Suite à notre article sur Mouloudji*, un lecteur affirme que l'artiste aurait eu une attitude pour le moins négative durant la guerre de libération. L'« engagement » sous-entendu politique, si tant est qu'il ait existé, est souligné par l'auteur bien que le chanteur français, Marcel Mouloudji, ne fut pas le seul à avoir chanté Le Déserteur, chanson, on ne peut plus subversive, à l'époque, dans le contexte français, la circonstance de temps laisse penser à la période qui précède et couvre la guerre de libération. A mon avis, partagé par beaucoup d'autres, Mouloudji ne mérite pas d'éloges et encore moins en Algérie. Pourquoi ? En premier lieu, parce qu'il ne s'est jamais considéré comme Algérien, d'autant qu'il est né en France, C'était son droit ! Le côté celte de sa mère bretonne avait fait écarter toute référence génétique au père : le patronyme, puisqu'il en fallait un, était tout juste supportable. Il est mort en bon catholique ; c'est encore son droit ! Le christianisme des regrettés Jean et Taouès Amrouche n'a pas été antinomique de leur patriotisme d'Algériens. L'office, à l'occasion du décès de Mouloudji fût organisé en l'église de la Madeleine à Paris. Devinez qui vint se recueillir ? M. Jean-Marie Le Pen en personne, tortionnaire d'Algériens en Algérie, pendant la guerre de libération et dont la haine à l'égard des « Arabes » est toujours vigilante. L'hebdomadaire Paris-Match publia une photographie de la scène du recueillement devant le cercueil du disparu. Guy Bedos, ce comédien français de référence algérien de droit du sol, il est né à Alger n'a pas manqué, lors de ses spectacles, de signaler l'incongruité : ignorant peut-être qu'ils sont liés l'un à l'autre par la terre de Bretagne. Bedos avait, quant à lui, évité de combattre en Algérie en simulant des troubles mentaux. Cependant, la raison la plus forte du ressentiment par de l'attitude qui fut celle de défunt Mouloudji à Tunis en 1956 ou 1957 : un témoin de l'importance de maître Mabrouk Belhocine pourrait préciser l'année ; que s'y est-il passé ? En cette année — à préciser— Mouloudji donna un tour de chants à Tunis-ville ; un groupe d'Algériens natifs de Sidi Aïch et de sa région, d'où sont originaires les Mouloudji, se rendirent au spectacle, fiers, a priori, de l'enfant du pays ; tous membres de la délégation FLN en Tunisie, rencontrant le chanteur après sa prestation, le sollicitèrent, souhaitant de lui une prise de position — il va sans dire — pour l'indépendance de l'Algérie. Que pensez-vous qu'il arriva ? Il furent de manière abrupte éconduits en étant apostrophés par de cinglants : « Moi je suis Français et je ne fais pas de politique ». De la narration qui m'avait été faite, par mon ami le défunt maître Arezki Bouzida, il me revient que dans le groupe d'invectivés figuraient Me Mabrouk Belhocine, feu Bouzida Arezki et Me Amara Mokrane, tous militants du PPA avant de l'être du FLN, on est donc loin du sympathique « gavroche » qualificatif parisien que lui attribue l'auteur, au demeurant pour peu qu'il ait été « gavroche » cela l'aurait, inévitablement, conduit à un tant soit peu de solidarité — agissante ou pas — pour les compatriotes de son père confrontés aux affres de la répression à Paris. Dès lors, à l'évidence, ces évènements, connus de peu d'Algériens, rendent tout éloge de Mouloudji rédhibitoire, même s'il avait chanté la chanson Le Déserteur en période d'adversité. Cette mise au point — que j'assume — aurait certainement répondu aux vœux du défunt Arezki Bouzida, principal protagoniste à Tunis. En conclusion, si les évènements sus-cités étaient connus de l'auteur, son initiative médiatique s'analyserait en une sorte de tentative de réhabilitation d'un quasi ennemi, ce qui serait inadmissible, mais une deuxième hypothèse plaiderait pour une méconnaissance de ce passé insoupçonné, cela constituerai alors un péché par ignorance, donc véniel. *A & L édition du 11 septembre2008