Le rapport préliminaire de l'enquête sectorielle lancée en janvier 2008, avec des perquisitions chez plusieurs grands groupes pharmaceutiques – dont le français Sanofi Aventis, le suisse Sandoz, les britanniques Glaxo Smith & Kline et Astra Zeneca a révélé que les entreprises innovantes ont développé et mis en œuvre des stratégies ayant pour but de s'assurer des flux continus de revenus. « Même s'il est possible que les retards dans l'entrée des génériques sur le marché aient d'autres origines, la mise en œuvre réussie de ces stratégies peut avoir pour effet de retarder ou de bloquer une telle entrée », précisent les rédacteurs du rapport qui confirme ainsi la baisse du nombre de nouvelles entités chimiques ainsi que les retards dans l'entrée des génériques sur le marché. Parmi les pratiques accusées de retarder l'émergence des médicaments génériques, le rapport cite les dépôts de brevets allant jusqu'à 1300 pour un seul médicament à travers l'UE, engagement de différends avec les fabricants de génériques conduisant à des litiges sur les brevets ou les accords à l'amiable visant à limiter l'accès des génériques sur le marché. L'enquête a aussi confirmé que l'entrée des génériques se produit postérieurement à ce qui pourrait être attendu. Pour l'échantillon de médicaments examinés qui ont perdu leur exclusivité entre 2000 et 2007, le délai moyen d'entrée est d'environ sept mois. La Commission européenne estime que les retards accumulés par les génériques ont fait perdre environ 3 milliards d'euros aux contribuables sur la période 2000-2007. Les résultats de l'enquête signalent que dans 48% des règlements amiables au sein de l'UE, la possibilité pour le fabricant de génériques de commercialiser son médicament est restreinte. Le document de la CE va plus loin en accusant les entreprises innovantes d'intervenir auprès des autorités nationales en faisant valoir que les produits génériques sont moins sûrs, moins efficaces et de moindre qualité, lorsque des entreprises de génériques demandent des autorisations de mise sur le marché et un régime de fixation de prix et de remboursement. « Ces interventions sont souvent concentrées sur quelques produits à haut chiffre d'affaires », note le rapport de la CE. Le lancement des médicaments de seconde génération est un élément également cité dans le rapport, qui relève que les entreprises innovantes font d'intenses efforts de marketing dans le but de faire passer un nombre substantiel de patients au nouveau médicament avant l'entrée sur le marché d'une version générique du produit. « Les particuliers et les pouvoirs publics veulent un secteur pharmaceutique fort, qui offre de meilleurs produits avec un bon rapport qualité-prix », a souligné la commissaire européenne chargée de la concurrence dans un communiqué rendu public. « Si toutefois des produits novateurs ne sont pas fabriqués et si l'arrivée de médicaments génériques moins chers est, dans certains cas, retardée, nous devons déterminer pourquoi et, si nécessaire, prendre des mesures », a-t-elle ajouté. L'enquête permettra également de déterminer si les sociétés ont délibérément fait obstacle à l'entrée sur le marché de nouveaux laboratoires « soit par l'utilisation abusive des droits de brevet » ou « par des procédures contentieuses à des fins vexatoires ». Les fabricants de génériques sont aussi dans l'œil du cyclone. Soupçonnés de pratiques anticoncurrentielles, le leader mondial, l'israélien Teva, a eu des visites surprises d'inspecteurs venus de Bruxelles en début de semaine, tout comme le français Servier, maison-mère du fabricant de génériques Biogaran.