, A Médéa comme ailleurs, posséder sa propre fontaine est synonyme de prospérité et de bien être pour bon nombre de familles qui jouissent de ce privilège. Beaucoup de résidences ou de «haouch», érigés à l'intérieur de l'ancien noyau urbain de la ville de Médéa entre le XIXe et XXe siècle, ou à sa périphérie, disposent d'une fontaine alimentée à partir de sources souterraines dont regorge le sous sol. Ornée de faïences ou de mosaïque, la fontaine est considérée comme un élément essentiel à la vie de ces familles. Plus qu'un simple objet décoratif, les propriétaires voyaient en elle, jusqu'à une date très récente, un signe de distinction sociale. Trônant au milieu de la cour intérieure de la demeure, le fameux «wast ed-dar», réunit autour d'elle convives et proches à l'occasion des fêtes religieuses, traditionnelles et nuptiales ainsi que durant les longues veillées estivales. D'autres fontaines, à l'allure plus austère, servent de «refuge» en période de canicule pour les résidents des «haouchs» éparpillés autour de la ville. Situées, le plus souvent, à côté de ceps de vignes domestiques (Ferana) comme le veut la tradition, elles procurent, l'été venu, fraîcheur et douceur. Côté convivialité, la fontaine est l'endroit indiqué pour siroter un café ou partager un mets traditionnel avec les invités, à l'ombre irremplaçable des feuilles de vigne. En dépit de l'évolution urbanistique qu'a connue Médéa au cours des dernières décennies, cet héritage qui remonte à l'époque ottomane a pu résister aux assauts incontrôlés de la modernité et de la sédentarité. Non seulement, la fontaine a su garder sa place comme élément décoratif et vecteur social, mais entraîné dans le sillage de cette évolution urbanistique une prolifération de fontaines publiques accessibles à tous. A mesure que la population grandissait, et ses besoins en eau avec, le partage de ce «bien» entre l'ensemble de la communauté commençait à s'imposer, donnant lieu à une multiplication de ces fontaines d'où pouvait s'alimenter librement le voisinage. Beaucoup de propriétaires ont réalisé des branchements à partir de leur propre puits pour permettre aux citoyens de puiser de cette eau, de jour comme de nuit. La ville de Médéa et ses environs comptabilise un nombre impressionnant de sources d'eau surgissant, depuis des lustres, des tréfonds de la terre et mises à profit par les habitants pour leurs propres besoins et ceux de la communauté. Elles sont estimées sommairement à plus de 1 500 sources et certaines ont acquis, au fil du temps, une renommée à l'échelle locale, grâce à la qualité de leur abondante eau. Beaucoup de quartiers du vieux Médéa portent aujourd'hui le nom de fontaines séculaires qui font partie du patrimoine local, telles que Ain-takbou, Ain-Larais, Tala Aiche, qui sont, non seulement une source de vie, mais également source d'une sorte de rituel auquel s'adonnent toutes les personnes ayant pris l'habitude, depuis des années, de faire le plein de leurs jerricans, matin et soir, d'eau fraîche et naturelle. Ce geste si important est souvent l'occasion aussi pour des voisins d'échanger de petites et grandes histoires comme l'ont fait bien avant eux leurs proches et anciens ancêtres.