Le Gouvernement libyen d'union nationale (GNA) refusera d'accueillir environ 170 migrants bloqués sur un navire italien après avoir quitté les côtes libyennes, a indiqué le chef de la diplomatie Mohamad Siala. Cette déclaration intervient après des menaces répétées de Rome de renvoyer ces migrants en Libye. «Soit l'Europe commence à défendre sérieusement ses frontières et partage l'accueil des immigrés, soit nous commencerons à les ramener dans les ports d'où ils sont partis. L'Italie a déjà joué son rôle, quand c'est trop, c'est trop», a écrit mardi sur Twitter le ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini. Il avait déjà proféré les mêmes menaces dimanche. Une réponse par média interposé est faite par le ministre des Affaires étrangers libyen suite aux menaces du ministre de l'Intérieur italien. Ce serait une «mesure injuste et illégale», a réagi le ministre libyen des Affaires étrangères dans un communiqué publié tard mercredi soir, soulignant que son pays accueillait déjà plus de 700 000 migrants, la plupart originaires d'Afrique subsaharienne. Selon lui, les migrants secourus en Méditerranée doivent être rapatriés «dans leur pays d'origine». «La Libye est uniquement un pays de passage qui n'a que trop enduré», a-t-il indiqué, appelant la communauté internationale à «assumer ses responsabilités». Plongée dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar El Gueddafi en 2011 et minée par les luttes d'influence, l'insécurité et une crise économique, la Libye estime avoir été abandonnée par l'Europe pour faire face seule aux flux de migrants transitant sur son territoire. Depuis une semaine, environ 170 migrants qui tentaient la traversée vers l'Italie depuis la Libye se trouvent à bord du Diciotti, un navire des gardes-côtes italiens actuellement bloqué au port de Catane, en Sicile, avec interdiction de débarquer. L'éventualité d'un renvoi en Libye de migrants secourus au large de ses côtes a toujours été catégoriquement exclue par les autorités européennes, qui considèrent que le pays n'offre pas de port «sûr», une condition requise par le droit maritime international. Les autorités libyennes ont maintes fois opposé un refus catégorique à tout débarquement ou installation de migrants secourus par les garde-côtes italiens ou des navires d'ONG humanitaires au large de la Libye. Seuls sont ramenés sur la côte libyenne les migrants secourus ou interceptés par la marine libyenne dans les eaux libyennes. Menace Depuis l'entrée en fonction de Matteo Salvini début juin et la mise en application de son slogan «Ports fermés, cœurs ouverts», de nombreux navires humanitaires, militaires et commerciaux ayant recueilli des migrants cet été dans les eaux internationales au nord de la Libye ont dû patienter de longues journées avant de pouvoir les débarquer. Aujourd'hui, le ministre Salvini menace de ramener les migrants du port d'où ils sont partis. C'est dans un silence presque irréel que patiente le Diciotti. Sur le pont, les passagers s'abritent du soleil sous une grande bâche. Combinaisons blanches et masques de la même couleur, des hommes s'activent à leur côté ; c'est probablement des membres de la guardia costiera, eux aussi interdits de descente. Impossible d'en avoir le cœur net, car l'accès au bateau est bloqué par deux voitures et quatre camionnettes – une de la police, deux des carabiniers, une des gardes-côtes. Elles sont aussi statiques que leurs occupants sont mutiques. De temps en temps, un hélicoptère survole les lieux. A l'entrée du port, des associations protestent contre le blocage du Diciotti : Welcome to Europe, Réseau antiraciste catanais, Città Felice, Ragnatela... Beaucoup de noms mais bien peu de monde en ce 21 août : une poignée de personnes, regroupées derrière deux maigres bannières. «Catane a toujours été une ville ouverte. Mais depuis l'été 2015, la ville héberge le siège italien de Frontex (l'agence européenne de gardes-frontières, ndlr) et tout a changé, regrette Adolfo Di Stefano, le leader du Réseau antiraciste catanais. Avant, on pouvait accueillir les migrants à la sortie du bateau, on leur distribuait le règlement de Dublin (sur l'accueil des demandeurs d'asile). Maintenant, on ne peut pas s'en approcher.» Le militant a du mal à comprendre les raisons du climat xénophobe qui s'est installé dans sa ville, dont le maire (Forza Italia, centre droit), élu en mai, a reçu l'onction de M. Salvini : «C'est de ce même port que partaient, au XXe siècle, les émigrés siciliens. Et aujourd'hui encore, les jeunes continuent de s'en aller. Ils sont 250 000 à avoir quitté le pays l'année dernière, contre 119 000 migrants qui sont arrivés. Ce n'est pas comme si on manquait de place.»