Une immersion dans l'univers musical de la région africaine du Sahel, avec le diwan comme fil conducteur d'une expérience particulière de fusion, est proposée par le jeune groupe "Ifrikya Spirit" (Esprit africain) dans un album éponyme enfin disponible dans les bacs. Très attendu par les amateurs de diwan et de musique africaine, ce premier opus du groupe, annoncé depuis octobre 2014, contient huit titres regroupés sous le titre "Ifrikya Spirit", aux éditions Papidou. Dans cet album, le groupe fait preuve d'une grande ouverture rythmique, mélodique et instrumentale sur les musiques du Sahel, notamment du Mali et du Burkina Faso et qui s'exprime, particulièrement, dans les titres "Selmani" et "Moussawayo", des compositions propres comportant, en plus d'une influence sahélienne, des rythmes de bossa nova et de jazz. Le leader du groupe, Chakib Bouzidi, se distingue dans cette oeuvre par une voix au timbre particulièrement chaleureux mais aussi par une maîtrise sans pareille du goumbri, n'goni et balafon. Dans ces deux premiers titres, le groupe expose toute sa maîtrise instrumentale à travers des musiciens comme Rafik Kettani au soussane (petit goumbri) et Amine Houame aux percussions traditionnelles, mais aussi toute la complexité de la fusion élaborée avec l'introduction des claviers en arrangements, de la guitare et de la batterie. L'introduction du n'goni, instrument à cordes au son aigu, équilibrant le son de basse du goumbri, confère au style de Ifrikya Spirit des sonorités africaines qui servent des textes inspirés du diwan et non plus puisés dans le répertoire mystique comme il est de coutume chez les groupes diwan. Autre style dans cet album, un afro-reggae très rythmé domine des morceaux comme "Afrika" et "Yah la yhé" interprété par la chanteuse Sou Alia, ou encore "Bambara", des titres marqués par les sons des congas, du balafon (ancêtre du xylophone) et d'une section cuivre. Digne héritier de l'enseignement du défunt maître du diwan Benaïssa Bahaz et de sa touche, reconnaissable entre toutes, au goumbri, Chakib Bouzidi donne toute l'étendue de ses connaissances en la matière dans "Baba djilali", un morceau complexe du diwan traditionnel, ou dans "Marou" chanté par Rafik Kettani. Les compositions du groupe restent équilibrées entre les influences diwan et celles de la musique malienne ou burkinabè que le leader du groupe avait découvertes à l'occasion du 2e Festival panafricain d'Alger. Celui-ci se lancera par la suite dans l'apprentissage d'instruments comme la kora, la tamma et le balafon -rarement pratiqués en Algérie- trouvant ainsi le point de fusion entre des styles initialement très proches. "Ifrikya Spirit" est présenté dans une pochette dominée par les couleurs de terre ornée de dessins au crayon représentant les musiciens à l'oeuvre, instruments à la main, ainsi que toutes leurs influences. En optant pour des rythmes et sonorités peu familières, ce groupe formé en 2009 a voulu se créer une identité musicale propre ou se démarquer en proposant de nouvelles compositions sur de textes glorifiant la paix, la solidarité interafricaine, tout en rappelant bien évidemment le rituel du diwan. Par Nadir HAMMOU