Le ministre des Finances, Abderahmane Benkhalfa, a rassuré hier mercredi, 24 heures après une houleuse adoption de la loi de finances 2016, sur la volonté du gouvernement de maintenir la croissance économique, de ne pas abandonner la politique de soutien aux couches défavorisées et le soutien à l'accès au logement et aux produits subventionnés. Pour autant, le représentant du gouvernement aura été très critique contre le gaspillage, le manque de compétitivité de l'économie nationale et l'incompréhension qui a entouré le projet de loi de finances 2016. Il a ainsi souligné à la radio nationale que le gouvernement a vu «d'un coup ses ressources tomber à 45%. Le gouvernement est donc allé vers d'autres voies pour maintenir la croissance, et avec d'autres moyens», a-t-il expliqué. La loi de finances 2016 «intervient à un moment où les ressources sont tombées de 40%, et on est allé vers d'autres voies pour booster l'économie. Car il fallait maintenir la croissance par d'autres moyens, recouvrer d'autres ressources hors hydrocarbures, augmentation des prix peut-être, mais avec le maintien de la solidarité sociale», a souligné le ministre des Finances qui a précisé que le gouvernement «a consacré 50% du budget d'équipement pour les politiques de soutien aux couches défavorisées, soit 1800 milliards de dinars, et on continuera à protéger les couches sociales défavorisés. Dans les années à venir, pourtant, il va falloir cibler la protection de ces couches sociales», a-t-il averti. Pour M. Benkhalfa, en dépit des vives critiques des partis de l'opposition, «la loi de finances 2016 est équilibrée». «Elle facilite le partenariat, décourage l'importation inutile, lutte contre la désorganisation économique et modernise l'économie». Sur ce point, en particulier l'article 66 tant décrié, il a estimé qu'il est temps «d'ouvrir l'économie, mobiliser toutes les ressources»'. Car, «on n'a plus la fiscalité pétrolière d'avant la chute des cours, on sort de l'économie pétrolière pour une économie réelle, la fiscalité pétrolière va rapporter en 2016 1500 milliards de dinars, mais la fiscalité non pétrolière va rapporter quant à elle 3.000 md de dinars», martèle M. Benkhalfa, comme pour justifier la loi de finances qui a provoqué des remous au Parlement. Sur le volet des ressources financières informelles, il a tout naturellement souligné qu' «on va aller vers des ressources hors circuits bancaires, qui ne circulent pas. On demande à nos concitoyens de ne pas laisser l'argent dans les sacs, on va mobiliser ces ressources et les mettre dans l'investissement», indique-t-il, avant de souligner que «grâce à l'optimisation de ces ressources, on va aller plus loin». Encore plus rassurant sur l'état de l'économie nationale, le ministre des Finances rappelle que «nous ne sommes pas endettés, on a une marge de manœuvre de trois à quatre ans, mais durant cette marge de manœuvre, il faut aller vers une économie différente de celle où nous sommes.» LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE, LA BATAILLE DE BENKHALFA Mais, pour le ministre des Finances, la «mère des batailles» est celle qu'il faut mener contre le gaspillage et le manque de compétitivité des entreprises publiques. «Nous avons trop de gaspillage, pas de rentabilité, notre budget doit reculer, on doit rentabiliser mieux la production», a-t-il déploré, avant de rappeler que «l'électricité est soutenue à 60%, on a touché dans cette loi de finances les produits les moins nécessaires dans les hausses de prix. On va accompagner les agriculteurs et les pécheurs, avec la hausse du gasoil. Mais on ne va protéger tout le monde pour aller vers une vérité des prix. (Car) il va falloir mettre en place un système qui permet de cibler les couches les plus vulnérables, avec des subventions ciblées, on va soutenir les transferts sociaux, avec des subventions ciblées. Le lait, le sucre, l'huile vont aller vers leurs prix réels, on a un second salaire sous forme de subventions sur les prix, qui couvrent la semoule, les produits subventionnées», estime-t-il avant d'affirmer que le gouvernement veut «revenir à la valeur réelle des choses, comme le salaire, les produits et les services. Les importations qui ne sont pas nécessaires sont a surenchérir pour qu'elles ne rentrent pas dans notre pays». Sur l'article 66 qui a fait couler beaucoup d'encre, il a expliqué que dans la loi de finances «il y a des mesures pour clarifier l'économie. On a des entreprises publiques qui doivent investir plus, élargir leurs capitaux, et l'article 66 les protège. Personne ne pourra prendre 100% des entreprises publiques, mais seulement 34%. Aucun pays au monde ne peut avoir des entreprises publiques à 100%», souligne M. Benkhalfa, qui explique que «nous avons des règles juridiques qui protègent l'emploi, les filières». Pour lui, le soutien à la production nationale, aux entreprises publiques passe par «un éveil du secteur public, il faut que les entreprises publiques s'internationalisent, car elles doivent exporter». «Les articles 66 et 70 les protègent, mais leur permettent de s'ouvrir au capital privé», confirme-t-il, mais avec cette nuance que «si jamais, l'Etat décide d'ouvrir le capital des entreprises publiques, il ne peut l'ouvrir qu'à hauteur de 34%». Il précisera au passage que «l'entreprise publique est et restera protégée, cette ouverture n'est pas destinée à l'étranger, mais à l'investissement national privé qui dort» car, a-t-il averti, «personne n'a le droit de bloquer notre économie, et ce sont les instructions du président de la République.» Sur les entreprises dont le capital doit être ouvert aux investisseurs nationaux, il a expliqué que «c'est l'Etat qui décide quelle entreprise privatiser». Car, estime-t-il, «on doit redéployer, optimiser nos ressources, aller vers des projets qui ont une charge sociale prioritaire. Il y a eu une incompréhension de l'article 71, on doit avoir une vigilance et des instruments pour réadapter une situation, et ne pas attendre trois mois», a-t-il relevé avant de souligner qu' «on doit redéployer nos ressources» face à cet article 71 qui permet en cours d'exercice au ministère des Finances de réaffecter le budget d'un projet vers un autre sans recourir au Parlement. UNE «SAHWA» ECONOMIQUE Sur les augmentations des tarifs de l'électricité, les carburants, il a estimé que ces hausses sont minimes. «On a ajouté 5, 6 ou 7 dinars sur des produits de carburants. On n'a pas augmenté beaucoup les prix, et ceux (les commerçants) qui vont augmenter leurs prix vont être réprimés». Il rappelle cependant que «les hausses sur les carburants ne seront que de 5 ou 6 dinars», alors que «l'électricité ne sera pas augmentée pour les ménages moyens ou qui ont un foyer modeste. Le ciblage va venir comme une piqûre, nous sommes dans une démarche graduelle, on connaît nos impacts jusqu'en 2019 mois par mois», a-t-il laissé entendre sur cette épineuse question de la hausse des tarifs de l'électricité et du gaz que va appliquer Sonelgaz dès 2016. M. Benkhalfa, qui a souligné que la loi de finances 2016 a été bâtie sur un prix du baril de pétrole de 45 dollars, a indiqué que dorénavant «nous tournons le dos à l'économie énergétique pour aller vers l'économie réelle. Il ne faut pas freiner la croissance, aller vers les 4% de croissance, mais avec d'autres moyens. On doit être une économie émergente». M. Benkhalfa va plus loin en estimant que «nous avons besoin d'une sahwa économique, un éveil économique», avant de préciser que la valeur du dinar doit être améliorée par «la compétitivité de l'économie, et non pas par rapport à un panier de devises», avant d'annoncer l'ouverture tous azimuts de l'économie algérienne, à l'ombre du «patriotisme économique.» Sur les fonds recouverts par les banques avec l'opération de bancarisation de l'argent qui circule dans les circuits informels, il n'a pas donné de montant précis, mais affirmé que «l'argent perdu par le pétrole a été récupéré grâce à l'épargne, des jeunes ont mis dans les banques de grands montants». «On a récupéré de grands montants qui ne proviennent pas du pétrole», a-t-il dit, avant de rappeler que le crédit à la consommation sera réintroduit, mais pour les produits fabriqués localement pour encourager la production nationale. «Le crédit à la consommation est une affaire de banque», a-t-il dit, avant d'annoncer que les ministères de l'Industrie et du Commerce sont en train de ficeler une liste de produits éligibles à ce dispositif. «Nous sommes dans une situation qu'on peut franchir, on a les moyens, et il faut passer ce cap de manière convenable. Mais, il faut changer de comportement, lutter contre le gaspillage, moderniser nos entreprises publiques et légaliser l'informel», préconise enfin le ministre des Finances.