A la veille de l'Aïd, un jeune homme déficient mental, en pleine crise de folie meurtrière, asséna deux coups de couteau au niveau du cou à un sexagénaire connu sous le sobriquet de « Grisou ». Le crime se déroule au centre de Cherchell, une ville en pleine déliquescence. La victime, qui mène une vie excessivement précaire, vit au sud de la localité. Il bricole dans un bain maure pour gagner quelques dinars. Son épouse, sans revenu, est handicapée. Le couple foudroyé par une indescriptible misère a réussi à élever une fille, aujourd'hui étudiante. L'agresseur, qui n'en est pas à son premier forfait, a été arrêté sans opposition par un policier. Bien entendu, les habitants de la ville de Cherchell dénoncent le degré inquiétant de l'indifférence et du laxisme qui caractérisent le quotidien de cette ville. Un tour à travers les méandres de cette ville et les discussions avec les citoyens nous ont permis de répertorier les nombreux problèmes que connaît Cherchell. Absence totale d'hygiène, prolifération de commerces illégaux, clochardisation de la cité, diktat des délinquants qui ont transformé les principales rues en parkings payants sans aucune autorisation. Ce n'est pas fini, puisqu'il faut ajouter la présence de hordes de chiens et chats errants, l'insécurité et la multiplication des vols, le nombre sans cesse croissant de malades mentaux et de mendiantes, écoulement du kif au vu et au su de tout le monde. Par ailleurs, des constructions illicites sont érigées en toute impunité. Au même moment, des maisons menaçant ruine ne semblent pas inquiéter beaucoup de personnes. Sur le plan culturel, c'est le vide, alors qu'en sport le secteur est à l'abandon. Les représentants des partis politiques, quant à eux, s'investissent beaucoup plus dans l'agitation stérile que dans l'action sur le terrain. Le P/APC de Cherchell nous a exhibé les documents pour nous dire que cet état des lieux existe malheureusement, « ce n'est pas à moi de faire appliquer les textes de loi, j'ai fait ce que je devais faire conformément à mes prérogatives », déclare-t-il. Le crime, qui vient de se produire à la veille de l'Aïd – à quelques mètres de la mosquée aux 100 colonnes, là où l'Emir Abdelkader a effectué une prière lors de son passage dans cette ville – sous les yeux des citoyens passifs et impuissants, n'est en fait que la logique de ce cortège de malheurs qui s'est abattu sur l'ex-Césarée depuis 20 ans. Se contenter d'évoquer le passé ne sert à rien. L'opération coup-de-poing sporadique des services de sécurité ne suffit plus. C'est la présence continue des représentants locaux de l'Etat, chargés de mettre en application les textes et les orientations, qui donnera un espoir aux Cherchellois qui ne se reconnaissent plus chez eux. L'effectif actuel des policiers, affectés aux commissariats, demeure largement en dessous des besoins dans toutes les localités de la wilaya de Tipaza.