Le second tour de l'élection présidentielle et des législatives partielles à Haïti, initialement prévues ce dimanche ont été reportés à une date ultérieure, au moment où l'opposition réclame notamment le départ du président Michel Martelly, plongeant ainsi à nouveau le pays dans l'incertitude. Initialement prévu le 27 décembre, le second tour du scrutin présidentiel a été reporté au 24 janvier, le temps pour la commission indépendante d'évaluer le processus. Cette commission a indiqué dans son rapport que les élections tenues le 25 octobre étaient "entachées d'irrégularités". A moins de 48 heures de l'ouverture des bureaux de vote, le président du conseil électoral provisoire (CEP) en charge de l'organisation des scrutins, Pierre-Louis Opont, a annoncé le report du second tour de la présidentielle et des législatives partielles initialement prévues dimanche. Il n'a donné aucune nouvelle date. Le président du CEP a justifié ce report par "des raisons évidentes de sécurité" et par l'"ensemble d'incidents et d'actes violents sur l'ensemble des infrastructures du conseil". Plus d'une douzaine de bureaux électoraux ont été incendiés ou attaqués en province dans la nuit de jeudi à vendredi. Au premier tour du scrutin présidentiel le 25 octobre, le candidat du pouvoir, Jovenel Moïse, avait recueilli 32,76% des voix, contre 25,29% pour Jude Célestin, qui a qualifié ces scores de "farce ridicule". Après un premier report des scrutins en raison des contestations de l'opposition, cette nouvelle annulation plonge Haïti dans l'incertitude. L'opposition exige le "départ immédiat" du président, le candidat du pouvoir demande "l'organisation rapide d'un deuxième tour". Haïti est secoué depuis plusieurs jours par des manifestations d'opposants réclamant la suspension de ce second tour de scrutin, le candidat de l'opposition Jude Célestin ayant promis de boycotter le vote en invoquant des "irrégularités" lors du premier tour, organisé le 25 octobre dernier. Depuis deux mois, l'opposition dénonce "un coup d'Etat électoral" fomenté par M. Martelly, qui ne peut prétendre à un second mandat consécutif en vertu de la Constitution. Au lendemain de l'annulation pour "des raisons de sécurité", des milliers de manifestants ont marché samedi dans les rues de Port-au-Prince pour réclamer le "départ immédiat" du président Martelly. "Nous exigeons désormais le départ de Michel Martelly et (du Premier ministre) Evans Paul et la formation d'un gouvernement de transition avant le 7 février pour faire aboutir le processus électoral en cours", a affirmé Assad Volcy, un responsable politique de l'opposition. La foule d'opposants, qui manifestaient encore contre la tenue du scrutin, a été violemment dispersée par les policiers qui ont lancé des grenades lacrymogènes. Des tirs à balles réelles ont aussi été entendus. La panique a alors gagné la commune de Pétionville, où se situe le siège du CEP. Une personne a été blessée par balle, trois voitures ont été incendiées et plusieurs vitrines de magasins brisées dans cette banlieue de Port-au-Prince. De son coté, Jovenel Moïse, candidat du pouvoir à l'élection présidentielle haïtienne, a demandé samedi au lendemain de l'annulation par le conseil électoral provisoire (CEP) du scrutin prévu ce dimanche "l'organisation du deuxième tour rapidement". "Ce que je ne comprends pas trop dans la décision du CEP, c'est qu'ils ont renvoyé les élections du 24 janvier, comme ils avaient renvoyé les élections du 27 décembre, sans dire quand elles auront finalement lieu", a indiqué le candidat du parti PHTK (parti haïtien tet kale). Face aux critiques de l'opposition, le chef de l'Etat a dénoncé jeudi "un vaste complot pour essayer de nous déstabiliser". "Ils cherchent à faire perdre du temps pour entrer dans une situation confuse le 7 février", a-t-il dit, faisant référence à la date constitutionnelle de passation du pouvoir présidentiel. Ban appelle à organiser rapidement les élections reportées Dans un communiqué, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon "exhorte vivement toutes les parties prenantes à travailler sans tarder à la conclusion du processus électoral de manière pacifique". Il faut, a-t-il ajouté, "trouver une solution consensuelle qui permettra au peuple d'Haïti d'exercer son droit de vote pour élire un nouveau président ainsi que les représentants restants du nouveau Parlement". Il exhorte aussi les acteurs politiques à rejeter la violence et à "s'abstenir de toute action qui pourrait perturber davantage le processus démocratique et la stabilité en Haïti". M. Ban réaffirme l'engagement des Nations unies "à continuer de soutenir la consolidation de la démocratie et la stabilisation" dans le pays. Trente ans après la fin de la dictature des Duvalier, Haïti peine toujours à organiser des scrutins non contestés et qui suscitent l'engouement de la population.