Chaque jour des dizaines d'hommes et de femmes se bousculent devant les guichets municipaux dans une ambiance de foire digne d'un sous-développement avancé. Pour se faire délivrer un acte de naissance «original», le citoyen doit se rendre à son antenne communale et faire une première longue chaine pour obtenir un bon de commande numéroté. EOn lui demande généralement de revenir dans dix à quinze jours pour le retrait de son document. Mais dans la majorité des cas, ce premier rendez-vous plutôt fictif est raté et la jeune préposée au guichet demande au concerné de revenir dans deux ou trois jours. Ceux qui se présentent pour réclamer leur documents administratifs doivent remettre aux préposés du guichet le bon de commande où sont inscrit le nom du demandeur, la nature de la pièce demandée, le numéro d'enregistrement sur le registre concerné, mais aussi une photocopie de la feuille du livret de famille où est enregistré le nom du concerné. Il se trouve que très souvent des citoyens non informés font la chaîne pendant des heures pour être finalement refoulés par l'agent du guichet qui leur exige la photocopie demandée. Parfois excédés par le nombre de matinées passées à faire la chaîne devant le guichet sans trop savoir si leur «commande de document» sera enfin satisfaite, quelques pères de familles craquent et s'emportent.. déchirant leur livret ou leur bon de commande devant des employés municipaux dépassés et une foule en ébullition. Certains, encore plus malchanceux, sont orientés vers un guichet ; le n°3 du siège de l'APC, pour faire une réclamation. Mais là encore, après une matinée d'attente et de bousculade, ils quittent souvent les lieux les mains vides. Et à la fermeture des guichets, tous les nombreux candidats présents pour une réclamation sont «invités» à revenir le lendemain matin car le guichet en question n'est ouvert pour les dépôts et réclamations que de 08h à 11h30. Fatalement, le nombre impressionnant de personnes qui se présentent aux guichets de réclamation ne cesse de croître d'un jour à l'autre. Et les scènes de révolte et de désolation ne cessent d'amplifier les colères et les cris de rejet d'un système défaillant. Depuis le lancement de l'opération d'identification biométrique, les citoyens affluent avec masse sur les guichets de l'état civil. Pas moins de 250 à 300 personnes font chaque jour la chaîne devant les portes fermées du service, brisant le calme de la nuit et dérangeant les riverains qui ont perdu le sommeil et l'ancienne quiétude de leur quartier. Les chaînes anarchiques et interminables se font chaque jour à la rue Sergent Lebarre, dès les premières heures de la journée et parfois en pleine nuit, sont marquées par des disputes et des bagarres qui nécessitent souvent l'intervention des policiers. Et souvent les paroles vont peut-être plus loin que la pensée: « Dommage que je n'ai plus l'âge pour la Harga.. .» s'exclame un retraité dépité. «On est considéré comme des moins que rien, comme du bétail...» renchérit un autre père de famille outré.