De la poésie, Saïd Sekkaï en a jusqu'à la moelle. C'est sa raison de vivre dans “ce monde sans merci, qui ne pardonne même pas une erreur de jeunesse”, aime-t-il à dire. Saïd Sekkaï a ce don de composer des vers au moindre événement dans la vie, instantanément. Il ne “pardonne pas” lui non plus. Au moindre mouvement, à la moindre mue, il sent, il ressent, il est touché et marqué, telle une peau sensible au contact d'un cautère. Sensible, Saïd l'est aussi, au moindre mal ou mauvais dessein le visant, il “riposte” par des poèmes, des vers qui “descendent” ou “ascendent” du très fond de son ego. Saïd porte une muse qui l'anime, l'éveille et le réveille, sitôt trahi par quelque moment de non-éveil. Il est ainsi fait, le poète. Avec un répertoire riche de près d'une centaine de poèmes, narrant un peu de tout : la vie, la mort, la mère, les mots tétés auprès de celle-ci, l'amour, la pauvreté, la jeunesse, l'éducation parentale et son respect, son non-respect, le respect d'autrui, de la société en général, etc. Notre poète s'est distingué plusieurs fois par l'obtention de tableaux d'honneur dans des manifestations culturelles et autres concours organisés par des associations et structures de jeunes. C'est le cas de la Maison de jeunes Cherif-Boussaâd de Tizi Ouzou, de l'ex-AAJ du complexe culturel et sportif Yahia-Bacha de Draâ Ben Khedda, de “Agmir n'Tlell” ou de “Iflissen n'Melli” de Tadmaït… qui l'ont honoré maintes fois, dit-il. Il a eu également plusieurs fois l'occasion de déclamer de courtes sélections de ses poèmes sur les ondes de la Chaîne II, indique-t-il. N'ayant pas fait d'école spécialisée, hormis son cursus du cycle primaire dans sa ville natale, Tadmaït, au pied du mont Sid Ali Bounab, Saïd Sekkaï est également un “conservateur” – un passionné conservateur – d'articles artisanaux traditionnels auxquels il “voue de l'admiration, du respect, voire de la vénération à leurs concepteurs” qui l'épatent par leur “savoir-faire” qu'ils détenaient déjà dans leur lointaine époque. Pour ce, il garde jalousement chez lui une multitude d'anciens objets en bois, comme des araires traditionnelles et autres forges utilisées jadis par les cultivateurs et les paysans en général pour survivre aux contraintes et aléas de la vie, imposés, délimités, voire dictés par les multiples colonialismes qui se succédèrent sur cette terre. Ne possédant pas d'instruments musicaux – le poète est chômeur – Saïd souhaite rencontrer un partenaire avec lequel il pourrait faire connaître et “profiter” ses concitoyens de sa passion pour la poésie. En 1999, se rappelle Saïd, il était premier de la sélection à l'échelle de la daïra de Draâ Ben Khedda en matière de poésie pour prendre part au 15e Festival mondial de la jeunesse et de l'étudiant qui s'est tenu le 8 août 2001 à Alger. Mais, il s'en “privera” en se “contentant” – solidarité oblige ! comme beaucoup de ses co-sélectionnés, d'ailleurs – de suivre “les marches citoyennes contre la hogra” avant de réaliser, sur le tard, qu'il “suivait aveuglément” dans “l'arnaque du siècle”. La preuve, “cet artifice vient d'apparaître dans toute sa nudité aujourd'hui”, regrette-t-il. Sur sa venue à la poésie, notre jeune poète dit avoir “embrassé cet art tout adolescent, ma famille comptant plusieurs adeptes”. “Malheureusement, mes meilleures chances je les perdais souvent”, avoue-t-il, en reconnaissant toutefois cette “compensation que procure son art d'inculquer toujours la bonne éducation, de faire comprendre le tréfonds de la vie . Et c'est déjà beaucoup pour moi”. Jadis, explique-t-il, “nous travaillions sans contrepartie, car nous aimions la poésie, quoique elle ne fait pas vivre, car notre société n'aime pas la lecture et ne cherche pas à comprendre, étant majoritairement inculte, me semble-t-il. Sous d'autres cieux (outre-mer), la jeunesse s'intéresse aux hommes de lettres, aux artistes, aux historiques de son pays, les idées avec lesquelles elle avance inexorablement. Chez nous, nous faisons souvent régresser nos artistes par d'exorbitantes exigences, voire des condamnations, en les cataloguons de tarés…” A l'inverse de ce volet, Saïd Sekkai dira encore que “la poésie fait partie de l'éducation, et c'est aussi une grande responsabilité pour tout ce que dit le poète, car il y a l'histoire qui le juge sur ses actes, sur ses dires. L'histoire ne pardonne pas, donc gare à l'erreur pour les poètes !” Pour savoir s'il y a des poètes qui auraient fait des erreurs, Saïd enchaîne : “On dit que le poète a toujours raison, mais ces derniers temps, il apparaît d'autres qui se trompent ou se sont trompés dans leurs jugements. Ce terrain me dépasse, certes, mais l'histoire le dira tôt ou tard.” Déçu par son parcours ? incompris ? Pas tout à fait, répond-il, puisque “souvent je compose et écris, mais j'oublie parce que j'en n'attends rien. En revanche, c'est moi qui fournis des efforts pour cette pratique en contrepartie de rien… hormis, il est vrai, cette satisfaction que procurent les bons souvenirs dans mes participations aux festivals et autres manifestations culturelles (Ath Yenni, Larbaa Nat Irathen, Oued Souf, la Maison de la culture, l'université Mouloud-Mammeri…). L'art, c'est comme la construction d'une maison. Il lui faut le rassemblement de tout un monde, un monde bigarré de diversités, pour avancer". Les thèmes que traite notre poète – cités déjà plus haut – sont surtout ceux qui englobent toutes les vicissitudes de la vie et “il faut aimer la vie pour vivre… Quiconque peut aider la culture doit le faire, car demain nos enfants la trouveront. On peut acheter des livres mais pas l'intelligence”. Salah Yermèche