La tripartite sociale de ce week-end aurait pu faire peur à priori au patronat. Le FCE, principale organisation d'employeurs, s'en sort finalement plutôt rassuré sur «l'espace de dialogue qui s'ouvre», selon un de ses vice-présidents, Nassim Kerdjoudj. Il faut dire que «le dossier pouvoir d'achat» était le dernier point de l'ordre du jour et que l'UGTA a été particulièrement accommodante sur ce volet. Scénario écrit d'avance. Ahmed Ouyahia est venu à la réunion de la tripartite sociale du 29 septembre 2011 avec la ferme intention de ne plus faire de nouveau «cadeau fiscal» au patronat. Celui-ci était décidé à ne pas mettre la main à la poche pour combler le déficit de la caisse nationale de chômage, dossier le plus épineux techniquement. Et l'UGTA avait annoncé à l'avance qu'elle se contenterait de 3000 dinars au lieu des 5000 dinars revendiqués pour le réajustement du SNMG. Et tout s'est passé ainsi. Si la zone industrielle de Rouïba se sent finalement trahie par la direction de l'UGTA et s'apprête à des actions, selon Mokdad Messaoudi, son leader local, cela se comprend assez bien. Le point de l'ordre du jour sur le pouvoir d'achat a été expédié, à bout de souffle, dans la dernière heure des 25 heures qu'aura duré cette réunion. «Le secteur public économique, tenu à l'écart des augmentations des fonctionnaires, n'a que ce canal de la tripartite pour transformer ses luttes éclatées par entreprise en une pression collective sur le gouvernement qui est son actionnaire unique. C'est manqué» explique un ancien dirigeant de la fédération finance de l'UGTA. Il y a si longtemps que la combativité de la direction de l'UGTA ligotée par l'affairisme, est en berne. Cela s'est ressenti dans une tripartite pourtant sociale où l'essentiel des négociations ont tourné autour des intérêts des employeurs et sur lesquels les représentants de la centrale syndicale, Sidi Said, Djenouhet, Malki ont pesé à la marge. L'UGTA, débordée par les syndicats indépendants dans la fonction publique a voulu faire un point d'honneur à défendre le droit syndical, il est vrai souvent piétiné dans le secteur privé. Elle obtient, dans un point 7 introduit dans l'ordre du jour, un vague engagement de Ahmed Ouyahia : «le Gouvernement s'est déclaré disponible pour intervenir à travers ses organes compétents, et le cas échéant, à saisir les juridictions pour toute violation persistante du droit des travailleurs au libre exercice de leur droit syndical» affirme le communiqué final. Le financement de la CNR, test de vérité Les organisations patronales, le FCE en particulier, peuvent donc se réjouir de «ce nouveau climat, plus à l'écoute des problématiques de l'entreprise». Principal indicateur de l'état d'esprit en vigueur, le débat sur la revalorisation des retraites. L'UGTA a demandé 40% d'augmentation 212 milliards de dinars selon Abdelkrim Djoudi, le ministre des Finances et les employeurs ont refusé la proposition d'une augmentation de 1% des charges patronales pour soutenir une valorisation des pensions de retraites sans aggravation du déficit actuel du régime par solidarité de la Caisse nationale des retraites (CNR). «Nous avons eu à expliquer au partenaire social et au gouvernement que 1% de charge supplémentaire fragiliserait le potentiel des entreprises toutes choses étant égales par ailleurs» rapporte un des vice-présidents du FCE, Nassim Kerdjoudj, qui a assisté Reda Hamiani sur ce point particulier devenu «une négociation» de fait. «L'Algérie a le taux d'imposition le plus bas de la Méditerranée et il n'est donc pas interdit d'envisager un point de plus de pression fiscale pour sauver ce régime de la retraite par la solidarité générationnelle. Mais il faut alors agir sur d'autres leviers. Il n'est pas normal qu'un pays comme l'Algérie où deux tiers de la population a moins de 30 ans ne trouve pas assez de cotisants pour ceux qui partent à la retraite». Retour à la case emploi. Travail formel s'entend, car l'économie informelle a sapé les revenus de la CNR depuis 20 ans. «Le FCE compte venir avec des propositions précises à la commission qui va être mise en place pour trouver une solution au financement des pensions de retraite». L'idée d'un «swap», baisse du taux de l'IBS pour les bénéfices réinvestis et déplacement de la TAP, contre majoration de la cotisation patronale à la CNR est une des pistes entrevues. Avec ce filet confortable pour tous : l'Etat assumera le financement des augmentations des retraites en cas d'absence d'autres solutions. Le fonds de réserves pour les retraites, créé en 2006, passera de 2% à 3% de la fiscalité pétrolière en 2012. Les employeurs ont donc de réelles raisons de «bien apprécier» ce round de dialogue social. Ils n'ont pas subi de contraintes fortes au «point 6» traitant de l'extension des conventions collectives aux entreprises privées. Le FCE, dernier arrivé et non signataire de l'engagement signé par ses pairs en 2006, d'étendre les conventions collectives au privé, «prendra le temps de consulter ses adhérents», même s'il se déclare favorable au principe. Les employeurs ont obtenu, en revanche, d'être associés à la gestion du fonds alloué à la mise à niveau de 20 000 PME. «5 milliards de dinars qui risquaient de partir en fumée, gérés par un comité restreint au ministère de l'industrie et de la PME». Six sièges sont réservés aux organisations patronales pour le suivi de cette opération.