L'affaire Maurice Audin a été évoquée à l'occasion de la remise du "Prix Maurice Audin de mathématiques" pour l'année 2010, décerné à Boumediene Abdellaoui (Algérie) et Emmanuel Trélat (France), lors d'une cérémonie organisée mardi à l'Université des sciences et technologies Houari-Boumediene (USTHB -Alger). La cérémonie s'est déroulée en présence du recteur de l'USTHB, Benali Benzaghou, le directeur général de la Recherche scientifique, Hafid Aourag et des représentants de l'association Maurice-Audin, à l'origine du prix crée en 1957 et décerné, depuis, à deux mathématiciens des deux pays. Boumediene Abdellaoui, âgé de 35 ans, est maître de conférences à l'université de Tlemcen spécialisé dans les équations aux dérivées partielles. Emmanuel Trélat (absent lors de la cérémonie), 36 ans, est un professeur à l'Université d'Orléans (près de Paris). Les deux universitaires ont été honorés pour la qualité de leurs travaux.Le lauréat algérien qui s'est félicité de cette distinction, a estimé que le prix Maurice Audin contribuera à renforcer les relations, "déjà grandes", entre l'Algérie et la France. Pour lui, l'exemple de Maurice Audin prouve que "l'homme de science n'est pas un homme qui s'enferme dans son laboratoire mais peut sacrifier jusqu'à sa vie pour une cause noble". De son côté, le trésorier de l'association, Gérard Tronelé, a déclaré que l'objectif recherché à travers cette distinction était de favoriser les échanges entre universitaires des deux pays et de "maintenir en éveil la communauté des mathématiciens sur l'affaire Audin". L'affaire Audin avait jeté l'émoi dans les milieux intellectuels et universitaires d'Europe, d'Amérique et du Japon où des comités s'étaient mobilisés pour réclamer la vérité sur sa disparition, en pleine bataille d'Alger. Arrêté le 10 juin 1957 par les parachutistes de l'armée française, dirigés par Massu, Maurice Audin avait été déclaré "en fuite", mais un comité mis sur pied quelques jours après son arrestation soutient, sur la foi de témoignages, que l'universitaire était mort sous la torture et que les autorités coloniales avaient fait disparaître son corps. Regroupés autour du mathématicien Laurent Schwartz, des intellectuels de renom ont contraint la justice française à ouvrir un procès contre les tortionnaires de Audin. Invoquant des clauses des Accords d'Evian, cette dernière décide de l'arrêt de toute poursuite judiciaire et clos définitivement le dossier Audin en 1966. Par devoir de mémoire, M. Tronel a préconisé l'organisation d'un séminaire à Alger sur l'assassinat de Maurice Audin, rappelant que l'association qu'il représente "demande la reconnaissance de la responsabilités des différentes autorités (de l'époque) impliquées dans cet assassinat". Présent à la cérémonie, Pierre Audin, fils du martyr Maurice Audin, a estimé que cette récompense jouait un rôle inestimable dans la consolidation des liens d'amitié qui existent entre l'Algérie et la France, à travers les deux communautés de mathématiciens. Il s'est dit convaincu que ce prix contribuerait à la mise en place de relations "solides" et "durables" entre les deux pays. Evoquant son père, Pierre a tenu à dire que "Maurice Audin s'est toujours senti algérien à part entière. Il a soutenu la cause algérienne et s'est battu pour l'indépendance de l'Algérie". La cérémonie s'est achevée par la projection du documentaire "Maurice Audin, la disparition" de François Demerliac. Pendant 52 minutes, amis et proches se sont relayés pour apporter des témoignages sur le militantisme, la vie et la fin tragique du martyr. Maurice Audin est né le 14 février 1932 en Tunisie. Assistant en mathématiques à l'université d'Alger, il était membre du Parti communiste algérien (PCA) et militant anticolonialiste. A sa disparition, Maurice Audin, alors âgé de 25 ans, préparait un doctorat en mathématiques sous la direction de Laurent Schwartz. Ce célèbre mathématicien est un des signataires, en 1960, du Manifeste des 121 écrivains, universitaires et artistes français appelant à l'insoumission des jeunes soldats français en Algérie et au "refus de prendre les armes contre le peuple algérien" en lutte pour son indépendance.