Le village agricole « DEHAM Mokhtar » longe le septième kilomètre de la RN 14 à l'ouest de la ville de Tiaret et à 10 km à l'est de Mellakou chef lieu de commune. Plus de cent onze familles mènent, dans un silence inquiétant, une vie misérable dans cette localité qui relève de la commune de Mellakou, sur le plan administratif. C'est en 1985 que fut construit une vingtaine de logements pour abriter quelques familles qui habitaient la région de Sidi Ouadah. L'électricité, l'assainissement et l'éclairage public existaient dans cette agglomération. Depuis cette date, aucun projet n'a été réalisé. L'école, la salle de soins, le transport scolaire et l'aménagement urbain font défaut. Des enfants de six ans font de l'auto stop pour aller à l'école Au moment où la Wilaya de Tiaret avait, le mois de septembre passé, bénéficie de 53 bus pour le transport scolaire, pas moins de 160 élèves y compris ceux de la première année primaire, avec de lourds cartables, font de l'auto stop pour se rendre aux écoles situées de à Mellakou, Chef lieu commune, à une distance de 10 km de leur lieu de résidence. Ce trajet est parcouru, pédestrement lorsque les conditions atmosphériques le permettent, et durant toute l'année scolaire, sans que les autorités locales soient inquiétées. Pire encore ces écoliers, issus de familles nécessiteuses, passent leurs journées sans manger, c'est le cas des écoles où il n'y a pas de cantines scolaires. Les multiples demandes et les revendications des parents d'élèves n'ont abouti à aucun résultat positif. Les habitants de cette localité n'ont cessé de revendiquer une école où leurs enfants puissent être scolarisés, à défaut, mettre à leur disposition un bus pour le ramassage scolaire. Dans le cas où les autorités ne prennent pas en considération ces revendications, les habitants comptent faire sécher les cours par leurs enfants des la reprise des cours après les vacances d'hiver. Quant au transport des voyageurs, les habitants de cette localité passent de longues heures dans l'attente des bus qui assurent le transport entre Tiaret et Mellakou, ils arrivent souvent complets et ne font pas un arrêt à l'endroit prévu à cet effet. « Malgré cela notre maire fait la sourde oreille et refuse de mettre un bus à la disposition des enfants scolarisés » nous déclare un vieillard, avec un regard furtif, que nous avons trouvé assis dans l'abri bus. Les malades sont évacués à bord de tracteurs De par leur situation sociale dérisoire, plusieurs cas d'asthmes et d'arthroses ont été diagnostiqués chez les locataires de cette agglomération qui, pour n'importe quel problème minime soit-il, se trouvent dans l'obligation de se déplacer à Mellakou ou à Tiaret. Les malades chroniques pris par une crise sont exposés à tous les risques et leur évacuation se fait par auto stop ou à bord d'un tracteur agricole. Il en est de même pour les femmes enceintes prises par les douleurs d'accouchement. L'évacuation par ambulance demeure un rêve pour les malades de ce patelin. La construction d'une salle de soin s'avère indispensable pour un minimum de couverture sanitaire pour répondre aux besoins des cas d'urgence. Le vécu des malades dans ce village sème le doute sur les déclarations des officiels quant au taux de couverture sanitaire estimé à plus 60%. Ces citoyens, chômeurs par excellence, n'exercent aucune activité et leur seule source de revenue, c'est le produit du travail de la terre et de l'élevage. Quant aux jeunes, il y a ceux qui, tôt le matin, se dirigent vers les champs pour travailler et d'autres que l'oisiveté tue, passent leur temps aux cafés à Mellakou. Exclusion … un développement freine Les habitants de « DEHAM Mokhtar » déplorent leurs conditions de vie inhumaines dans cette localité. Ils cohabitent avec leurs bêtes dans des maisons sans hygiène ni aération et ne présentent guère l'aspect d'une habitation destinée à abriter des humains. Ils utilisent le bois pour se chauffer et préparer le manger. Alors que les conduites d'alimentation en gaz de la population de Mellakou passent à quelques dizaines de mètres du village. Les rues impraticables en hiver, pour circuler entre les habitations, il faut se munir de bottes. Les eaux usées coulent en plein air et dégagent des odeurs nauséabondes. A tout cela, s'ajoute l'odeur insupportable dégagée par le poulailler situé à quelques mètres des habitations. L'indifférence, le mutisme voire l'absence des autorités locales accentuent la souffrance de cette population victime d'une véritable exclusion. Les élus ne sont nullement inquiétés du sort de ces citoyens. Les jeunes de cette population n'ont bénéficié d'aucun contrat dans le cadre du filet social. « Le quota alloué à la commune de Mellakou est destiné uniquement aux citoyens résidant le chef lieu de commune. Quant à nous, nous sommes traités comme des étrangers à la commune » nous dit un jeune au volant d'un tracteur qui se prépare pour aller travailler la terre. Dans lecadre de l'aide de l'Etat à l'habitat rural et depuis sa mise en application, un quota de treize logements ruraux a été accordé aux habitants de ce village ayant construit illicitement ; un logement construit et habité par le bénéficiaire, quatre sont en cours de réalisation et six dont les travaux sont gelés pour des raisons ignorées. Les autorités locales ont interdit toute construction dans le village, et tous les travaux entrepris dans ce domaine sont gelés selon les bénéficiaires. Pourtant les textes sont clairs à ce sujet. L'habitat rural est destiné aux habitants des zones rurales. Les postulants à ce type de logements dénoncent le favoritisme et l'exclusion dont ils sont victimes. Pour savoir les obstacles qui freinent le développement de cette localité, nous nous sommes rendus au siège de l'APC de Mellakou où nous avons rencontré un technicien qui a hésité à nous donner des éclaircissements sur la situation qui prévaut au village « DEHAM Mokhtar », et nous conseilla d'aller voir le chef de Daïra chargé de la gestion des affaires de l'APC. Ce responsable n'a pu être joint, vu ses nombreuses obligations. Néanmoins nous avons pu avoir quelques indices. En effet, cette agglomération connaît de sérieux problèmes inhérents au réseau d'assainissement, un problème majeur auquel aucune solution n'a été trouvée. En 1985, le réseau d'assainissement et une fosse sceptique conçus pour une population de vingt familles. L'eau de robinet n'existait pas. Cette fosse était vidée tous les six mois. Actuellement, le village compte plus de 1000 personnes, d'où la vidange de la fosse tous les jours est devenue une nécessité. Son débordement pollue l'eau de l'oued qui se déverse dans le barrage de Mechraa-Sfa, duquel est approvisionnée la ville de Tiaret en eau potable. Serait-ce la raison pour laquelle aucun projet n'a été inscrit au profit de ce village?.Mais cet alibi n'est pas convaincant, du moment que les eaux usées des villes de Tiaret, Mellakou et Tagdempt coulent dans ce barrage et personne n'a jamais parlé de pollution ! Un vieillard avec lequel nous avons eu à discuter nous apprend « notre recasement dans des logements ailleurs, pour ne pas dire déportation, était pressenti par le passé. Je croyais que la mer était notre destination forcée. Après quelques années c'est nos enfants qui se trouvent confrontés à cette situation ». Les larmes aux yeux, Il continue à nous parler, « Croyez-moi ! Parler de déportation me rappelle l'ère coloniale, et je n'ai pas envie d'en parler. Tout ce que je peux dire à nos responsable ‘'Allah yahdihoum'' ». La souffrance des habitants de ce village, voisin du chef de lieu Wilaya, perdure et l'avenir de leurs enfants est compromis. Ils lancent un appel de détresse aux concernés, « un meilleur cadre de vie et une école pour leurs petits enfants, est une légitime et éternelle revendication ».