Laamouri est parti sans crier gare ce dimanche, à la veille de l'Aïd, terrassé par une attaque cardiaque qui ne lui a laissé aucune chance, alors qu'il n'avait que 57 ans. Son enterrement a eu lieu le jour même de sa mort dans la soirée, en présence de ses compagnons, d'une nombreuse foule boufarikoise et d'amis venus de Blida et d'Alger. Tout le monde à Boufarik connaissait Boukraïdi, surtout par son prénom : Laamouri. De très nombreux journalistes des deux maisons de la presse d'Alger, particulièrement ceux qui se sont intéressés au combat mené par les patriotes contre la barbarie du GIA, connaissaient l'éternel sourire débonnaire de Laamouri. Non seulement cet ancien militant communiste du Parti de l'avant-garde socialiste (PAGS) s'est courageusement dressé avec plusieurs compagnons contre les hordes islamistes, mais il a été de tous les combats pour l'instauration et la sauvegarde des libertés. A Boufarik, région de prédilection de l'activité terroriste, les gens de conviction n'avaient d'autre alternative que de se battre, sinon partir. Il avait été de ceux qui avaient pris la ferme résolution de faire face. C'est ainsi que Laamouri a été l'un des fondateurs, avec le défunt Mohamed Sellami, du groupe des patriotes mis sur pied à Haouch Gros, au tout début de l'apparition du GIA qui déversait feu et flammes sur tout Algérien qui refusait de partager la vision fanatique et sanglante de l'organisation sociale et politique qu'il préconisait pour l'Algérie. Laamouri avait un autre souci qui demeura vivace en lui jusqu'à la fin de sa vie : la défense de la liberté d'expression. Même s'il était d'une très grande discrétion, il ne ratait jamais une réunion, une rencontre ou une manifestation de soutien lorsqu'il s'agissait de défendre les journalistes pris entre les feux du pouvoir et des terroristes. Il était également connu de la presse parce que, à chaque fois qu'un journaliste effectuait un reportage sur le fameux triangle de la mort, il trouvait Laamouri à son poste de combat, prêt à partir sur le terrain ou volontaire pour accompagner une équipe de reporters. La désillusion allait arriver avec l'affaiblissement des hordes armées. Entre-temps, Bouteflika s'est installé au pouvoir avec les intentions qu'on lui connaît désormais. Les patriotes et autres groupes d'autodéfense seront désarmés, certains livrés même à la vindicte d'anciens terroristes dits repentis désormais protégés par la loi et qui intenteront de nombreux procès à leurs anciens adversaires. Une fois désarmés, les patriotes seront privés de leurs revenus. Comme ils avaient quitté leurs emplois dix ans auparavant et que certains étaient déjà d'un âge assez avancé, leur quotidien social se dégrada de manière dramatique pour ceux d'entre eux qui ne disposaient même pas d'un lopin de terre pour assurer leur subsistance. C'est ainsi que nombre de ceux qui participèrent à vaincre le terrorisme se retrouvèrent malades et abandonnés à leur sort. Laamouri était l'un d'eux. Qui fera demain confiance à une classe politique qui n'a finalement d'autre souci que la préservation de ses privilèges ? Mais apparemment, là-haut, on n'a cure de la confiance ou de l'opinion du peuple. La manière dont Bouteflika, qui est désormais dans l'incapacité de travailler, a l'intention de s'octroyer un autre mandat, indique que le peuple représente moins que la cinquième roue de la charrette.