Mohamed Aïssa. Le nouveau ministre des Affaires religieuses. Ce ministère, soporifique et trouble et douteux depuis presque l'indépendance, retrouve une étrange jeunesse depuis la nomination de cet homme. Bien vu par les « anciens », les nouveaux, les islamistes dont il était très proche et les gens, de plus en plus. La nouveauté ? Simplement des évidences : l'Algérie est une république, les cultes sont les bienvenus dans le cadre de la loi, la pratique est une question intime, les juifs algériens existent et sont patriotes, le salafisme est un danger qui persiste et attend, les mosquées sont à encadrer et les imams à former autrement que durant le 16ème siècle, la surveillance policière n'est pas la bonne méthode et le référent algérien doit être le canon. A lire lors de son passage à Liberté ou en entretien avec un journal électronique, hier. Surprenant d'entendre un ministre des cultes, en Algérie, avoir plus de courage que les autres ministres, élites religieuses, parfois bigots, conservateurs ou discrets. L'homme tranche et explique et se défend. Il dessine les contours de la « solution » aux guerres des idéologies et des sectes qui minent le pays pendant que le régime surveille les anti-Bouteflika et leur marche dessus. Car la question du référent religieux est grave et la nécessité de rappeler le caractère républicain et non d'émirat de l'Algérie est une urgence vitale. On l'a payé avec 200.000 morts quand l'Algérie importait des cheikhs d'Egypte et des livres de l'Arabie saoudite. On peut le payer encore plus aujourd'hui avec les satellites wahhabites qui murmurent aux oreilles des familles, des femmes et des jeunes Algériens. Le discours de Aïssa Mohamed est étonnant pour ceux qui voient ce pays sombrer dans le califat politique en haut et le califat comme culture populaire en bas. Voilà un homme qui ose comprendre, essaye du moins, et qui voit que le danger pour le pays vient d'abord de là, de ses idéologiques et des doctrines envahissantes : la main étrangère est à remonter vers l'Est plus que vers le Nord. Le rappel du caractère républicain mais aussi de la fonction de ministère des cultes et pas des zaouïas, des confréries et des collectes de dons à se partager et des passeports de hadj, est primordial. On l'a oublié, on ne s'en souvient pas et cela étonne même les jeunes générations. La propagande anti-juive au nom de la Palestine a fait le reste, jouant sur l'affect gommant le principe de tolérance qui a fait la force des empires d'autrefois et des Andalousie(s) fantasmées. Le renfermement du pays, son basculement dans l'islamisme horizontal et les compromis du régime ont fait le reste de la talibanisation douce. Mohamed Aïssa en parlera avec aisance, expliquant les raisons, comprenant les émotions et demandant à ce que la société en prenne conscience sans tomber ni dans la « harwala » ni dans les intégrismes de rues et des têtes à propos des synagogues. Admirable donc le bonhomme dans un ministère sclérosé et mort depuis longtemps, dans un pays figé dans les postures de la violence et face à des élites religieuses peureuses ou des sectes étrangères féroces. Bien sûr, on trouvera à redire : le scepticisme, souvent justifié, algérien ne lui donne pas longtemps à vivre, en ministre, face à la maffia des religieux, des sectaires ou des affairistes du culte. Il représente aussi un ministère obsolète et qui est une contradiction dans une république selon certains. Il incarne la longue tradition de la répression des consciences au nom de l'unanimité et du « devoir-croire ». Mais passons. Lorsqu'un salafiste, un cheikh à pendre ou un prêcheur se lève pour insulter notre humanité et qu'on lui réponde, ils sont des milliers à le soutenir. Dans la lutte, je préfère soutenir un Aïssa algérien, qu'un El Djazairi saoudien ou un salafiste des rues ou un Cheikh Chemssou assis ou un Belhamar rusé ou un prédicateur libidineux et haineux. Le choix d'une religion est de l'ordre de l'intime, mais le choix d'une solidarité avec un homme qui essaye de penser et de l'ordre de la stratégie de lutte contre les temps obscurs.