ALGER - Quelque 30.000 dossiers relatifs aux bénéficiaires des dispositions de la Charte pour la paix et réconciliation nationale ont été traités sur les 60.000 reçus par les commissions de wilaya chargées de l'application de la charte, a annoncé dimanche à Alger, le président de la cellule d'assistance judiciaire pour l'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale M. Azzi Merouane. Les dossiers n'ayant pas encore été traités concernent les catégories qui ne sont pas citées parmi les bénéficiaires de ces dispositions, a souligné M. Azzi lors d'une conférence de presse animée au forum du quotidien el Moudjahid ajoutant que les commissions de wilaya "n'ont pas trouvé le cadre juridique qui leur permet de répondre aux demandes de ces catégories". Pour le conférencier, le taux d'application des dispositions de la charte a atteint 90% affirmant que les mesures nécessaires seront prises durant les semaines à venir pour parachever l'application de cette charte. Il a rappelé que la cellule a présenté à la présidence de la République 15 propositions concernant les catégories qui n'ont pas été mentionnées dans la charte promulguée en 2006. Il s'agit, selon M. Azzi, de la prise en charge rapide des familles des disparus et des terroristes abattus dans le cadre de la lutte antiterroriste, précisant que la cellule a reçu plus de 400 dossiers de familles qui n'ont pas obtenu de procès verbaux de la police judiciaire et de constats de disparition pour les personnes disparues ou l'acte de décès pour celles décédées. Dans ce cadre, il a déploré que le processus d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale fait toujours face à des entraves de certaines parties, ajoutant que certains tribunaux et commissions de wilaya exigeaient des familles des disparus et des terroristes abattus, de "présenter les documents originaux". Parmi les catégories, dont la cellule a proposé une prise en charge rapide et l'indemnisation, les personnes se trouvant dans les établissements pénitentiaires et condamnées pour implication dans des actes terroristes et dont certaines ont fait l'objet de jugements prononcés à l'époque des tribunaux spéciaux (de 1992 à 1994). M. Azzi a estimé à 120 le nombre de dossiers déposés par les personnes accusées d'appui et de soutien aux groupes terroristes pour bénéficier des dispositions de la réconciliation nationale, affirmant qu'après examen il s'est avéré que ces dossiers n'étaient pas concernés par les trois exceptions mentionnées dans la Charte, à savoir l'implication dans des massacres, des attentats à l'explosif dans des lieux publics ou des viols. Il a ajouté que parmi les propositions formulées par cette cellule la prise en charge des victimes de terrorisme qui "estiment être marginalisées", appelant à cet effet, à "la nécessité de mettre en place un statut pour cette catégorie et d'installer une instance permanente pour assurer le suivi de ses dossiers et la révision des indemnités qui lui sont allouées, en fonction de ses besoins et ses conditions de vie". "Nous demandons à ce que les indemnités octroyées aux victimes de terrorisme demeurent permanentes jusqu'après l'âge adulte et de retraite", a-t-il indiqué, précisant que ceci est à même de réhabiliter cette catégorie. Dans les propositions soulevées à la présidence de la République, M. Azzi a cité le cas des enfants nés au maquis, dont le nombre dépasse actuellement 500 enfants âgés entre 3 et 15 ans, ajoutant que la cellule a reçu 100 dossiers les concernant et n'a pu trancher que dans 37 uniquement, car ne remplissant pas les conditions, en raison de l'absence de l'un des géniteurs. Afin de résoudre ce problème, la cellule a proposé de soumettre ces enfants "à un test ADN pour la détermination de la filiation paternelle". Le problème majeur réside dans les cas d'enfants qui n'ont pas de documents d'Etat civil et dont on ignore la filiation paternelle et maternelle, s'interrogeant sur l'avenir de cette frange privée de ses droits civils. Dans ce contexte, M. Azzi a appelé à la mise en place d'un mécanisme juridique pour le traitement des dossiers des femmes violées ayant enfanté, vu la "complexité" de certains dossiers qui ne pouvant être traités étant donné que "certaines femmes ayant eu des relations illégales prétendent avoir été victimes de viol par des terroristes". Dans ses propositions, la cellule a également évoqué l'indemnisation des personnes qui ont été provisoirement incarcérées et celles qui ont été emprisonnées dans des centres au Sahara, indiquant que celles-ci ne peuvent recourir à la justice car ne disposant pas de décisions de détention. "Certaines d'entre elles ont été touchées par des radiations nucléaires et d'autres sont décédées des suites de ces radiations", a-t-elle précisé. Elle a, en outre, proposé l'indemnisation et la réhabilitation des personnes qui ont été incarcérées et innocentées après procès, indiquant avoir reçu 15 dossiers dont 7 ont été tranchés. Elle a, dans sens, appelé à accélérer la réinsertion socioprofessionnelle des personnes restantes. Rappelant que la liste des propositions a également inclus le recensement et l'indemnisation des personnes ayant enregistré des dégâts matériels durant la tragédie nationale, M. Azzi a appelé à la mise en place de commissions au niveau de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et de l'Armée nationale populaire (ANP) pour examiner la situation des agents du corps de la sûreté qui ont été licenciés de leurs postes d'emploi. Il a, en outre, déclaré avoir reçu, récemment, un appel téléphonique d'El Hachemi Sahnouni (ex membre dirigeant du parti dissous) qui lui a proposé de soumettre les dossiers de détenus qui se sont engagés à rompre avec l'action armée. Il a indiqué que si les prochaines mesures devaient inclure l'amnistie générale, "peu importe la formulation de cette amnistie, le plus important étant sa teneur", a-t-il souligné, précisant que "l'amnistie requiert des mesures complexes et la prise de toutes les dispositions en vue de répondre aux besoins de chaque catégorie et aux exigences de l'Etat de droit".