L'accélération du flux migratoire en Afrique du Nord et au Sahel est favorisée par la crise multiforme que connaissent les pays de la région, notamment après les bouleversements ayant suivi les évènements du "printemps arabe", ont souligné lundi à Alger des experts. La situation après le printemps arabe et ses conséquences "ont conduit à un déplacement des populations de la région", a déclaré Mme Saïda Benhabyles lors d'une rencontre-débat à l'hôtel Hilton sous le thème "Flux migratoire et évolution des situations politiques, socio-sécuritaires dans la région". Mme Benhabyles a évoqué à l'ouverture de la rencontre la situation dans certains pays arabes ayant connu ce qui est appelé "les révolutions arabes", affirmant que les changements survenus n'ont pas été porteurs de progrès ni de démocratie mais ont été un facteur de déstabilisation. Intervenant lors de cette conférence, M. Mohamed Saib Musette, directeur de recherches au Centre de Recherche en Economie Appliquée pour le Développement (CREAD), a constaté que "les mouvements actuelles de populations n'ont jamais atteint des limites aussi dramatiques qu'aujourd'hui (...) même peut-être pires que les guerres dans le monde". Notant l'émergence d'un nouveau concept, celui des "migrations de crises", M. Musette a souligné que "nous sommes dans une situation de crise multiforme à l'échelle planétaire, à l'échelle de puissances, politique et économique". "Les flux migratoires sont de différentes formes", a-t-il ajouté, prenant pour exemples des études de mouvements de migrations, "les populations déplacées, les populations piégées, les flux migratoires mixtes (étudiants, travailleurs, commerçants, les familles). Il a rappelé qu'on a beaucoup plus tendance à parler de migrations externes, occultant ainsi l'autre problème des migrations internes qui connaissent un "rythme de croissance très accéléré". Ces migrations, a-t-il expliqué, ont un "élément déclencheur" à l'échelle internationale à savoir une "crise économique internationale, une crise sociétale, voire civilisationnelle et la crise climatique" obligeant des populations à quitter leur région menacée par des catastrophes naturelles. Déplorant "les failles et les manquements" dans les dispositifs internationaux en terme de gestion des flux migratoires, M. Musette a recommandé pour les pays africains de construire une "base de connaissance" pour les aider à faire face à ce problème. De son côté, Mario Lana, vice-président du conseil italien des réfugiés, a axé son intervention sur les conséquences du +printemps arabe+ sur les flux migratoires, indiquant que "l'impact des révolutions arabes a touché beaucoup de pays". Exemple à l'appui, M. Lana qui est également vice-président de la Fédération Internationale des droits de l'Homme (FIDH) a fait savoir que la guerre menée par l'Otan en Libye en 2011, provoquant la chute du régime de Mâammar El Gueddafi, a conduit à une migration des travailleurs, dont le nombre a été évalué à plus de 700.000 de plus de 120 nationalités. "La stabilité de la région devient une préoccupation réelle" et la "dernière guerre" en Libye, a-t-il fait observer, avait coïncidé avec la famine en Afrique notamment dans les pays du Sahel, qui s'ajoutent à "l'instabilité politique en Côte d'Ivoire et récemment au Mali".