Le peu d'implication de l'architecte dans la conception urbaine et le bâtiment continue de faire débat, à l'heure où l'accent est mis sur la nécessité d'une approche moderniste des villes. Mercredi dernier, en marge du BATIMATEC, une journée technique sur «l'architecture et l'urbanisme en Algérie», a été organisée. Les architectes algériens intervenant au cours de cette journée ont clamé haut et fort qu'il faut compter avec eux dans toute approche urbanistique ou de construction, à plus forte raison dans la réhabilitation des immeubles. «Les architectes algériens sont qualifiés pour l'éco-construction, de même pour les travaux de restauration et de réhabilitation des bâtiments publics avec des matériaux de construction locaux » étaient-ils unanimes à assurer. D'ailleurs, la plupart des architectes participants ont présenté des projets réalisés. Dans sa communication intitulée « le revers de la médaille », Lotfi Zeroual, un jeune architecte, a présenté le processus de conception et de réalisation d'un projet de bâtiment. Il est longuement revenu sur le rôle de suivi du maître d'ouvrage qui « est fondamental, notamment concernant la qualité du bâti ». Il dira que « le revers de la médaille, c'est quand le maître d'ouvrage joue à l'architecte en dessinant lui-même le projet ». « C'est un fiasco », a souligné le conférencier. Exemple : le projet de réalisation d'un immeuble en plein centre d'Alger qui a été complètement « déformé » par le maître d'ouvrage lors de la construction. « Cette situation a poussé le cabinet d'architecture à se retirer du projet », a signalé Zeroual. Dans le même sillage, l'architecte RafikBelamane a plaidé pour une collaboration entre le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre pour la réalisation de tout projet. Dans sa communication intitulée « Quand le travail de l'architecte est respecté », il a mis en exergue le rôle de l'architecte et sa mission, notamment dans le projet de réalisation de logements pour un promoteur privé. « La mission n'est pas facile. On a des difficultés avec les services techniques, notamment le CTC et la Protection civile », dira le conférencier. De son côté, l'architecte spécialisé dans la réhabilitation et la restauration, Samia Slimani, est revenue sur la réhabilitation des bâtiments publics qui « constitue une nouvelle préoccupation ». Elle a présenté, à l'occasion, le projet de restauration du lycée Okba à Alger qui « s'inscrit dans un projet global concernant les dix plus anciens établissements implantés à Alger ». Elle a assuré que les architectes algériens sont qualifiés pour mener ce genre de travaux. « On fait appel à des architectes étrangers, notamment des Italiens, pour la restauration et la réhabilitation, sous prétexte de la non-disponibilité d'architectes qualifiés et spécialisés alors qu'il existe chez nous une main-d'œuvre et des matériaux locaux pour cela », a-t-elle assuré. Hasna Hadjilah, représentante du SYNAA, (Syndicat national des architectes agréés algériens), a évoqué la problématique de la commande d'architecture en Algérie. « Vu le programme de constructions et le nombre record d'exposants au salon Batimatec, on est amené à croire qu'il existe une commande d'architecture, mais c'est faux », affirme-t-elle. L'architecte Mohamed Larbi Merhoum a plaidé pour « une participation réelle dans la production du bâti » de la corporation. «Tous les architectes sont formés au niveau de l'Ecole polytechnique d'architecture sur les techniques de l'éco-construction qui prennent en compte le vent, l'ensoleillement, l'isolement énergétique», précise RafikBelamane. Pour lui, on a fait de l'éco-construction un «phénomène de mode alors qu'il faut réellement se pencher sur cette question pour éviter les erreurs commises dans d'autres pays, à l'exemple de la France». L'architecte dira que « la difficulté en Algérie vient de la rudesse du climat». A cet effet, il a plaidé pour le retour aux sources. «A Ghardaïa, par exemple, des habitations ont été construites sans plan architectural mais avec du bon sens. On plaide pour un label éco-construction qui réponde au bon sens», observe-t-il. A noter que le marché de l'éco-construction et de la restauration est en pleine expansion. Il est fait généralement appel à des entreprises étrangères pour ce faire, mais les résultats ne sont pas toujours conformes aux attentes. Auparavant des marchés de restauration de sites historiques importants ont été confiés à des entreprises locales sans grande qualification en la matière. Résultat : certains sites ont été tout simplement défigurés, puis abandonnés en l'état.