ALGER - Le 16ème Salon international du livre d'Alger (Sila), qui ferme ses portes ce samedi après dix jours de razzia sur la plupart des publications proposées, aura été marqué comme les précédents par une affluence considérable en dépit de conditions d'accueil jugées bien loin des normes requises pour ce genre de manifestation. Rassemblées dans un immense chapiteau privé de système de climatisation, les quelque 500 maisons d'éditions, nationales et étrangères présentes manquaient visiblement d'espace vital et seule la beauté intrinsèque du livre parvenait à compenser un tant soit peu l'image de "bazar" qui pouvait parfois se dégager des lieux, selon l'avis de beaucoup d'habitués et de spécialistes. Ces conditions peu encourageantes n'ont toutefois pas empêché le public d'affluer en grand nombre, surtout les week end, convaincu qu'il s'agit là d'une occasion annuelle unique à ne pas manquer. Mais l'édition qui s'achève, si elle a signé un regain d'intérêt des Algériens pour la lecture, aura confirmé aussi une tendance -pas nécessairement positive- observée d'année en année en faveur du livre religieux, des publications scientifiques ou technologiques et au livre de cuisine, aux dépens d'autres genres littéraires, pourtant tout aussi nécessaires à l'épanouissement intellectuel et culturel de générations entières. Pour autant, la cherté des livres était sur toutes les lèvres. Pour certains, le prix élevé du livre est lié à la flambée du prix du papier, pour d'autres ce sont la marge bénéficiaire des éditeurs et les droits versés aux auteurs eux mêmes qui rendent le livre souvent hors de prix. Reste que les scènes récurrentes de visiteurs charriant des cartons entiers de livres dans les travées du Salon et aux alentours du site, demeure, pour les habitués du Sila, un phénomène sur lequel les analystes devraient se pencher. Public fidèle, éditeurs satisfaits ...malgré tout Les avis des éditeurs approchés par l'APS divergent quant à l'organisation du Sila, à son déroulement et à son apport à la lecture en Algérie. Mohamed Boilattabi, représentant des éditions Gallimard (France) s'est félicité du fait que le salon du livre d'Alger, durant ces sept dernières années, a permis aux maisons d'éditions étrangères d'investir le marché algérien du livre, avec une diversité éditoriale conséquente. "Chaque année nous constatons une petite amélioration, malgré les désagréments liés à l'absence de climatisation et au manque d'aération dans l'espace d'exposition. Il est clair, néanmoins, que le Sila reste un vecteur important pour réintroduire la lecture publique chez les jeunes", a-t-il dit. Il a tenu à faire remarquer que les stands se sont transformés en "ruches" tout au long du Salon, rehaussé par la visite de deux ministres étrangers de la Culture, le Libanais Gaby Layoune, dont le pays était l'invité d'honneur de l'édition 2011, et le Français Frédéric Mitterrand. Le représentant de l'éditeur libanais "Dar El-Farabi", Kacem Barakat, partage cet avis, même si lui aussi aurait souhaité exposer dans de "meilleures conditions" et tient à souligner sa préférence pour l'ancien site, celui du palais des expositions des Pins maritimes. Pour sa part, l'éditeur Barakat a salué la fidélité du public algérien, affirmant que sa relation avec ce dernier était "appréciable" et l'encourage à être présent à chaque édition. La responsable des éditions Apic (Algérie), Samia Zennadi, estime que des efforts sont fournis chaque année par des éditeurs pour faire du Sila une "vitrine convenable" de l'Algérie. A cet égard, elle suggère aux organisateurs de penser à soumettre aux participants un questionnaire pour connaître leurs doléances et corriger toutes les lacunes en prévision des prochaines éditions. Même si l'emplacement du site du Salon est pour elle "plus adéquat" en comparaison avec l'ancien, en raison de sa proximité des campus universitaires, Mme Zennadi juge "anormal" l'absence d'aires de repos pour les visiteurs. "C'est le public qui fait le succès d'un salon du livre, aussi les organisateurs aurait-ils dû penser à lui offrir un minimum de confort", estime-t-elle. A l'opposé, l'un des grands absents des conférences-débats du Sila mais présent aux éditions Barzakh pour la signature de ses deux romans, l'écrivain Amine Zaoui, a expliqué qu'un salon professionnel du livre était organisé "d'abord pour les éditeurs", une occasion pour eux de vendre et acheter les droits d'édition, de traduction et d'adaptation, ce qui n'empêche pas ce genre de manifestation, selon lui, d'être attendue par le grand public. Le romancier s'est désolé qu'un salon de ce type se déroule sous un chapiteau, ce qu'il juge "humiliant" et "dévalorisant" pour le livre et les amoureux du livre. Un salon dédié au savoir et à la culture devrait être organisé, selon Amine Zaoui, "pour mettre le bon livre algérien, bien sûr, à la disposition des professionnels du livre, venant des quatre coins du monde". Selon lui, d'autres salons nationaux et locaux spécifiques du livre devraient se tenir, consacrés à d'autres genres d'écriture comme un salon du livre technique (en collaboration avec les universités), un salon du roman et un salon de la poésie.