L'immigration aujourd'hui est une affaire de jeunes. Ils quittent leur pays non pas pour des raisons économiques, mais dans l'espoir de vivre comme les habitants des pays d'accueil. 700 millions de jeunes dans le monde partagent de ce point de vue les motifs avancés par nos harraga. Le mythe de la belle vie ailleurs ! Une coïncidence ! Alors que la France, l'Espagne, l'Italie devaient vivre, lundi, une journée sans immigrés, au même moment, un sondage Gallup nous apprend que 700 millions de personnes rêvent d'émigrer. La journée sans les femmes de ménage, les nettoyeurs, les vigiles des grandes surfaces, les femmes de chambre et hommes de peine, au mieux des caissières, des marchands de légumes, a été un succès puisque les minorités que les capitales européennes ne tolèrent qu'invisibles et qui a été organisé via le net par, entre autres, une Française d'origine algérienne, la journaliste Nadia Lamarkbi, n'a peut-être pas fait la preuve que si les descendants d'immigrés s'abstenaient de travailler et de consommer une journée, la France, par exemple, s'arrêterait de tourner. Mais le coup aura été marqué, même s'il reste symbolique. Le mot d'ordre est généreux et il va être creusé, ont promis les organisateurs de la grève d'immigrés, difficilement imaginable pour la raison qu'ils sont surexploités ou en chômage et confrontés à une administration qui ne leur fait pas de cadeau quand bien même ont-ils la nationalité du pays d'accueil. Quant aux immigrés sans papiers, ils ne sont même pas en position de se montrer, traqués qu'ils sont par les polices et la menace de reconduite dans leur pays d'origine. Les enfants d'immigrés ont mis à profit cette journée du premier mars pour revendiquer les droits conférés par leur nationalité de naissance ou d'adoption, dénonçant les diverses discriminations dont ils font l'objet : orientations vers des formations manuelles, déclassements en cas de succès dans les filières pointues, difficultés à se loger et harcèlements policiers au motif de faciès différents des standards locaux. En outre, l'idée d'un rassemblement d'immigrés à l'échelle européenne fait son chemin. Le collectif “24 heures sans nous”, née d'un ras-le-bol de la stigmatisation des immigrés et de leurs enfants, pourtant français, espagnols ou italiens à part entière et à l'origine de la “journée sans immigrés”, a déjà des ramifications dans plusieurs pays européens. Pur hasard ! Ce même jour, un sondage mondial de l'institut américain Gallup révèle que 700 millions de personnes dans le monde sont aujourd'hui candidates à l'immigration. Ce sont surtout des jeunes qui souhaitent quitter leur pays en espérant qu'une vie meilleure se trouve ailleurs. Selon les auteurs de l'étude, la misère n'est plus un facteur d'émigration. Ce qui était la motivation des immigrés des générations précédentes qui s'exilaient pour fuir la pauvreté. Aujourd'hui, il y a l'insécurité dans les pays à hauts risques et la malvie dans la plupart des pays en développement. Dans le monde, 16% des plus de 18 ans veulent quitter leur pays. Ce sont 700 millions d'hommes et de femmes, soit plus que le nombre total d'habitants du continent américain, qui sont prêts à abandonner leur pays pour de bon s'ils en avaient les moyens. Tels sont les résultats d'une enquête réalisée par la société Gallup dans 135 pays entre 2007 et 2009. Mais le spectre d'envahissement pour les pays attractifs et le spectre d'un dépeuplement pour les pays repoussoirs, seule une petite fraction de jeunes qui veulent émigrer passe à l'action. En tout état de cause, les motivations qui poussent des centaines de millions de gens à vouloir laisser derrière eux leur patrie sont suffisamment fortes pour placer l'émigration au cœur des préoccupations quotidiennes de nombreux peuples. Mis à part les situations extrêmes, où la guerre fait du grand départ le seul moyen de survivre, l'émigration attire, en effet, de nouvelles catégories de population. En général, ceux qui s'aventurent dans une nouvelle vie à l'étranger sont les plus jeunes et les plus éduqués. Seulement 10% de ceux qui rêvent de partir ont plus de 35 ans, tandis que 22% ont entre 15 et 34 ans. 40% ont suivi un enseignement secondaire ou supérieur, et seulement 11% n'ont pas été jusqu'au bout du secondaire. Mais le critère majeur est le fait d'avoir de la famille ou des amis installés à l'étranger avec qui les émigrants potentiels gardent contact. Gallup a constaté que 59% d'entre eux ont ou ont eu un proche vivant dans un autre pays ces cinq dernières années. Ceux qui n'ont personne sur qui compter à l'étranger et souhaitent tout de même émigrer représentent à peine 13%. Le phénomène touche désormais les enfants des classes moyennes. C'est ce que Gallup a constaté au Venezuela où la misère n'existe pratiquement plus. Au Guatemala, en Colombie et au Mexique, les jeunes veulent fuir les vols, enlèvements et meurtres plus que fréquents et qui déclenchent la décision d'abandonner sa terre natale. Gallup a constaté que ce rêve d'immigration diminue l'engagement des jeunes en tant que citoyen. Car ceux qui songent à fuir leur pays n'ont pas beaucoup de raisons de faire des projets à long terme dans un lieu qu'ils vont sûrement quitter. “Nous sommes en face d'une dynamique d'appauvrissement qui transforme les citoyens d'un pays en simple habitants d'un territoire. Et quand un pays compte plus d'habitants que de citoyens, son avenir est compromis”, conclut l'institut américain. À méditer par les autorités des pays qui poussent les jeunes à la fuite.