Introduit sur le marché national depuis plus de dix ans, le crédit-bail ou le leasing tarde à atteindre sa vitesse de croisière en raison notamment de la réticence affichée par les entreprise à opter pour ce mode de financement, estiment des responsables de banques spécialisées. Toutefois, les établissements financiers tablent beaucoup sur cette formule et s'attendent à son développement dans les années à venir, qualifiant le marché national de "prometteur" en la matière. "Actuellement, le leasing avance à pas timides, car les chefs d'entreprises ont peur d'investir avec les banques, préférant l'autofinancement de leurs projets. D'autres PME continuent de solliciter les crédits classiques", constate la directrice commerciale d'Arab leasing corporation (ALC). Cet établissement, qui a entamé ses activités en 2002, a accordé des crédits estimés à 31 milliards de DA, ajoute Mme Cheballah. "C'est très peu par rapport à la période et au nombre important de PME existantes qui avoisine les 700.000", commente-t-elle. Pour sa part, le directeur général de la Société nationale du leasing (SNL), Mohamed Krim, estime que le peu d'engouement pour ce type de financement est du à "l'absence d'une culture managériale dans la plupart des PME qui ont peur de s'ouvrir sur le marché et réaliser des plans d'extension". "La plupart des PME sont familiales et ne disposent d'aucune organisation en termes de gestion. Ces entreprises sont renfermées sur elles-mêmes et leurs dirigeants doivent comprendre qu'une PME est d'abord une entreprise nationale qui contribue au développement économique durable du pays", ajoute M. Krim. Le même responsable insiste que le problème réside dans le manque d'ambition des PME et non pas dans le produit lui-même. "Les chefs d'entreprises n'ont pas peur du leasing en tant que formule de financement, mais ils ont plutôt peur d'investir davantage. Le jour où ils se mettent à penser à leur développement, ils opteront sans nul doute pour le leasing", souligne-t-il. Créée en juillet 2010 et entrée en activité en juillet 2011, la SNL a reçu un total de 374 demandes de financements (158 de juillet à décembre 2011 et 216 de janvier à novembre 2012), indique M. Krim, précisant que ces dossiers représentent une somme de 3,8 milliards de DA, dont un milliard de DA a été déjà accordé aux demandeurs. Banques optimistes et opérateurs économiques insatisfaits... L'état actuel du marché du leasing ne semble pas, du reste, démotiver les établissements financiers spécialisés qui tablent sur un avenir "prometteur" de ce type de financement qui permet aux entreprises de conserver leurs fonds propres tout en disposant de moyens mobiliers ou immobiliers nécessaires pour leurs activités. "Nous sommes très optimistes pour l'avenir de cette filière, car le marché national dispose d'un grand potentiel en la matière, notamment avec les multiples projets lancés dans divers secteurs", assure la directrice commerciale de l'ALC. "Nous allons intensifier notre campagne de vulgarisation de ce produit afin d'attirer davantage de PME. Nous avons des projets d'ouverture de plusieurs agences proches des zones industrielles afin d'être à l'écoute des opérateurs économiques", ajoute-t-elle. Le même avis est partagé par le DG de la SNL, estimant être sur la bonne voie. "Le marché algérien est prometteur et porteur pour le leasing", dit-il, ajoutant que la perspective de création de 2 millions de PME à l'horizon 2025 "boostera le leasing dans toutes ses formes". Le crédit-bail est actuellement proposé par une dizaine de banques et établissements financiers dont trois sociétés publiques nouvellement autorisées à l'exercer : la SNL (Société nationale de leasing, filiale BDL/BNA), El Djazair leasing-SPA (filiale de la BEA et de la banque portugaise BES), en plus d'El Djazair Idjar-SPA, nouvellement agréée. Ce dernier établissement financier devrait entamer ses activités fin décembre 2012, a affirmé récemment, à l'APS, son directeur général, Rachid Metref. El Djazair Idjar-SPA est détenu par le Crédit populaire d'Algérie (CPA) et la Banque de l'agriculture et du développement rural (BADR) à hauteur de 47% chacun ainsi que la Société algéro-saoudienne d'investissement (ASICOM) pour une part de 6%. Les différentes banques exerçant dans ce créneau ont lancé, ces derniers mois, une "offensive" d'ouverture des succursales à travers les régions du pays, accompagnée d'une forte campagne publicitaire dans les médias afin de vulgariser leurs services. "Actuellement, le leasing est au stade embryonnaire. Le marché se développera et il y aura plus d'offre et de compétition", estime le directeur général de la société de conseils financier "Humilis Corporate Finance", Lyes Kerrar. L'offre de leasing ne couvre que 8% de la demande potentielle ... Selon une étude récente réalisée par Humilis Finance, l'offre de leasing couvre seulement quelque 8% de la demande potentielle. "La demande potentielle est de l'ordre de 4 milliards de dollars, alors que l'offre actuelle est de seulement 300 millions de dollars", précise M. Kerrar à l'APS. Du côté des autorités publiques, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a souligné la nécessité de développer le leasing comme moyen de financement des investissements. Une instruction adressée, le 10 décembre 2012, par M. Sellal aux différents établissements financiers, offre un statut dérogatoire aux sociétés de leasing en matière d'amortissement fiscal, en vue de leur permettre d'améliorer leur performance et leur présence aux côtés des PME. Cette mesure est qualifiée par le Délégué général de l'association des banques et établissements financiers (ABEF), Abderrezak Trabelssi, de "soulagement" pour l'activité de leasing qui représente, selon lui, un marché de quelque 60 milliards de DA en Algérie, soit près d'un milliard de dollars. Réduire le coût du leasing pour accompagner les entreprises Pour leur part, les chefs d'entreprises qualifient le taux d'intérêt (loyer) des financements leasing appliqué par les banques de "trop élevé", ce qui empêche les investisseurs à solliciter ce type de financement. "Le taux d'intérêt (loyer) est de 9% hors taxes. Avec la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui est à la charge de l'entreprise, ce taux revient à plus de 12%. C'est trop cher pour les PME", regrette le président de l'Association générale des entrepreneurs algériens (Agea), Mouloud Kheloufi. Dans le contexte actuel, les entreprises privées préfèrent, poursuit-il, "compter sur leurs moyens de bord pour financer leurs investissements car avec le leasing ils travailleront beaucoup plus pour l'intérêt des banques". M. Kheloufi demande de "ramener les taux d'intérêt à 3 ou 4%", si les banques "veulent vraiment accompagner l'épanouissement des entreprises algériennes".