Des ossements d'un stégodon, un ancêtre de l'éléphant, vieux de quelque 3 millions d'années, ont été mis au jour accidentellement par des travaux de terrassement de la nouvelle pénétrante Jijel-autoroute Est-Ouest, dans la localité de Guelta Zerga. Selon les chercheurs que nous avons rencontrés et les constatations que nous avons pu effectuer sur le site même de la découverte, il s'agirait du crâne d'un stégodon portant encore des dents, d'une vertèbre cervicale, de deux très belles défenses d'environ 2 mètres de longueur et d'un ensemble de côtes. «Apparemment, cet animal, que l'on découvre pour la première fois en Algérie et même en Afrique du Nord, est un individu relativement jeune, ainsi que le prouve l'état de ses dents. Selon la topographie des lieux, il se serait fait piéger dans un plan d'eau avant de sombrer très rapidement, ce qui a permis de conserver l'intégralité de son squelette», indique Mohamed Sahnouni, archéologue et chercheur au Centre national des recherches préhistoriques anthropologiques et historiques (CNRPAH), qui dirige les fouilles au niveau de ce site. Toutefois, les études taphonomiques actuellement en cours vont permettre de dire si l'animal est mort de «mort naturelle» ou bien s'il a fait l'objet d'une chasse ou même a été mangé par des animaux prédateurs ou des humains. Ancêtre de l'éléphant actuel, le stégodon est de la famille de proboscidiens qui a vécu il y a 12 à 13 millions d'années, du miocène au pléistocène. La présence de cette espèce, depuis longtemps éteinte, n'a jamais été signalée auparavant dans cette partie de l'Afrique du Nord. Lorsque les engins de terrassement ont commencé à dégager ce qui s'apparentait à de gros ossements, les ouvriers du chantier ont immédiatement pris la décision d'arrêter les travaux. Des citoyens de passage ont sur-le-champ alerté le musée de Sétif, dont relève la commune de Guelta Zerga, qui, à son tour, a aussitôt dépêché une équipe sur place. Devant ce qui semblait une découverte majeure, les représentants du musée ainsi que la direction de la culture de la wilaya ont demandé aux responsables du chantier de suspendre les travaux jusqu'à nouvel ordre pour permettre aux chercheurs de mener à bien leurs fouilles afin de dégager les os fossilisés dans les meilleures conditions. La coopération entre la direction de la culture de la wilaya, la direction du musée et le CNRPAH a permis la préservation du site et des précieux ossements, puisqu'une équipe de scientifiques menée par Mohamed Sahnouni a entamé les fouilles et les travaux. Sise à une vingtaine de kilomètres de la ville d'El Eulma, au nord de Sétif, la localité de Aïn Hanech, déjà connue pour sa richesse fossilifère et son site préhistorique vieux de 1,8 million d'années et considéré comme le plus vieux site d'occupation humaine d'Afrique du Nord, vient ainsi confirmer, avec cette très belle et précieuse découverte préhistorique, sa réputation d'être l'un des berceaux de l'humanité. Pour preuve, à quelques kilomètres de là, nous avons également pu visiter le site préhistorique d'El Kherba, où la même équipe de chercheurs et d'étudiants en archéologie mènent des fouilles sur ce site vieux de quelque 1,8 million d'années. «Nous avons mis au jour un ensemble de galets taillés et d'autres bruts ayant servi comme outils aux hommes préhistoriques pour dépecer la viande et fracasser les ossements des animaux qu'ils chassaient. Sise à une vingtaine de kilomètres de la ville d'El Eulma, au nord de Sétif, la localité de Aïn Hanech est réputée pour sa richesse fossilifère et son site préhistorique vieux de 1,8 million d'années et considéré comme le plus vieux site d'occupation humaine d'Afrique du Nord... Il est probable que sur ce site, ces hommes chassaient et vivaient sur les berges d'une plaine inondée, une sorte de lac. Nous avons également découvert des ossements appartenant à des animaux de type savane africaine, comme les buffles et les éléphants», a expliqué Zoheir Harichane, chercheur au CNRPAH. Présent sur place, Slimane Hachi, directeur du CNRPAH, a tenu à expliquer que les fouilles menées sur ces différents sites permettent aux chercheurs de comprendre les phénomènes locaux et régionaux des premiers temps de la préhistoire. «Cette région qui a déjà livré les plus vieux outils de l'homme en Afrique du Nord et au monde, tout comme les fameux sites de Tanzanie et du Kenya, est un lieu extrêmement important pour la compréhension des premiers temps de la préhistoire. L'importance fossilistique avant et après les premiers hommes ainsi que l'industrie lithique de la région sont capitales pour les chercheurs du monde entier» dit-il. C'est ainsi qu'à partir des années 2000, la recherche a été relancée par le CNRPAH par l'ouverture de plusieurs sites de fouilles, aussi bien les anciens que les nouveaux, comme celui de Aïn Bouchrit, El Kherba et Aïn Hanech. Slimane Hachi a également expliqué les résultats des fouilles archéologiques, actuellement menées par les chercheurs du CNRPAH, aussi bien à Sétif qu'aux quatre coins de l'Algérie, citant au passage les fouilles du gisement paléolithique de Tighennif, celui du Kef, à Tiaret, de Kef Fedda, à El Tarf, de Tafesra, à Beni Snous (Tlemcen), du complexe capsien-néolithique de Faïd Essouar à Oum El Bouaghi, de la grotte de Gueldamen à Akbou, du Medjez à Sétif ainsi que de beaucoup d'autres qui feront l'objet de journées d'études les 4 et 5 septembre prochain.