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SITUATION DE L'ECONOMIE ALGERIENNE EN 2010 : DOMINANCE DE LA BUREAUCRATIE, DE LA SPHERE INFORMELLE, DE LA CORRUPTION ET UN STATUT QUO MENA ÇANT LA SECURITE NATIONALE
Publié dans Le Financier le 12 - 03 - 2010

Dr Abderrahmane Mebtoul / Expert International Economiste
3.- Un PDG est-il véritablement responsable de la gestion de son entreprise ?
Pour l'ensemble des raisons évoquées précédemment, les rapports de l'IGF, de la Cour des Comptes, des Commissaires aux Comptes, et même de l'A.P.N. restent incomplets surtout en tant que mesures à prendre, en recommandations pour éviter que les pratiques de mauvaises gestion et de corruption ne se reproduisent plus ou du moins qu'elles soient limitées, car ne cernant pas les causes fondamentales et surtout des liens complexes entre l'environnement international, les politiques macro-économiques et sociales et les cellules de base entreprise ou services collectifs. Car, pour pouvoir sanctionner une entité, il faut qu'elle ait été responsable. Peut-on sanctionner un directeur général qui a subi une injonction externe ? Un directeur général d'entreprise publique est-il propriétaire dans le sens économique large, a-t-il le véritable pouvoir de décision de son entreprise lorsqu'il subit des injonctions souvent verbales de son Ministre ou d'une autre autorité supérieure? Qui est propriétaire de l'ensemble de ces unités économiques et de certains segments des services collectifs se livrant à des opérations marchandes? C'est toute la problématique du passage de l'Etat propriétaire gestionnaire à l'Etat Régulateur ou stratège que n'ont résolu jusqu'à présent ni la structure des fonds de participations ni la nature des holdings, si les sociétés de participation de l'Etat SGP qu'ils soient de 1O ou 20 ? Cela renvoie à la nature de l'Etat propriétaire gestionnaire ou régulateur dans une économie en transition ? Pour comprendre cette situation spécifiquement algérienne, renvoyant d'ailleurs à la rente qui irrigue toute le système socio-économique, et trouver les moyens de son dépassement, il y a lieu de poser fondamentalement la nature du Pouvoir qui peut être synthétisé sous formes de cercles interdépendants ou à l'aide de modèles matriciels avec des pondérations suivant les rapports de force du moment, mais évolutifs. Ainsi, les politologues distinguent quatre (4) cercles de décision.
Le premier cercle est celui par lequel transitent toutes les décisions sans exception : président de la République et son staff y compris, le Chef du Gouvernement ou le Premier Ministre, le ministre des Finances, de la Justice, de l'Intérieur et de la Défense Nationale ;
- le second cercle est composé des administrations sectorielles ;
- le troisième cercle de la décision est celui des syndicalistes, organisations professionnelles ou patronales, associations, entreprises publiques et privées ;
- le quatrième cercle est l'ensemble des organisations politiques (émanation du parlement) juridictionnel (Conseil Constitutionnel, Conseil d'Etat, Cour des Comptes).
Il existe un cinquième cercle pouvant être représenté par l'extérieur du fait des accords internationaux de l'Algérie, notamment avec le FMI, la Banque Mondiale et d'autres institutions internationales (CEE – OMC).
Cette phase organisationnelle hybride, alors que chaque système a ses propres règles de fonctionnement, tant au niveau central, local des entreprises, que des services collectifs/administrations, où l'Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, n'étant dans une économie administrée, ni dans une véritable économie de marché- explique les difficultés de la régulation- tant politique, sociale qu'économique, amplifiées par l'instabilité juridique et le manque de cohérence et de visibilité qui découragent tout investisseur sérieux.
4.- La clef de la réussite : Etat de droit et bonne gouvernance.
La télévision officielle algérienne- à travers ses images d'autosatisfaction- ignorant totalement la réalité profonde de la société algérienne fonctionnant comme dans les années 19701, joue comme vecteur de démobilisation et de névrose collective auprès de la population algérienne. Elle feint d'ignorer la panne de la réforme globale et le statut quo actuel qui portent un immense préjudice à l'image de l'Algérie et surtout traduisent le manque de perspectives pour les générations tant présentes avec la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité que des générations futures avec la fin des hydrocarbures. Des inquiétudes persistantes nous parviennent tant de l'intérieur du pays qu'au niveau international, inquiétudes d'autant plus persistantes que la rumeur a remplacé la communication officielle. Or, il y a urgence d'un changement de gouvernance plus morale avec ces scandales financiers à répétition, pour débloquer cette situation intenable à travers un dialogue permanent soutenu entre les différentes forces sociales et économiques, réelles et non-fictives, créées bureaucratiquement, loin de la voie autoritaire, c'est-à-dire l'instauration de l'Etat de droit tenant compte de nos équipements anthropologiques, de cette diversité culturelle, conciliant la modernité et nos traditions, de ce dialogue source d'enrichissement mutuel, entre l'Orient et l'Occident, et évidemment des nouvelles mutations mondiales où toute Nation qui n'avance pas recule.
Car la situation actuelle de la société algérienne anomique en décomposition sociale telle que décrite par le grand sociologue Ibn Khladoun dans son cycle descendant ralenti, transitoirement par la rente des hydrocarbures, est caractérisée par une bureaucratie étouffante envahissant toutes les sphères, qui contribue à plus de 60% au blocage de l'investissement à valeur-ajoutée, la dominance de la sphère informelle -produit du système bureaucratique rentier- qui favorise une corruption socialisée contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation qu'il s'agit d'intégrer loin des mesures autoritaires inefficaces.
A cela s'ajoutent la non-démocratisation de la production de la rente et la sclérose du système financier, lieu de distribution de la rente (blocage à plus de 20/30%), tout cela favorisant un blocage systémique étant utopique, sans s'attaquer à l'essentiel, faute de vision stratégique dans la politique socio-économique, de parler de production et d'exportation hors-hydrocarbures, car les champions industriels ne se décrètent pas mais doivent répondre aux normes de la concurrence internationale (coûts/qualité).
La problématique du contrôle permanent durant la phase de la nouvelle politique économique algérienne implique donc le passage d'une économie à dominance de rente étatique centralisée à une économie productive décentralisée impliquant l'ensemble des acteurs politiques, économiques et sociaux, loin de toutes injonctions administratives de type bureautiques étouffant l'épanouissement des énergies créatrices.
De ce fait, la stratégie de la nouvelle gouvernance devra s'insérer dans un cadre de moralisation des appareils de l'Etat par une plus grande démocratisation des décisions économiques, sociales et politiques solidaires, où chaque acteur a un rôle strictement défini. Car c'est seulement lorsque l'Etat est droit que l'on peut parler d'un Etat de Droit. Aussi, l'accélération de la réforme globale se basant sur la concertation sociale dans le cadre de l'interdépendance mondiale - loin de tout monopole qu'il soit public ou privé -impliquera de définir à l'avenir avec précision le rôle de l'Etat dans le développement économique et social, impliquant sa refondation.
Docteur Abderrahmane MEBTOUL, Professeur d'Université en management stratégique
Ancien premier conseiller et directeur central des études économiques à la Cour des Comptes.


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