme les leaders ne forgent pas les classes sociales. Ce sont les classes sociales qui portent tel ou tel leader (ou parti) au pouvoir politique en lui assignant la mission de faire fonctionner la machine étatique dans l'intérêt exclusif du prolétariat, dans le cas d'une révolution prolétarienne, ou de la bourgeoisie, dans le cas d'une révolution de palais. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que les derniers putschs ont été perpétrés par la garde rapprochée des présidents déchus. C'est-à-dire l'état-major de l'armée, qui, la veille, partageait encore la vie dorée du pouvoir avec ces chefs d'Etat militairement destitués. Ces coups de force (farce) militaires ne sont pas l'œuvre de soldats prolétaires impécunieux déterminés à faire rendre gorge aux puissants autochtones et étrangers. À l'ère de l'impérialisme où les puissances complotent les unes contre les autres, les gouvernants ne défendent pas les intérêts du peuple, de la nation. Le développement « naturel » du mode de production capitaliste pousse inexorablement chaque Etat vers l'impérialisme (mondialiste) et la guerre de partage des richesses. Et non pas vers le « nationalisme économique ». À plus forte raison les pays sous-développés, gouvernés par des néo-colonisés totalement inféodés aux puissances impérialistes. Sans nul doute, les nouveaux gouvernants africains galonnés n'appliqueront pas une politique de défense des intérêts économiques du pays, ne décréteront pas un programme d'amélioration des conditions de vie des populations. Ces Etats sont totalement dépendants des puissances impérialistes et inféodés aux institutions financières internationales. À l'ère de la mondialisation, chaque Etat (des riches), petit ou grand, fait intégralement partie du gouvernement capitaliste mondial. Chaque décision économique est l'émanation directe de la direction collégiale du capital financier international.
Autrement dit, de la bourgeoisie mondialisée. Au reste, dans cette phase de domination despotique impérialiste, l'indépendance économique et politique est une illusion, une imposture. À plus forte raison dans les pays du tiers-monde inféodés à un camp impérialiste (occidental ou oriental : G7-OTAN ou BRICS-OCS). Dans le système capitaliste contemporain mondialisé et interdépendant, la marge de manœuvre en matière de développement économique est fortement limitée, restreinte.
L'indépendance politique de chaque Etat, obérée. Intégré dans une économie capitaliste mondialisée, chaque Etat est confronté aux mêmes enjeux de l'offre et de la demande, de basculement des orientations géostratégiques internationales, voire de réalignement d'alliances, en œuvre dans tous les pays secoués par ailleurs par des tensions politiques internes, dévastés par une crise économique systémique et une instabilité institutionnelle chronique, submergés par des soulèvements sociaux de leur population affamée ou des révolutions de palais.
Sans conteste, les putschs vont connaître une accélération fulgurante. Signe de la décomposition de ces pays africains. De l'implosion de ces Etats fantoches. Et non de réenchantement du monde africain. De renaissance de l'Afrique. De régénération économique et sociale du continent africain.


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