Les décisions rendues par la justice marocaine contre un certain nombre d'enseignants contractuels protestataires ont suscité la colère au sein du secteur éducatif et de l'opposition d'un royaume dont le régime du Makhzen ne prête plus attention aux revendications de son peuple, illustrant la situation désastreuse des droits de l'homme au Maroc. Le tribunal de première instance de Rabat a condamné une cinquantaine de professeurs et membres de la Coordination nationale des enseignants contractuels au Maroc, à des peines de prison allant jusqu'à 3 mois. A l'issue de ce verdict, qualifié d"'injuste", la Coordination a annoncé dans un communiqué la prolongation de la grève jusqu'à ce dimanche et la tenue d'un Conseil national exceptionnel, exprimant son soutien à tous les professeurs qui défendent leur inclusion dans la fonction publique. Un membre de la coordination, Rabie Al-Karai, a dénoncé les décisions de la justice et déclaré que le gouvernement "a honoré les femmes lors de leur Journée internationale en condamnant une enseignante à la fleur de l'âge à une peine d'emprisonnement exécutoire". Le chef du Parti d'opposition Progrès et socialisme, Rachid Hamouni, a appelé le gouvernement à assumer toutes ses responsabilités quant à l'issue de la situation déjà congestionnée dans ce secteur. "Il (le gouvernement) est dans l'obligation de les intégrer dans les effectifs réguliers de l'emploi public et d'améliorer leurs conditions rémunératrices et professionnelles", a-t-il martelé. M. Hamouni a, dans ce contexte, interrogé le gouvernement sur la démarche à suivre "afin de régler enfin le dossier des enseignants, les cadres des académies régionales d'éducation et de formation et de préserver le déroulement normal de la saison scolaire en cours". Pour sa part, Nabila Mounib, secrétaire générale du Parti socialiste unifié, a critiqué la répression des enseignants, soulignant qu'"assister à leur violence est inacceptable au Maroc du XXIe siècle". Elle a déclaré que les revendications des professeurs contractuels sont "claires et justes", et qu'ils sont "conscients que nous vivons dans des pays arriérés et dépendants, que notre bouée de sauvetage est la réforme de l'enseignement public, pour qu'il soit unifié, gratuit et de qualité". "Comment est-il possible pour l'Etat de confronter les enseignants à l'autoritarisme et à une répression féroce, alors qu'il doit s'asseoir avec eux et trouver des solutions pour faire avancer l'école publique avec tous ses enfants?", s'est-elle interrogée. Amnesty appelle Rabat à abandonner les charges Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes marocains ont réagi aux décisions de justice, en particulier le verdict d'emprisonnement, et exprimé leur étonnement face à cette décision, se montrant solidaires avec les enseignants condamnés. D'autres internautes se sont interrogés sur les répercussions de ces décisions sur la scolarité des élèves. Pour sa part, Amnesty International condamné les peines prononcées contre les professeurs, appelé les autorités marocaines à abandonner toutes les charges pour lesquelles les professeurs sont poursuivis et à mettre fin à la détention arbitraire de manifestants pacifiques. "Il est honteux que des enseignants soient confrontés à la justice et à l'emprisonnement simplement pour avoir exprimé leurs demandes légitimes d'amélioration des conditions de travail et des droits à l'emploi", s'est indignée Amna Guellali, directrice adjointe Moyen-Orient et du bureau régional pour l'Afrique du Nord de l'ONG, appelant les autorités marocaines à "cesser leur campagne répressive contre les enseignants". Le tribunal a poursuivi les enseignants pour "entrave à la circulation sur la voie publique, outrage à la force publique, violences et rassemblement sans autorisation", alors qu'ils étaient descendus dans la rue pour revendiquer leurs droits. Les enseignants contractuels manifestent depuis plusieurs mois pour réclamer leur intégration immédiate dans la fonction publique, comme le reste des professeurs, et d'être promus avec un salaire décent.