A entendre Da Saïd Dourmane, tout juste la soixantaine, déclamer sa poésie, on est tout de suite emporté vers une autre époque. En effet, la poésie de Da Saïd, originaire du village Adrar (Iflissen), est limpide et nous replonge dans ce vaste domaine qu'est la vie villageoise. Des poèmes sur la fraternité, la justice sociale et les conditions du troisième âge, la rude existence de nos parents partis travailler ailleurs. Tout est d'une sensibilité très touchante. « J'ai voulu me lancer dans le chant, mais les conditions des années 1960 et 197O m'ont fait déchanter », nous a-t-il révélé. Depuis son premier poème écrit en 1978, il n'avait pas cessé d'améliorer son verbe. Sans moyens, il était quasiment convaincu que son œuvre allait sombrer dans l'oubli le plus absolu. En 2004, suite à sa présence à un hommage rendu à Tahar Oussedik à Alger (l'Amirauté) où il rencontra M. Abdenour Abdeslam, militant de la cause berbère, il reprend confiance. Lui évoquant son ambition, ce dernier n'hésita pas à l'orienter vers la maison de la culture de Tizi Ouzou pour s'inscrire aux différents concours de poésie. Il lui a conseillé que les poésiades régionales sont d'un apport certain pour les poètes d'expression kabyle. Effectivement, notre poète a participé à ces joutes lyriques à Boumerdès en 2006, à Kherrata en 2007 et à Akbou en 2008. C'est à partir de là que son idée de transcrire sur papier son travail allait prendre une ébauche réelle. Ainsi donc, il fit la rencontre de Smaïl Abdenbi du HCA (Haut commissariat à l'amazighité) avec qui il collabora étroitement. Grâce à la Direction de la promotion culturelle (du HCA), ce rêve est, depuis 2008, devenu une réalité. Da Saïd Dourmane a pu éditer Le chemin de ma vie. Un recueil de 17 poèmes empreints d'un verbe pédagogique, destinés aux nostalgiques de la bonne parole. D'ailleurs, il nous a volontiers « psalmodié » pas mal de vers, teintés d'humilité les uns que les autres. Mais le pic de l'émotion est vite atteint quand il déclame ses vers sur la disparition tragique du chantre de l'amazighité, Matoub Lounès, survenue en 1998. A l'écouter, vous avez les cheveux peau dressés car personne ne s'y attendait à une telle tragédie. Le poète n'a pas omis de rendre un hommage « à la hauteur du sacrifice », au héros local de la Révolution, Omar Toumi, auquel il dit vouer une admiration sans faille.