C'est tout autant un crime de tuer l'âme et la raison de vivre de quelqu'un que de lui tuer le corps », cette citation d'Yves Thériault est toute indiquée pour dénoncer le harcèlement sexuel qui est une grave atteinte à la dignité humaine. Profitant de sa position de force et encouragé par le silence de sa victime, le harceleur use de subterfuges, de manigances et de chantage pour l'humilier et obtenir des faveurs de nature sexuelle. Le silence et l'incapacité de la victime à réagir rendent l'odieuse entreprise du « chef bourreau » facile. La peur du qu'en-dira-t-on, le poids du tabou entourant le sexuel, la crainte du licenciement et l'absence de preuves matérielles sont autant de facteurs qui freinent la démarche de dénonciation du harcèlement sexuel. Organisations syndicales et associations féminines ont joint leurs voix pour dénoncer le harcèlement sexuel et plaider pour l'amendement de l'article 341 bis du code pénal afin de garantir la protection des victimes contre toutes représailles. Ces organisations ont lancé une initiative qui s'est déclinée sous la forme d'une campagne intitulée « Alerte : harcèlement sexuel » pour sensibiliser les législateurs sur la nécessité d'obliger le harceleur à prouver qu'il n'est pas coupable et non pas contraindre la victime, déjà affligée par l'agression dont elle a été le sujet, à chercher les preuves du harcèlement. « Dans les termes stricts de la loi, le harcèlement sexuel doit être prouvé et le dénoncer rend suspectes les victimes qui osent briser le tabou du sexuel. Par crainte de condamner injustement les harceleurs, la loi se retourne parfois contre les victimes. Le harceleur, pervers, bien préparé et toujours sur ses gardes, est prompt à réagir. Il attaque pour se défendre. De potentiel accusé, il devient victime de diffamation », expliquent les signataires de l'Alerte contre le harcèlement. Isolée, laissée seule face à son bourreau, la victime a du mal à « prouver ce qui est commis dans le secret ». Elle est même poursuivie pour diffamation lorsqu'elle tente de dénoncer dans la presse son harceleur. Un procès en diffamation s'ouvrira demain au tribunal Abane Ramdane sur un cas de harcèlement sexuel dénoncé par deux employées de la Banque d'Algérie. Nassera Merrah et une autre employée de la même banque, qui a requis l'anonymat, ont profité des colonnes du journal El Djazaïr News du 29 mars 2008 afin de dénoncer des cas de harcèlement sexuel dont elles ont été victimes du fait d'un responsable de ladite banque. Ce responsable a porté plainte pour diffamation, et elles se retrouvent donc, avec le journal, tenues de répondre devant le juge de cette accusation. C'est dire toute la difficulté que rencontre la victime de harcèlement pour avoir gain de cause. « La lutte contre le harcèlement sexuel et pour la dignité humaine ne doit pas être l'affaire des seules victimes, déjà fragilisées par ce qu'elles subissent. La société et les pouvoirs publics doivent veiller à sa prise en charge réelle. » La campagne pour la lutte contre le harcèlement sexuel, qui est ouverte à tous ceux qui se sentent concernés par le combat pour la dignité, dénonce « un danger permanent, ne pas le dénoncer est une non-assistance à personne en danger. Pour le combattre, la loi doit protéger les victimes, les témoins et la presse ». Le contact suivant : [email protected] est mis à la disposition de tout soutien, information ou témoignage.