Le phénomène du travail des enfants, surgi plusieurs années auparavant, n'a fait que se renforcer durant la présente décennie, où l'exploitation est devenue plus massive et s'est répandue à une allure effarante dans la capitale des Hauts-Plateaux, souillant davantage l'image auparavant reluisante de la cité. Aussi, ne sera-t-il pas surprenant de rencontrer des enfants arpentant les méandres du souk Abacha, sous un soleil de plomb, pour vendre leur camelote que ce soit des sacs, des pétards ou encore des cigarettes dans cet endroit désormais réputé pour l'insécurité et la violence qui y règnent. D'autres s'aventurent dans les décharges publiques à la recherche de résidus de plastique, de plomb et de tout ce qui pourra être récupéré et revendu. Quelques-uns ont « la chance » d'exercer dans des locaux de marchands de légumes ou encore de cordonniers, certes à l'abri du soleil, mais en butte à l'exploitation d'adultes vénaux. Une situation accablante qui ne fait que croître et faire de nouvelles victimes. Preuve en est le cas de ce garçonnet, issu d'une famille démunie et qui fait quotidiennement la navette entre son village et Sétif, chargé de colifichets qu'il vent pour aider à subvenir aux besoins de sa famille. Ou encore celui de Mohamed, jeune écolier qui a les mains noircies par les débris de cuivre qu'il amasse laborieusement dans les décharges de la ville avant de les revendre à des ferrailleurs pour des sommes dérisoires. Tous les moyens sont bons pour s'assurer une petite rente à la fin de la journée de labeur, souvent faite d'activités rudes et pénibles qui pourtant, sont le lot quotidien de dizaines d'enfants. Ces constatations faites, l'on pourrait se demander ce qui entraîne ces enfants vers une activité assurément préjudiciable, si ce n'est dangereuse pour eux. La pauvreté reste évidemment à la racine du phénomène. Dans certaines familles où les deux parents n'ont pas d'emploi, ce sont souvent les enfants qui prennent la relève pour assurer à la famille quelques deniers supplémentaires, souvent au détriment de leur scolarité et de leur épanouissement, autant physique que mental. A noter également que certains parents, au comble de la vénalité et de l'inconscience, n'hésitent même plus à entraîner leur malheureuse progéniture dans la mendicité, en l'obligeant à quémander le long des rues, sans être le moins du monde émus par les risques encourus par leurs enfants. Certains mineurs sont, à leur tour, recrutés dans des locaux de vente, de menuiserie... Pourtant, les lois régissant le travail des mineurs sont sans appel. Légalement, l'âge minimum requis pour un quelconque recrutement ne peut en aucun cas être inférieur à 16 ans, sauf dans le cas d'un contrat d'apprentissage géré par la formation professionnelle. L'autorisation du tueur légal est également requise ainsi que la condition express que le mineur ne soit pas employé à des travaux dangereux pour sa santé ou préjudiciables à sa moralité. La législation en vigueur est assurément stricte, elle n'en est pas moins bafouée très souvent. Interrogé par nos soins, un marchand de légumes nous avouera qu'il recrute des gamins « à l'œil ». « Il vaut mieux qu'ils apprennent un métier dès leur jeune âge que de rester des années à l'école pour en sortir bredouille. » Un contrat d'apprentissage, il n'en a eu aucun entre les mains. « Généralement, j'engage les gosses dont je connais les parents. Ils me les confient pour apprendre le métier. » De telles conditions de vie d'une partie des enfants de Sétif mérite assurément plus de vigilance de la part des autorités compétentes, qui demeurent les plus aptes à faire régresser le phénomène. En outre, la solution passe indubitablement par une scolarisation mieux supervisée mais aussi par la régulation de certains préjugés sociaux, selon lesquels un enfant qui travaille sera un adulte plus responsable à l'avenir. Encore, faudrait-il que son équilibre et son épanouissement personnels ne soient pas à jamais ébranlés par une responsabilisation.