Un comité d'accueil a été mis en place à l'entrée du village pour accueillir les visiteurs qui affluent vers Azemour Oumeriem depuis l'annonce des résultats de la 6e édition du concours de la protection de l'environnement organisé par l'APW de Tizi Ouzou et baptisé du nom de Rabah Aïssat, ancien président d'APW assassiné le 13 octobre 2006 dans son village, à Aïn Zaouia. Mohamed Smaïl, vice-président du comité Tadukli (Union), nous explique, d'emblée, les raisons qui leur ont permis d'aboutir à la consécration de leur bourgade comme village le plus propre de la wilaya de Tizi Ouzou. Tout a commencé, nous Mohamed Smaïl, au mois de janvier dernier et, notamment à l'occasion de la célébration du Nouvel An berbère, Yennayer. C'était le déclic et le début de la dynamique citoyenne qui n'a pas tardé justement à se manifester de manière grandiose pour l'intérêt général au niveau de la cité qui s'est parée, d'ailleurs, de ses plus beaux atours. Des images extrêmement splendides. Tout est propre est bien organisé. Le tri des déchets se fait à la source. D'ailleurs, des bacs à ordures ont été mis place loin des habitations. En amorçant l'artère de ce village qui constitue une partie du chef-lieu de la commune de Tirmitine (15 kilomètres à l'ouest de Tizi Ouzou), nous avons fait une halte à Tala, une fontaine publique construite au début du siècle écoulé. Elle est réhabilitée et embellie. «Cette fontaine a été construite en 1905. Aujourd'hui, des citoyens viennent même de Draâ Ben Khedda pour puiser de l'eau ici», nous dit notre interlocuteur. Nous arrivons à Tajmaât, cet espace couvert en mesure d'accueillir des dizaines de personnes pour organiser des assemblées de village. «Ce local est destiné à accueillir des réunions des sages en cas de conflits entre villageois», nous confie Madjid, un ancien confrère, qui nous a fait visiter aussi un patrimoine ancien préservé et entretenu par les habitants d'Azemour Oumeriem. Il s'agit d'une huilerie traditionnelle, à attraction animale, qui garde toujours tous ses instruments en mesure de servir de musée local. Justement, là, un autre habitant de cette bourgade a profité de l'occasion pour nous donner des explications concernant l'origine du nom de son village. «Avant, notre village s'appelait Azemour Oumerien, c'est-à-dire l'olive greffée. Puis, en raison d'une erreur administrative, on l'a nommé Azemour Oumeriem», nous précise-t-il tout en indiquant que la localité est également connue pour sa vocation oléicole. D'ailleurs, le village est situé au pied d'une vaste superficie d'oliverie. Il est splendide puisqu'en plus de la beauté de la nature, le dynamisme des citoyens a transformé cette contrée en citadelle féerique. L'affaire de tous La route est bordée d'une clôture réalisée à partir des palettes récupérées pour en faire un décor attrayant. Des arbres ornent le trottoir et des pneus usés remplis de béton ont également servi à réaliser des marches d'escaliers sur un raccourci qui débouche sur le CEM Slamana dont le mur arbore des fresques et des toiles sur la sensibilisation en faveur de la protection de l'environnement. «Maintenant, la protection de l'environnement est devenue l'affaire de tous chez nous. Tout le monde prend conscience de cette tâche qui est toujours dans l'intérêt général. Même les enfants sont sensibilisés sur cette question. D'ailleurs, à l'école, et en concertation avec le directeur de l'établissement, l'enseignant consacre quotidiennement cinq minutes pour parler aux élèves de l'éducation environnementale», nous fait savoir un autre membre du comité Tadukli, qui ajoute que «si chacun nettoie le devant de sa porte, tout le village sera propre». Là, nous atteignons la placette du village, à proximité de la mosquée. C'est un endroit impressionnant. Du gazon naturel, des fleurs, des bancs de détente, un palmier de plus de 15 mètres ombrage les lieux. Une grande cascade fait face à l'artère principale et offre une image d'un paysage magnifique et enchanteur. De l'eau dévale sans discontinuité du haut du mur. «La nuit, c'est vraiment magnifique, surtout avec les lumières multicolores», nous fait-on remarquer. Le dynamisme des citoyens de ce village attire vraiment l'attention et sert ainsi d'exemple pour les autres localités afin de veiller à préserver l'environnement qui ne cesse d'être menacé de dégradation. Mais, les habitants d'Azemour Oumeriem ne veulent aucunement céder devant l'incivisme qui gagne malheureusement nos villes et villages où l'on trouve des décharges sauvages qui prolifèrent dans la nature. Ils ont ainsi pris leur courage à deux mains pour nettoyer leur village et instaurer aussi une dynamique d'occupation du territoire, et ce, de façon durable pour l'appropriation citoyenne du projet de mieux vivre ensemble. «Un projet collectif destiné à assurer le mieux-être de tous les habitants encourage la concertation et facilite la mobilisation», nous dit un enseignant retraité qui ajoute que le mouvement a d'ailleurs un effet rassembleur et positif puisque tous les villageois y participent avec beaucoup d'enthousiasme. Paris gagné Un élan prometteur a été insufflé à cette dynamique. Sans aucune subvention des pouvoirs publics, le comité Tadukli a réussi son pari en un temps relativement court puisqu'au bout de six mois de travail, les actions de ses membres ont fait sortir le village de son anonymat. «Au début, nous n'avons pas eu l'idée de participer au concours. Nous avions juste pensé à des actions régulières de nettoyage. Puis, au mois de mai, des citoyens ont fait la proposition de participer à ce concours lors de l'assemblée générale qui a pris la décision d'y prendre part», nous confie M. Smaïl. Dès lors, c'était le branle-bas de combat pour être fin prêt. La mobilisation fut totale, selon notre interlocuteur qui parle de centaines de personnes mobilisées chaque vendredi. Le travail s'est fait dans une parfaite organisation car les villageois ont été scindés en plusieurs groupes pour entreprendre des tâches différentes. «Nous avons travaillé chaque vendredi sans répit mais dans une bonne ambiance à partir de 4 heures du matin jusqu'à 22 heures. Les propriétaires de bulldozers et de camions, entre autres, ont mis leurs engins à notre disposition», ajoute-t-il. Les fonds nécessaires pour toutes ces opérations ont été récoltés auprès des villageois sous forme de cotisations mensuelles à raison de 500 DA par salarié. «Le même montant est appliqué même pour les émigrés, les commerçants et les industriels. Puis, il y a ceux qui ont fait des dons mais de manière anonyme», nous dit un autre membre du comité. Les habitants d'Azemour Oumeriem veulent maintenir cette dynamique citoyenne pour aboutir à faire de leur bourg un village modèle pour la protection de l'environnement. La gestion des déchets est aussi bien gérée par des bénévoles avec un système de rotation. Un centre de tri de compostage a été créé au lieu-dit Arkouv Benyoucef, à la périphérie du village. «Les déchets ménagers font l'objet, en premier lieu, d'un broyage, puis ils subissent des opérations de décomposition et de transformation en compost. Un criblage permettra d'extraire un compost de qualité qui peut être réutilisé pour fertiliser les espaces verts. Nous avons établi des conventions avec des preneurs pour la récupération du métal, du plastique et du carton», nous expliquent des jeunes qui nous ont fait visiter ce centre que le comité Taddukli compte transformer, avec l'argent du prix Aïssat Rabah, en une entreprise de récupération et de tri des déchets. Ce projet permettra ainsi de générer des postes d'emploi pour les jeunes du village. Par ailleurs, la consécration Azemour Oumeriem a inondé la Toile, notamment les réseaux sociaux. Dans la page Facebook de Tadukli, Mouloud Arkoub a écrit qu'Azemour Oumeriem a «beaucoup de jeunes sans emploi ou qui occupent des emplois précaires sans perspectives. Tadukli souhaite faire aboutir ses nombreux projets environnementaux, start-up et artisanaux afin de créer des emplois nobles, originaux et stables. C'est ainsi qu'il est question de monter une unité ultra moderne de compostage capable de résorber les déchets des huileries et les ordures ménagères de toute la région de la daïra de Draâ Ben Khedda afin de produire un fertilisant agricole. Dans le pays, on n'a jamais autant parlé d'environnement comme cette année. Il semble évident que l'état lamentable de l'hygiène publique en est pour partie responsable. Ce qui montre, si besoin est, que l'opinion bascule vers une tendance favorable à une meilleure gestion : au tri sélectif, au recyclage et compostage des millions de tonnes de déchets qu'on ne peut s'empêcher de produire, du moins tant que cette société de consommation esclave des emballages synthétiques non biodégradables ne s'affranchit pas.» Pour lui, l'exploit authentique de ses concitoyens est «un geste d'émancipation inédit en passant d'un moyen-âge social vers la civilisation dans son sens le plus large en devenant le village le plus uni, le plus propre, le plus beau, et où il fait bon vivre.» Hafid Azzouzi