Les bonnes nouvelles étant plutôt rares, il faut donc savourer et ne pas bouder son bonheur quand une information positive vient rompre la litanie ininterrompue des crises et des conflits. C'est le sentiment que l'on peut légitimement ressentir à la lecture d'un sondage de l'institut Gallup réalisé dans le cadre d'une étude sur les jeunes dans le monde arabe. Selon cette enquête, «seulement» 32% des jeunes Algériens souhaiteraient quitter leur pays. Le «seulement» est de rigueur. Car, à entendre l'expression de ce vœu de départ et à la lecture des péripéties harraguiennes de tous ordres, récemment enrichies par la défection au Canada de quelques membres du Ballet national, on avait l'impression, certainement trompeuse, que les candidats à un ailleurs mythifié étaient bien plus nombreux. Le plaisir - très relatif - doit être néanmoins tempéré : selon le même sondage, qui couvre vingt-deux pays arabes, la jeunesse algérienne se classe au quatrième rang des candidats au départ. L'Algérie est précédée par les Comores, le Maroc et la Tunisie. Les sondages valent ce que leurs commanditaires souhaitent en faire et l'expérience montre qu'il est difficile d'en tirer des enseignements toujours valides. Ce qui ne fait pas de doute est le nombre de chercheurs algériens (entre 600 et 1000) qui travailleraient dans les laboratoires nord-américains. La FAACEST, une association basée aux Etats-Unis, a communiqué ce chiffre après un recensement des experts de haut niveau d'origine algérienne qui activent dans les secteurs les plus avancés de la recherche scientifique. Il est fort à parier d'ailleurs que ce chiffre n'est qu'un minimum, tant le nombre d'Algériens hautement qualifiés exerçant dans le secteur privé est important. A la différence de beaucoup de jeunes sans grandes qualifications, ces scientifiques sont naturellement aspirés par des laboratoires qui offrent des conditions optimales et pas uniquement en termes de rémunération ou de qualité de la vie. Les chercheurs ont besoin d'un cadre très exigeant et de moyens appropriés pour donner le meilleur d'eux-mêmes. Et ce n'est pas le propre des chercheurs algériens que de s'exiler vers des pays qui disposent des infrastructures qu'un pays en développement n'est pas en mesure d'offrir. Le drame des pays du Sud, et l'Algérie est lourdement frappée par le phénomène, n'est pas celui du départ de certaines catégories de chercheurs, mais bien celui des cadres opérationnels très affûtés formés à grands frais par le pays. Médecins, ingénieurs, informaticiens et autres spécialistes, par dizaines de milliers, ont rejoint d'autres horizons où ils constituent une ressource intellectuelle et technique recherchée. Et c'est bien à ce niveau que le pays paie le plus lourd tribut. Le transfert de ces compétences, outre un coût économique énorme, est une véritable perte de substance pour la société tout entière. Le dommage est incalculable en terme de déficit social. L'amputation assumée de gisements entiers de compétences est une tragédie. Les retards et les blocages en sont l'expression manifeste. En dépit de quelques velléités, de déclarations sporadiques et sans lendemain, rien n'est fait pour retenir ce savoir-faire qui disparaît derrière l'horizon. C'est incontestablement à ce niveau, davantage encore qu'à celui des transferts de bénéfices des sociétés commerciales, qu'une démarche résolue devrait être menée.