Lorsque Algérie Télécom (AT) tousse, les ISP s'enrhument. L'instabilité chronique à la tête de l'opérateur historique pénalise la conclusion d'un partenariat public-privé dans le secteur des TIC. Aussi la propension d'AT à vouloir «vivre» et «mourir» combine au bout du compte marasme interne et retard dans le développement des TIC dans le pays. Algérie Télécom (AT) vit, depuis sa création, au rythme des changements de PDG. L'entreprise publique en a consommé une dizaine en une décennie, avec rarement plus de 18 mois avec le même dirigeant. Le dernier changement en date remonte au début d'avril dernier lorsque l'ex-président-directeur général d'AT Mobilis, Mehmel Azouaou, a été appelé à remplacer El-Hachemi Belhamdi qui a démissionné sept mois à peine après son installation. Cette valse incessante des responsables à la tête du Groupe n'est pas sans conséquences pour l'entreprise d'abord, mais également l'ensemble du secteur des TIC où Algérie Télécom est censée jouer le rôle de «l'opérateur des opérateurs». Les ISP (fournisseurs de service Internet), clients de l'opérateur, pâtissent de cette instabilité. Après la disparition de plus de la moitié d'entre eux, les ISP s'accrochent à un «hypothétique» partenariat public-privé (PPP), dont il est attendu de relancer la dynamique dans le secteur des TIC en général et celui de l'Internet en particulier. La signature de ce PPP était donnée pour imminente, avant que le récent changement à la tête d'AT ne vienne remettre tout à zéro. «Ce énième changement nous renvoie à la case départ après avoir durement négocié la convention de partenariat», a indiqué Ali Kahlane, président de l'Association algérienne des fournisseurs de services internet (AAFSI), dans une déclaration à Maghreb Emergent/Le Quotidien d'Oran. Il faut rappeler que les négociations autour d'un partenariat public-privé dans le secteur des TIC ont commencé à l'époque où l'actuel ministre de la Poste et des TIC, Moussa Benhamadi, était PDG d'Algérie Télécom. Depuis 2010, le Groupe AT a connu trois autres PDG. Mohamed Debouz, El-Hachemi Belhamdi (nommé en août 2011), puis Azouaou Mehmel en mars 2012. «A chaque changement on reprend tout à zéro», fulmine notre interlocuteur. Pour lui, si les partenariats n'ont pas fonctionné c'est parce que «notre seul fournisseur va très mal». Et ce ne sont pas les changements de PDG qui vont résoudre le problème. «Il s'agit d'un problème de gouvernance et de management. Les PDG viennent sans aucune feuille de route : ils naviguent à vue», affirme M. Kahlane. Les partenaires d'AT se meurent En véritable locomotive des TIC, mal pilotée, Algérie Télécom assiste «inconsciente» à la disparition d'un tissu important de développeurs de service Internet. «Plus il y a d'opérateurs ISP qui se développent et investissent, mieux Algérie Télécom prendra en charge ses propres abonnés», reconnaît pourtant l'actuel ministre de la Poste et des TIC, en fin connaisseur du secteur. Mais, force est de constater que les ISP dépérissent les uns après les autres en raison de la dégradation de la situation d'Algérie Télécom. L'entreprise «vit une situation des plus précaires». Cela sort de la bouche du nouveau PDG, Azouaou Mehmel, qui a tenu, immédiatement après son installation, d'annoncer la couleur aux employés et cadres du Groupe. Il remettait en cause notamment la manière avec laquelle est gérée une entreprise publique qui devrait fonctionner selon une logique commerciale pour assurer sa pérennité. A demi-mot, le nouveau PDG avoue que le monopole que détient Algérie Télécom a non seulement joué en sa défaveur mais a aussi mis à la traîne tout le secteur de TIC en Algérie. «Dix années après avoir quitté le giron du ministère des PTIC (avec le statut de Spa, ndlr), AT a pratiquement évolué dans un environnement de monopole. Cette position l'a paralysée, car elle n'a pas de concurrents. Ce qui a impacté la qualité de ces services», regrette le représentant des ISP algériens. La sortie du nouveau PDG d'Algérie Télécom, la première de son genre, vient rappeler que la position de monopole «ne peut pas aider l'entreprise à faire mieux» pour ces clients, ni pour le secteur des TIC. Cette situation n'est pas du seul ressort d'AT mais également de l'Etat qui devrait, au plus vite, adopter la nouvelle loi sur les télécommunications dont il est attendu, comme l'avait souligné M. Benhamadi dans un entretien accordé en début d'année au Quotidien d'Oran/Maghreb Emergent, de confirmer le rôle «d'opérateur des opérateurs» à Algérie Télécom et ouvrir les autres missions de développement des TIC aux opérateurs privés.