L'urbanisme en Algérie nécessite un redressement global pour instaurer une vision nouvelle et moderne de l'action urbanistique qui consacrera les normes en vigueur en vue de mettre un terme définitif aux multiples dérives qui défigurent l'environnement urbain, s'accordent à dire experts et spécialistes en politique de l'urbanisme. La promotion d'un cadre urbain esthétique et harmonieusement aménagé constitue une priorité publique eu égard aux mutations économiques et sociales que connaît l'Algérie qui aspire à résorber progressivement les images de désordre qu'offrent les constructions inachevées. L'esthétique du cadre bâti est désormais considérée d'intérêt public. Selon le président du conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA), Djamel Chorfi, les différents programmes de logements et d'équipements publics réalisés jusque là n'ont pas été fait dans le respect des règles de l'urbanisme. Il a, ainsi, plaidé pour la révision du cadre juridique régissant le domaine urbanistique de manière "à encourager les architectes à faire appel à leur esprit créatif", déplorant l'absence d'un cadre référentiel définissant l'identité architecturale nationale et ses caractéristiques techniques. "Ce cadre permettra d'élaborer des cahiers de charges appropriés aux spécificités de la société algérienne lors des projets de logements", a-t-il estimé. La crise de logement en Algérie, a-t-il poursuivi, a toujours été traitée de manière quantitative, sous la pression de la demande forte cumulée depuis des décennies, encourageant ainsi l'émergence de cités "dortoirs" qui manquent d'équipements vitaux et d'espaces verts. Pour le syndicat national des architectes agréés algériens (SYNAA), cette situation s'explique essentiellement par la "mise à l'écart" de leur corporation du développement économique du pays. "L'Algérie, aujourd'hui, construit beaucoup. Et, paradoxalement, l'exercice du métier d'architecte n'a jamais été autant mis à mal qu'en ces temps de production intensive du cadre bâti", a souligné son président M. Achour Mihoubi. "Les conséquences de cet état de fait sont visible et présentes sur plusieurs plans, à tel point qu'on est même arrivé à banaliser, voir à dénigrer et dévaluer le métier d'architecte en lui faisant endosser toutes les responsabilités possibles", a-t-il ajouté. Le SYNAA revendique, à cet égard, la révision des honoraires des architectes et la redéfinition des conditions de l'exercice de la maîtrise d'oeuvre. De son coté, Mohamed Larbi Merhoum, deux fois lauréat du Prix national de l'architecture, en 1999 et 2004, considère que l'architecte est "socialement marginalisé", en dépit des textes juridiques qui exigent son implication dans les différents travaux de construction, ajoutant que la plus-value de l'architecte revêtait un aspect culturel avant d'être technique. Selon lui, l'Algérie développe un tissu urbain "antisocial et sans mémoire". Ces experts sont unanimes à dire que le pays souffre d'une expansion urbaine incontrôlée, d'un étalement non maîtrisé des grandes villes, du non-respect par les différents acteurs des études d'aménagement et de l'insuffisance de coordination des services publics qui veillent sur l'acte d'aménager et celui de bâtir. L'aspect environnemental est aussi négligé. Les techniques d'isolement thermique et l'économie de l'énergie demeurent des concepts peu utilisés dans l'architecture algérienne. L'"anarchie urbanistique" ne se limite pas aux nouvelles zones urbaines, mais touche la plupart des villes algériennes qui connaissent une détérioration du vieux bâti, une expansion continuelle des bidonvilles à coté des constructions inachevées qui défigurent l'environnement urbain. Une loi sur la conformité des constructions et son achèvement a été promulguée en juillet 2008, mais son application est freinée par "plusieurs difficultés objectives ainsi que des lourdeurs administratives", selon les responsables du secteur. Un observatoire national de la ville a été installé récemment afin de proposer les dispositions susceptibles d'améliorer le cadre de vie du citoyen à l'intérieur des villes algériennes et contribuer à trouver des solutions idoines aux problèmes de l'urbanisme. Le ministère compte également créer une institution chargée de la mise à niveau des villes, notamment à travers leur restructuration et la correction des dysfonctionnements enregistrées. Des opérations pilotes seront lancées prochainement. Ces opérations constitueront le cadre référentiel pour l'élaboration d'un programme national de mise à niveau qui s'étendra progressivement à l'ensemble du pays. Par ailleurs, la loi sur l'urbanisme est en cours de révision, en collaboration avec le CNOA. "Cette révision s'impose du fait que la législation en vigueur ne répond plus aux exigences de l'urbanisme moderne et du développement socio-économique accéléré que connaît le pays", a expliqué le DG de l'Urbanisme et de l'Architecture au sein du ministère, Mohamed Rial. "La législation en cours, devenue obsolète, a été conçue dans un esprit coercitif et illusoire dans la mesure où elle n'a pas produit les effets attendus en terme de maîtrise de la croissance urbaine et d'amélioration de la qualité de notre urbanisme", a-t-il martelé. Les actions engagées visent à reconsidérer les instruments de l'urbanisme, notamment le PDAU (plan directeur d'aménagement et d'urbanisme) et le POS (Plan d'occupation des sols), alléger les procédures en terme de délais et de contenu des documents à fournir, intégrer les spécificités de l'architecture nationale dans les cahiers de charges, assurer une mixité sociale dans les nouveaux quartiers et impliquer le citoyen dans sa conception.