Dans une photo, on le voit jouer avec un ballon. Dans une autre, il enlève ses chaussures au seuil de la mosquée. Dans une troisième, il a la tête penchée sur son dossier. Une quatrième le montre discutant avec son ministre en bras de chemise ou maraudant sur le gazon de la Présidence ou planter un arbre. On peut voir une autre où le Président lit un journal. Vous pouvez donc voir des dizaines de photos montrant cet homme en tant qu'homme rien qu'en surfant sur le Net. La seule déception, c'est qu'il ne s'agit pas de votre Président mais d'Obama, celui des Etats-Unis, ce pays deux fois plus grand que la terre entière. La Maison-Blanche vient en effet de mettre en ligne un gros lot de photos en «live» d'Obama, de ses proches, sa vie, ses oeuvres, ses traits de visage et de son chien et de ses enfants et de ses soucis. L'Amérique avait besoin d'un nouveau mythe en élisant cet homme et les services de communication de cet hyper-Président selon la belle formule d'un journal, avait compris qu'il faut l'entretenir en ces temps de crise. D'où finalement deux réactions chez le chroniqueur : d'abord la jalousie et ensuite la question. Pourquoi chez nous les Présidents sont austères comme des Mao en zinc ? Ne communiquent que par la colère ou la langue de bois, ne se photographient qu'en cravate et très près du drapeau ? Pourquoi la communication présidentielle en est-elle encore à d'impolis retards dans les rendez-vous, l'usage des pigeons comme cliché, la gerbe de fleurs et le stalinisme en carton de l'ENTV ? Pourquoi personne ne pense à «humaniser» ce Président, le photographier en chemise, accroché à un téléphone comme tout bon salarié, penché sur un gros dossier, discutant avec son Ouyahia du moment, mangeant du pain, souriant à ses généraux ? Pourquoi n'avons-nous pas droit à ce genre de communication habile capable au moins de nous embobiner par l'usage doux du viol des foules et de l'émotion ? Pourquoi nos présidents sont aussi austères et si renfrognés qu'ils ne font pas peur uniquement aux walis mais aussi aux enfants qui ne sont pas nés et qui hésitent à le faire ? Cela coûterait quoi de réfléchir à ce genre de communication ? Pourquoi les Algériens ne peuvent ni situer El-Mouradia, ni situer les Tagarins, ni savoir où se tient un Conseil des ministres, ni que mange le Président et s'il enlève son costume pour dormir ? Aucun Algérien ne sait de quelle couleur sont les murs du bureau du Président, ni si ce bureau est carré, ovale, rectangulaire ou imaginaire. De tout temps, la communication présidentielle s'est contentée de ces affreux rites du pigeon blanc, de la petite fillette alourdie de fleurs suant au soleil des attentes, du ruban à couper, du bain de foule, du meeting et du discours fiévreux comme pour faire remonter tout ce peuple encore une fois au maquis alors que l'ennemi c'est l'oisiveté plus la France. Jamais aucun Président n'a accordé un entretien à des journaux algériens comme tous les Algériens le savent. D'où la jalousie du chroniqueur à la vue des photos d'Obama et ce constat répété : la communication présidentielle ne fait pas seulement peur aux journalistes qui y sont malmenés par leurs «pairs» mais aussi à tout le monde, les enfants, les chefs de daïra, quelques ministres, les pots de fleurs et les anciens amis. C'est peut-être le but : chaque Président doit incarner chez nous la sévérité du Père et parler avec la colère chargée de nos profondeurs. Chaque Président a pensé à un moment ou un autre que le jour où il commencera à sourire, il se fera culbuter par les loups et moquer par le peuple. D'où le costume strict et les sourcils froncés en guise de bâton.