Dans la douleur, les Palestiniens ont inhumé hier à Ramallah, en Cisjordanie occupée, le grand poète Mahmoud Darwich, décédé samedi dernier des suites d'une opération du cœur, dans un hôpital américain à Houston, Texas. Ghaza. De notre correspondant Des dizaines de milliers de personnes, à leur tête le président Mahmoud Abbas – qui a décrété un deuil national de trois jours – ont afflué de toutes les villes de Cisjordanie pour l'accompagner à sa dernière demeure, au palais de la culture qui, désormais, porte son nom. A l'annonce de sa mort, le président Mahmoud Abbas avait déclaré : « Le décès de notre grand poète Mahmoud Darwich, l'amoureux de la Palestine, le pionnier du projet culturel moderne palestinien et le brillant dirigeant national laissera un grand vide dans nos vies politiques, culturelles et nationales. » « Les mots ne peuvent décrire la profondeur de la tristesse dans nos cœurs. Mahmoud, puisse Dieu nous aider face à ta perte », a ajouté le président de l'Autorité palestinienne. Mahmoud Darwich, mort à l'âge de 67 ans, un des plus grands poètes arabes de sa génération, a de tout temps été la voix de la Palestine et des Palestiniens. Ses œuvres, qu'il commença à publier en 1960, connues partout dans le monde arabe, ont été traduites dans plus de 40 langues. Lauréat du prix Lénine de l'ex-URSS, chevalier des Arts et des Lettres (France), il avait reçu à La Haye le prestigieux prix Prince Claus pour « son œuvre impressionnante ». Il a su, d'une façon extraordinaire, décrire la douleur de l'exil qu'il a vécu lui-même ainsi que sa famille qui a dû quitter la Palestine vers le Liban en 1948, avant d'y retourner et trouver une colonie juive érigée à la place de son village natal. Son enfance a été marquée par l'exil sur sa propre terre palestinienne. A cause de ses écrits, il fut emprisonné à plusieurs reprises par Israël avant de s'exiler encore une fois en 1971. Mahmoud Darwich avait été membre du comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine, mais il avait démissionné de son poste pour protester contre la signature des accords d'Oslo en 1993, conclus entre l'OLP et Israël. Mahmoud Darwich, la voix de la Palestine, devenu celui de la conscience universelle, a toujours refusé les postes qu'on lui proposait, que ce soit à la tête du ministère de la Culture ou autre. Il ne voulait pas perdre cette liberté qu'il vivait à travers ses poèmes. Ses derniers ouvrages étaient empreints d'un humour sarcastique et du sentiment que Palestiniens comme Israéliens, bien qu'en conflit, étaient irrémédiablement liés pour partager un avenir incertain. « Le sarcasme m'aide à surmonter la dureté de la réalité que nous vivons, à apaiser la douleur des cicatrices et à faire sourire les gens », disait-il. « L'histoire se moque autant de la victime que de l'agresseur ».