Les images font souvent plus de dégâts que la grosse artillerie de guerre. Les commentaires qui les accompagnent sont encore plus destructeurs quand ils baignent, de manière flagrante, dans le parti pris. Israël pratique de la manière la plus « visible » qui soit un génocide contre le peuple palestinien, et on ne trouve pas mieux dans les télés occidentales, notamment françaises, à chercher les circonstances atténuantes les plus farfelues – sous couvert bien entendu d'un intellectualisme de bon aloi – pour présenter à la face du monde le bourreau en victime. A les entendre disserter avec l'assurance du propos qui ne se trompe pas sur les tenants et les aboutissants de ce conflit dont les origines remontent à très loin dans le temps, c'est l'entité juive qui subit, la pôvre, l'agression dans sa chair et qui donc se donne le droit de riposter. Les roquettes du Djihad islamique de fabrication artisanale lancées à l'aveuglette davantage pour perpétuer l'esprit de résistance des Palestiniens ont bon dos pour justifier l'injustifiable. Malgré l'incroyable disproportion des bilans – des milliers de morts et de blessés côté palestinien contre quelques égratignures dans les rangs israéliens –-, les conclusions des experts sont toujours en faveur de Tsahal. Parfois, certes, des voix plus ou moins objectives se glissent dans les débats pour essayer de rééquilibrer une vision allant à sens unique, mais généralement ce sont ceux qui s'affichent pro-sionistes, sans avoir peur du ridicule ni de se décrédibiliser, qui ont le dernier mot. Avec ce type de débatteurs sur commande, Israël évolue sur du velours. Les services politiques des télés hexagonales ne s'embarrassent d'aucun scrupule d'ailleurs pour lui éviter toute critique qui peut paraître compromettante quant à son image sur le plan international. Et si on ajoute le jeu très sournois de la plupart des animateurs des émissions politiques qui orientent les débats de façon à ce que les idées maîtresses défendues avec force ne soient jamais dénaturées, on saisira mieux l'importance du soutien massif apporté à l'Etat hébreu par le biais d'une communication dont la principale mission est de flouer l'opinion publique. Pourquoi donc les analystes de tout bord, attitrés ou simples apprentis sorciers auxquels on donne l'opportunité de se faire un nom sur le malheur des Palestiniens et tous ces « spécialistes du monde arabe » appelés à la rescousse dans les différents plateaux de télévision, lesquels à force de dire la même chose sont devenus inaudibles, ont-ils cette outrecuidance de pratiquer ouvertement la désinformation quand la réalité saute aux yeux ? Pourquoi adoptent-ils parfois des positions suicidaires qui ne correspondent nullement à la réputation construite autour de leur nom ? Pourquoi, en un mot, s'enfoncer dans la malveillance et le mensonge flagrant alors que dans d'autres circonstances ils nous ont habitués à des attitudes plus respectueuses. C'est certes difficile à admettre, et encore plus difficile à vivre, mais d'aucuns emprunteront ce raccourci connu pour dire qu'ils ont tous, sans exception, un fil à la patte... bien tenu à distance par un lobby juif qui veille au grain, omniprésent dans les sphères politiques, médiatiques, financières, etc. Une belle illustration de cette dépendance nous a été donnée par ce plateau de télévision autour duquel on avait réuni notamment Leila Chahid, la déléguée générale de l'Autorité palestinienne qui a rang d'ambassadrice, et Daniel Shek, ambassadeur d'Israël en France. Alors que Ghaza subissait les bombardements de l'aviation sioniste (le cessez-le-feu n'était pas encore prononcé) et donc ne comptait plus ses morts, presque tous les participants à l'émission allaient dans le sens des thèses perfides défendues par le représentant de l'Etat hébreu qui voulait nous faire croire en gros que le principal responsable de ce massacre, c'est... Hamas. L'expression du visage de la Palestinienne en disait long sur la manipulation du débat et sur le parti pris des interlocuteurs. L'ensemble des émissions traitant de ce conflit totalement contrôlé par Israël sont hélas de la même veine. Partout où vous atterrissez, il y a tromperie sur la marchandise. Avec une terminologie appropriée : par crainte de choquer Israël, on ne lui attribue jamais les termes de massacre, génocide, sauvagerie, tuerie collective, carnage..., on préfère les doux euphémismes comme agression, attaque, violence, conflit... Des mots qui en plus mettent les « deux belligérants » sur un même pied d'égalité. Des roquettes genre hebheb contre un armement parmi les plus sophistiqués au monde, c'est cela la parité guerrière vue de l'autre côté de la Méditerranée. Enfin, quand l'éthique professionnelle perd sa boussole, toutes les dérives restent permises. Cela dit, côté télé arabe, c'est le sentimentalisme à l'orientale avec ses lamentations et ses grognes légendaires qui reste de mise. Les images des victimes sont choquantes, mais elles ne parviennent jamais à réveiller les consciences des régimes corrompus.