La justice algérienne va examiner dans les prochaines semaines trois importants dossiers de corruption impliquant des sociétés étrangères, des affaires ayant causé au Trésor public un préjudice évalué à plusieurs milliards de dollars partis en pots de vin et rétro commissions. Ces procès sont une estrade du phénomène de corruption qui a entaché le développement algérien. Alors que le régime algérien essaye par tous les moyens de lutter contre la corruption et se débarrasser de ces affaires qui trainent depuis des années et qui gênent la croissance de l'investissement, analyse les observateurs. Le premier dossier, examiné à partir de dimanche par le tribunal criminel d'Alger, concerne la réalisation de l'autoroute est-ouest, qui traverse le nord de l'Algérie (1.200 km). Seize personnes et sept sociétés étrangères sont accusées notamment de corruption, blanchiment d'argent et dilapidation de deniers publics. Lancé en 2006 pour une durée de quatre ans et un coût de six milliards de dollars, ce chantier-phare, encore inachevé et entaché de malfaçons, a vu son prix grimper à plus de 11 milliards de dollars, selon des estimations officielles. Les sociétés étrangères convoquées au tribunal sont Citic CRCC (Chine), Cojaal (Japon), Sm Inc Canada, Isolux Carsan (Espagne), Piearotti (Italie), Garaventas (Suisse) et Coba (Portugal). Le procès initialement prévu fin mars a été reporté en l'absence des avocats d'un des principaux accusés, le consultant international Chani Mejdoub, qui possède la double nationalité algérienne et luxembourgeoise. M. Mejdoub est détenu depuis plus de cinq ans, après avoir été arrêté par les services secrets algériens. Le second procès, également devant le tribunal criminel d'Alger, concerne le groupe pétrolier algérien Sonatrach et implique les compagnies italiennes Saipem et allemande Funkwerk. Ouvert en mars, il a été renvoyé au 6 juin à la demande de la défense qui a exigé la présence de témoins ne s'étant pas présentés à la première audience. Sonatrach était classée en 2013 première société en Afrique, avec un chiffre d'affaires à l'export de plus de 63 milliards de dollars, selon les sources. L'ancien PDG du groupe, Mohamed Meziane, deux de ses enfants et huit ex-directeurs exécutifs font partie des 19 accusés, dont sept en détention. Ils sont poursuivis notamment pour association de malfaiteurs, détournement de deniers publics, blanchiment et corruption dans le cadre de marchés conclus de gré à gré avec des compagnies étrangères, contraires à la réglementation. M. Meziane est soupçonné d'avoir accordé à Funkwerk Algérie des marchés de plus de 110 millions d'euros en contrepartie de cession d'actions à ses deux enfants. Il est aussi soupçonné d'avoir favorisé Saipem, filiale d'ENI, dans un contrat de 586 millions d'euros pour la réalisation d'un gazoduc entre l'Algérie et l'Italie. Le tribunal s'intéressera aussi à la rénovation d'un immeuble de Sonatrach à Alger. D'un montant de plus de 64 millions d'euros, il aurait été confié de manière illégale à une entreprise étrangère. Une peine de cinq ans de prison ferme assortie d'une amende de 122 millions de dinars a été requise par le ministère public contre l'ex-président directeur général de Sonatrach Mohamed Meziane et le vice-président amont du groupe pétrolier Boumediene Belkacem, à l'issue du procès de Sonatrach 1. Un autre scandale de corruption, dit Sonatrach 2, est en cours d'instruction. Il implique notamment l'ex-ministre de l'Energie Chakib Khelil, contre lequel un mandat d'arrêt international a été délivré avant d'être annulé pour raisons de procédure. Enfin, la cour criminelle de Blida (50 km d'Alger) organisera le 4 mai un nouveau procès du groupe Khalifa, de l'ex-magnat Rafik Khalifa, détenu à Alger après avoir été extradé par Londres fin 2013. La faillite de son groupe (banque, transport aérien, immobilier, bâtiment, TV, etc.), qui employait 20.000 salariés en Algérie et en Europe, avait causé un préjudice estimé par des avocats entre 1,5 et 5 milliards de dollars à l'Etat et aux épargnants.