CONSTANTINE - El khatfa (des feuilles de brik, appelées diouls dans d'autres régions du pays, servant à confectionner le bourek), fabriquée à domicile par des femmes au foyer, inonde les marchés de Constantine dès leur ouverture tôt le matin. A la table du f'tour à Constantine, ville connue pour ses traditions culinaires, le bourek accompagne chaque soir le menu, ce qui rend el khatfa, dont on se sert pour envelopper une farce de viande hachée ou d'£ufs, aussi indispensable que l'indétrônable chorba frik. Dans les foyers démunis, les mères de familles sans ressources trouvent dans cette activité une opportunité pour gagner un peu argent et améliorer quelque peu l'ordinaire de la famille en ce mois de jeûne, de piété, mais aussi de travail. Les femmes travaillant ainsi à domicile se réveillent dès potron-minet. En fait, elles s'attèlent à leur besogne, juste après le repas du S'hour, pour préparer la pâte à base de semoule et de farine, un mélange sans beurre ni autre produit gras, dosé de façon à obtenir une bonne consistance. Le reste est affaire de doigté et d'expérience, lorsqu'il s'agit de jeter le plus rapidement possible une petite quantité de pâte liquide sur un tadjine chauffé à point et retirer aussi vite la feuille de khatfa qui prend forme grâce à une cuisson ultrarapide. La disponibilité à profusion des feuilles de brik de fabrication industrielle sur les marchés ne semble pas gêner outre mesure les petits vendeurs du produit fait maison, car tout bon acheteur sait que ce dernier n'absorbe pas les huiles et réduit en conséquence le gras. Mme Nadia B, une ménagère qui fait elle-même le marché, en témoigne et assure qu'elle a adopté depuis longtemps, la khatfa vendue à la douzaine par des enfants confirmant qu'elles sont "de meilleure qualité". Les enfants-vendeurs sont chaque matin du mois sacré aux abords des marchés. Ils se débrouillent pour se frayer une petite place parmi les marchands professionnels, posant leurs piles de khatfa sur une caisse en carton renversée, et criant à tue-tête "khatfa djedida ! khatfa djedida" pour convaincre les clients, qui en douteraient, que les feuilles de brik proposées ont été fabriquées dans la matinée même. Le petit Amine, 12 ans, vend depuis deux ans déjà, au marché du centre-ville de Constantine, les diouls que prépare sa maman. A la fin d'une journée harassante, il rentre à la maison avec sa recette en poche, mais non sans avoir fait quelques courses pour agrémenter le f'tour. Ce petit bonhomme tout frêle est déjà responsable et les clients n'hésitent pas à l'aborder, rassurés par sa bonne tenue, sa frimousse angélique et une bonne éducation qui le rend davantage avenant. Amine qui cède la douzaine de feuilles à 60 dinars, affirme qu'il écoule tout ce que sa mère fabrique dans la journée. Certains clients lui commandent régulièrement de grandes quantités, moyennant la garantie d'hygiène, d'emballage et de rapidité de livraison. Amine ajoute que par nécessité, sa mère s'est aussi spécialisée dans certaines recettes traditionnelles et ne tardera à préparer des q'taïf pour l'Aïd, dans la plus pure tradition constantinoise.