Les souks de la médina ne désemplissent pas. On y trouve de tout : cela commence par les métiers artisanaux, comme le bois, le cuir ou le cuivre jusqu'aux échoppes d'encens, de tissus et des fabuleux caftans marocains. Marrakech : De notre envoyé spécial Bien sûr, ici comme dans toutes les médinas du monde arabe, il ne faut pas hésiter à diviser le prix d'une marchandise par deux, mais l'exercice n'est pas si déplaisant, vu que les commerçants marrakchis sont d'une amabilité toute… touristique. Plus haut, tout le monde débouche sur la mythique place Djamaâ El F'na, une sorte de cour des miracles où des charlatans côtoient aussi bien des diseurs de bonne aventure que des arracheurs de dents et des charmeurs de serpents. Le spectacle offert aura le loisir de capter l'attention de tous les touristes, mais le combat de boxe entre deux gosses pas plus haut que trois pommes sera l'algarade de trop et plusieurs touristes allemands feront connaître leur ire devant cette représentation hors normes. La nuit, la place est livrée aux « restaurateurs » sur roues. Le fumet des merguez concurrence celui des escalopes et les bols d'escargots se vident aussi vite que ceux des pois chiches et de la h'rira. Marrakech, c'est aussi une vingtaine de kilomètres de muraille entourant la vieille ville et dont plusieurs murs n'ont été érigés que pour cacher les bidonvilles que ne sauraient voir les touristes, comme cela s'est fait à Casablanca ou à Tanger. Ces cache-misères sont des paravents derrière lesquels se dissimulent les parias du royaume, qui ne vivent pourtant pas très loin du Palais royal. D'ailleurs, ce jour-là, toutes les routes menant vers le palais étaient hermétiquement closes pour cause de visite royale. Le cortège ne daignera passer qu'après une longue attente, où les habitants de derrière la muraille ont été assommés par un soleil de plomb, portraits du roi en mains. Il faut quand même reconnaître que l'effigie de Mohamed VI n'est plus exhibée chez tous les commerces, comme cela était de coutume lors du règne du père, Hassan II. Muraille cache-misère Marrakech est une ville de près d'un million d'habitants qui vivent dans deux parties distinctes de la ville. Il y a d'abord la vieille ville ou Médina à très forte densité de population et de… touristes. Malgré ses ruelles étroites, des milliers de vélomoteurs et vélos enfourchés par des jeunes et moins jeunes sont là, zigzaguant entre les dizaines de bus de touristes venus des quatre coins de la planète. Les jardins de l'Agdal délimitant au sud le Palais royal, qui avaient été aménagés dès 1156, ne sont qu'un espace vert parmi tant d'autres donnant à la ville un air « nordique »… mais il y a les omniprésents palmiers. Des medersas et les mosquées, la plus célèbre reste la Koutoubia, qui borne la place Djamaâ El F'na, fut fondée au XIIe siècle par les Almohades. Ensuite et datant du XVIe siècle, il y a le quartier Mellah, qui fut celui des juifs et le reste, dans une moindre mesure encore aujourd'hui, reconnaissable à ses balcons typiques avec des moucharabiehs. Et sans que le charme ne soit rompu, il y a la ville moderne ou ville nouvelle. Malgré son architecture contemporaine, les principaux quartiers comme Guéliz ou l'Hivernage ne détonnent pas avec les anciens, car la couleur ocre des édifices, la seule d'ailleurs de Marrakech, s'impose aussi bien pour l'ancien que pour le nouveau bâti. L'avenue Mohamed VI traverse le quartier moderne de part en part et reste le lieu de rendez-vous privilégié de la jeunesse locale. Elle permet à la jet-set marocaine et étrangère de se distinguer en fréquentant des endroits qui ne sont pas à la portée du premier Marrakchi venu, tel la discothèque Le Pacha , la plus grande d'Afrique, nous dit-on. Le Mac Donald's, situé dans les beaux quartiers, est bondé de jeunes, garçons et filles, ne dépassant pas la vingtaine, arborant des tenues qui ne laissent aucun doute sur leurs intentions : attirer les touristes des hôtels classés en leur proposant du charme local. Un commerce qui se fait au vu et au su de tous, et des policiers, discrets mais omniprésents. Touristes résidants Les Européens ne choisissent pas la destination Marrakech que pour le tourisme sexuel. En effet, et depuis une dizaine d'années, plusieurs Français ont décidé de quitter leurs villes brumeuses pour le soleil « garanti » de cette ville. Essentiellement du 3e âge, ces migrants d'un genre nouveau ont cassé leur tirelire pour s'acheter un « riadh », maison traditionnelle avec patio, pour une bouchée de pain, du moins au début. Un sexagénaire, que nous avons rencontré dans une agence immobilière improvisée, semble intéressé par un riadh au cœur de la vieille ville. Retraité, les 1 500 euros qu'il touche mensuellement lui permettent tout juste de payer son loyer et de manger. Pas plus. Alors, il a décidé de faire son baluchon et de prendre la route de Marrakech, « comme l'ont fait mes collègues », précisera-t-il. Malheureusement pour notre candidat à « l'émigration », les riadhs ne sont plus donnés. Le riadh qui coûtait, il y a deux ou trois ans, 15 000 euros, ne se négocie plus qu'à partir de 350 000 euros. Malgré tous ces aléas, Marrakech demeure une destination qui fait encore rêver avec ses palais des mille et une nuits, ses venelles captivantes et ses restaurants fascinants. « Chez Ali », c'est une autre « pointure » du tourisme à Marrakech. Situé à la sortie de la ville, l'ensemble de restaurants et de dancings, constitue tout simplement une merveille. Le client est accueilli par une dizaine de troupes folkloriques qui l'accompagnent jusqu'à sa table où il dégustera les mets les plus succulents, commençant par la h'rira, finissant par un couscous royal, en passant par un tajine où le sucré titille les papilles gustatives sevrées de salé, le tout dans un décor où les constructions sont un savant mélange des résidences orientales et de dômes des palais du…Kremlin ! La soirée se terminera par une fantasia savamment orchestrée, où la danse du ventre côtoie, sans déranger, des figures acrobatiques de cavaliers sur des montures fougueuses. Marrakech, c'est tout cela. Une ville qui attire, qui agace, qui choque. Bref, c'est une destination qui ne laisse pas indifférent, et c'est là l'essentiel pour une ville qui ne vit que par et pour le tourisme.