Il faut une cohérence et une visibilité dans la démarche, s'attaquer à l'essentiel et non au secondaire car, avec la corruption, combinée à la détérioration du climat des affaires, selon la majorité des rapports internationaux, il est utopique de parler d'une véritable relance économique passant par la dynamisation des secteurs à forte valeur ajoutée. Dans le cadre de la bonne gouvernance, l'organisation internationale Transparency International, dans son indice de perception de la corruption dans son rapport annuel paru le 26 octobre 2010, montre que près des trois quarts des 178 pays composant l'indice ont un score inférieur à 5. Dans l'IPC 2010, le Danemark, la Nouvelle-Zélande et Singapour se retrouvent en haut du tableau avec un score de 9,3, les Pays-Bas à la 7e position, l'Allemagne à la 15e position, les Etats-Unis à la 22e position et la France à la 25e position. L'Algérie obtient de nouveau une très mauvaise note (2,9 sur 10) et un très mauvais classement, la 105e place sur 178 pays classés, régressant de quatre places par rapport à 2009. Dans la région du Maghreb, l'Algérie est placée après la Tunisie (59e place et une note de 4,3) et le Maroc (85e place et une note de 3,1), rappelant dans le même temps que la Mauritanie et la Libye occupent respectivement les 143e et 146e places. L'Afghanistan et le Myanmar se partagent l'avant-dernière place avec un score de 1,4 et la Somalie est dernière avec 1,1. Ramenés au niveau des pays arabes et par rapport aux autres pays africains, les résultats obtenus par l'Algérie place celle-ci respectivement à la 11e et la 17e position. «Cette stagnation s'explique par l'absence de volonté politique au plus haut niveau de l'Etat à lutter contre la corruption», selon le rapport. Dans le registre des transactions commerciales internationales, le communiqué de l'AACC note que l'Algérie «ne commerce presque pas avec les 10 pays les moins corrompus, dont le Danemark, Singapour, la Finlande, la Suède, le Canada, la Suisse et la Norvège». C'est la neuvième année consécutive que cette organisation émet une appréciation négative puisque dans le rapport publié le 17 novembre 2009, par rapport à 2008, l'Algérie avait chuté de 3,2 à 2,8 sur 10 passant de la 92e place en 2008 à la 111e en 2009, perdant ainsi vingt places, ce qui la ramène en octobre 2010 à l'année 2005 où elle avait obtenu une note de 2,8 sur 10. On sait que les auteurs de l'IPC considèrent qu'une note inférieure à 3 signifie l'existence d'un «haut niveau de corruption au sein des institutions de l'Etat» et que des affaires saines à même d'induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives. La sphère informelle produit des dysfonctionnements du système, ne pouvant pas la limiter par des décrets et lois mais par des mécanismes de régulation transparents, existant des alliances entre le pouvoir bureaucratique et cette sphère contrôlant plus de 40 % de la masse monétaire en circulation, alliances qui favorisent cette corruption qui tend à se socialiser. Toujours au niveau des rapports internationaux, une étude datant de mars 2010 réalisée par la Global Financial Integrity (GFI) et publiée à Washington DC (USA) a classé l'Algérie au troisième rang au niveau continental, des pays ayant un haut débit de sortie financière illicite avec une sortie de capitaux de 25,7 milliards de dollars ces dernières années. Réalisée sur la période s'étalant de 1970 à 2008, cette étude a relevé que l'Afrique a perdu plus de 1,8 billion de dollars de sorties financières illicites. Ainsi, le flux massif de capitaux illicites hors de l'Afrique, dont l'Algérie, est facilité par un système d'ombre financier mondial, comprenant les paradis fiscaux, des territoires à secret, les sociétés déguisées, les comptes anonymes et des fondations fictives. Selon la même étude, cette sortie de fonds épuise les réserves en devises, accroît l'inflation, réduit les rentrées fiscales, annule l'investissement et compromet le libre-échange. Son plus grand impact a été relevé, notamment, sur ceux qui sont au bas des barèmes de revenus dans leurs pays, la suppression des ressources qui pourraient être utilisées pour réduire la pauvreté et la croissance économique. Ce rapport insiste sur la nécessaire transparence pour restreindre la tendance de cette sortie de fonds et également la concertation internationale autour de ce phénomène, car, s'il y a des pays corrompus, il y a forcément des pays plus corrupteurs que d'autres, le rapport citant notamment la Chine la Russie et l'Inde qui utilisent des pots-de-vin. Si la corruption existe dans tous les pays du monde, comme en témoignent les scandales financiers mis en relief pendant l'actuelle crise mondiale, elle est relativement faible en rapport à la richesse globale créée. En Algérie, elle s'est socialisée, touchant toutes les sphères de la vie économique et sociale et remettant, ainsi, en cause la sécurité nationale du pays, devant aller vers le contrôle démocratique de deux segments stratégiques, la production de la rente des hydrocarbures (Sonatrach) et la distribution de la rente des hydrocarbures (tout le secteur financier) puisque l'ensemble des secteurs publics et privés sont irrigués par cette rente. Evitons d'invoquer des taux fantaisistes pour 2009 de 9 % de taux de croissance hors hydrocarbures et de 10,2 % de taux chômage (taux officiel incluant les sureffectifs des administrations et des entreprises publiques, les emplois temporaires de 3 à 5 mois au titre de la solidarité nationale et, d'une manière générale, tous les emplois fictifs improductifs). L'extension de la sphère informelle n'est que le produit du terrorisme bureaucratique, qui tire sa puissance de l'existence de cette sphère puisque fonctionnant dans un espace de non-droit et favorisant la corruption, renvoyant pour dominer son influence à la refonte de l'Etat et à la mise ne place de mécanismes de régulation transparents. En effet, comme je l'ai rappelé souvent, la lutte contre la mauvaise gestion et la corruption renvoie à la question de la bonne gouvernance, de la démocratie et de la rationalisation de l'Etat dans ses choix en tant qu'identité de la représentation collective. Concernant l'aspect économique en Algérie, il faut se demander pourquoi le faible impact de 200 milliards de dollars entre 2008 et 2009 sur la sphère économique et donc sur la sphère sociale avec un impact par rapport aux autres pays de la région MENA qui ont des résultats supérieurs avec trois fois moins de dépenses : corruption, surfacturation ou mauvaise gestion des projets. Le constat également est l'inefficacité des institutions de contrôle et des ministères où nous assistons à une gestion administrative avec différentes interférences où, souvent, les gestionnaires ne sont pas libres de manager leurs entreprises. Sont-ils réellement les seuls responsables ? Qu'en sera t-il des 286 milliards de dollars programmés en2010-2014 dont 130 de restes à réaliser montrant d'importantes réévaluations dues à la fois à la mauvaise gestion et à la corruption ? (A suivre)