Le départ inattendu du général-major Abdelghani Hamel de son poste de directeur général de la Sûreté nationale ne sera certainement, pas le premier acte d'un scénario qui ne verra son épilogue qu'à l'annonce de la date exacte de l'élection présidentielle de 2019. Toutes les supputations sont permises lorsqu'un responsable «tombe» brusquement du piédestal d'une institution qu'il dirigeait, depuis 2011, avec une main de fer, parfois hautainement. Hamel n'était pas grand parleur lorsqu'il était en fonction mais le peu de fois qu'il l'a fait, ses propos n'avaient rien d'anodin. Les derniers -à propos de l'affaire elbouchi- ont été éloquents. Affaire qui, au regard de son poids -au vrai sens du terme (plus de 700 kg de cocaïne)-, s'il avait atteint les destinations que ses mentors s'étaient fixées pour le traiter et le distribuer, aurait touché, indéniablement, à la sécurité de l'Etat. « Avec une telle quantité, on peut déstabiliser tout un pays, » nous disait, hier, un responsable. Ce qui semble évident, c'est que le bateau a été «vendu» par des sources plus qu'informées. Le coup de filet n'a relevé en rien du génie des Services de sécurité mais d'un lâchage d'«indics» qui ont vendu la mèche de la cargaison avec comme objectif de se débarrasser d'«associés» devenus, certainement, encombrants de par leur fulgurante ascension en premier, « locale », dans des domaines créateurs de fortunes « instantanées » comme l'immobilier, le trafic de drogue, le transfert de devises et le blanchiment d'argent. Plus encore, de la contrebande menée par des gangs dont les ramifications se tissent, très souvent, jusqu'au niveau des plus hautes institutions et jusqu'au sommet de l'Etat et ce, partout dans le monde. Les 701 kg de cocaïne ne pouvaient être les premières cargaisons du genre. «Peut-être pas la coke mais de tous types de drogues, c'est évident,» affirme un haut responsable. L'on s'aperçoit que le timing de la saisie de la cocaïne par les forces militaires n'est pas fortuit. Il coïncide avec l'annonce d'un été prévu chaud de par les bouleversements qu'il devra amorcer avant que les choses ne se mettent en place pour l'élection présidentielle de 2019. Louh et la révision de la Constitution Plus que dix mois pour savoir qui fait quoi dans cet événement qui va provoquer des rapprochements et changements contre-nature. Il est vrai que le 5ème mandat pour le président de la République a été revendiqué par les partis du pouvoir, en premier par l'UGTA, le 24 février dernier, à Oran. Ahmed Ouyahia a, cependant, choisi les mots pour le dire. Il a appelé le président « à continuer son parcours à la tête de l'Etat,» a-t-il dit, à l'ouverture du Conseil national du RND. En effet, rien ne peut être, définitivement, joué au regard des difficultés qu'a la famille présidentielle à vendre l'image d'un frère dont la forme est difficile à conserver. L'on se demande, d'ailleurs, comment le chef de l'Etat a pu signer les deux décrets : le premier du limogeage de Hamel et le second de la désignation de El habiri, comme intérimaire, s'il ne se trouve pas à Alger. Il est soutenu de sources sûres, particulièrement médicales, que Bouteflika se trouve, depuis plus d'une quinzaine de jours en Suisse, « non pas pour un contrôle mais pour des soins intensifs. » Ce qui pousse à s'interroger sur les raisons qui ont provoqué le limogeage du DGSN, sous le sceau de l'urgence. Ceci étant, l'on pense que Hamel sentait les choses venir. Le jour même, des amis à lui voulaient le voir avant la fin de la semaine en cours mais il a hésité à leur fixer rendez-vous. « Ça nous a étonné quand il nous a dit que pour cette semaine je pense que ça ne serait pas possible, » nous a affirmé l'un d'entre eux qui ajoute que « c'était bizarre parce qu'à chaque fois qu'on voulait le voir, il consultait tout de suite son agenda pour nous donner le jour et l'heure de la rencontre.» Premier raccourci tout indiqué, s'il savait son sort scellé, il en a profité alors pour lancer des allusions assassines à propos de l'affaire d' elbouchi'. «L'enquête préliminaire a été marquée par des dépassements mais les juges étaient vigilants, » a-t-il déclaré, avant-hier, à la presse. «Bien que notre institution n'est pas concernée, directement, par le traitement de l'affaire, nous avons des dossiers que nous allons remettre à la justice », a-t-il, encore, asséné. Son dernier pique « celui qui veut lutter contre la corruption doit être propre.» Des réponses à Louh qui avait lâché « pas d'impunité » quel que soit le grade ou le statut du responsable impliqué ?!? L'enchevêtrement entre les propos de l'un et de l'autre responsable n'est pas à démontrer mais il est loin d'expliquer, à lui seul, les raisons du départ du premier. Au fait, le ministre de la Justice, Garde des sceaux est plus cité pour sa déclaration, d'il y a une semaine, sur la nécessité de réviser la constitution que sur l'affaire elbouchi'. S'il est vrai que les deux problématiques touchent, directement, l'Etat et ses institutions, la révision de la constitution, voulue par Tayeb Louh, un proche de Bouteflika, n'a rien d'une simple vision d'un magistrat qui veut simplement que le Conseil constitutionnel soit doté de plus larges prérogatives. Ouyahia, Sellal, des sorts à trancher ? De hauts responsables assurent que « s'il y a révision de la Constitution, c'est pour y inscrire, en premier, le poste de vice-président qui manque tant à la hiérarchie de l'Etat, depuis que la santé du président de la République n'est pas au beau fixe. » D'où, peut-être le choix du verbe «poursuivre son parcours » et non se présenter fait par Ouyahia. Les détracteurs de Louh ont tout de suite vu que « s'il appelle à la révision de la constitution c'est parce qu'il veut se placer en tant que vice-président les prochains mois à venir, il aura ainsi gagné l'échelon qu'il visait, depuis longtemps, notamment depuis que Bouteflika l'a choisi pour porter sa parole au niveau de nombreuses tribunes. » D'autres pensent plus complexe. « L'on peut prévoir que Hamel a été sorti de son poste pour le libérer de son statut de militaire et le préparer pour être vice-président », disent-ils. Un scénario qui se tient mais qui risque de provoquer une levée de boucliers militaires tant les deux institutions, MDN et DGSN, ne semblent pas en odeur de sainteté. Leurs deux responsables semblaient s'épier depuis longtemps. « La garde » a augmenté depuis que l'institution militaire a intercepté le bateau de la coke dans le large « alors qu'on pouvait le laisser accoster et arrêter le personnel, » disent des responsables. D'autres répondent «non, il ne fallait pas qu'il arrive au port parce qu'on craignait que la cargaison ne soit jetée en mer. » Derniers soubresauts dans l'affaire, elbouchi' a montré des vidéos compromettantes sur des responsables en poste et limogés, et le chauffeur de la DGSN, même si l'institution a précisé que ce n'est pas le chauffeur personnel de Hamel, a dit qu'il amenait des mallettes à l'aéroport sans qu'il sache ce qu'elles contenaient,» disent des agents de sécurité. Les scénarii ne concernent pas que Hamel. Il est avancé que le clan présidentiel réfléchit sur une éventuelle période de transition de trois ans pour permettre «avec sa bénédiction bien sûr, à tout candidat potentiel de se préparer à des élections présidentielles, véritablement propres et honnêtes», indiquent d'autres responsables. Le nom de l'ex Premier ministre, Abdelmalek Sellal revient, cette fois, pour le donner en tant que « président de la transition pour préparer les conditions à un tel rendez-vous ». Indice faible, «le FLN a repris ses proches collaborateurs comme membres de son bureau politique ». Ahmed Ouyahia, l'actuel Premier ministre n'est, bien sûr, pas du reste. Mais lui, les mauvais esprits semblent se préparer à se déchaîner contre lui. Les rangs des dissidents à la direction du RND, dans son ensemble, grossissent et veulent se donner la main, anciens et nouveaux, pour le faire partir des deux postes. « Ouyahia ne pourra partir de son poste de Premier ministre, avec le RND en main, c'est trop dangereux, disent certains d'entre eux. Echéance à dépasser avant de lancer toute tentative de déstabilisation du RND, les sénatoriales de l'automne. « Nous avons des amis qu'on veut garder ou placer à ces postes, nous nous devons d'être patients avant de renverser les équilibres, » nous dit l'un des meneurs des dissidents d'Ouyahia.