Cette élection doit désigner le successeur d'Akhmad Kadyrov, le président anciennement indépendantiste avant de changer de camp et assassiné en mai, sept mois après son élection. La mort du président tchétchène pro-russe fut une perte énorme pour le président Vladimir Poutine, qui en avait fait l'artisan de la «normalisation» du conflit tchétchène. Kadyrov était avant tout un chef de guerre avec une puissante milice qui étouffait tout sentiment nationaliste. De nombreux observateurs indépendants avaient qualifié le triomphe de Kadyrov de «farce». A l'époque, aucun autre candidat sérieux n'était en lice. Moscou avait orchestré une campagne en faveur de son protégé et de nombreuses fraudes avaient eu lieu pour gonfler le score de Kadyrov. L'élection présidentielle d'aujourd'hui est fidèle à la tradition du Kremlin, affirment les mêmes observateurs. Pour accroître le taux de participation, la Russie a promis des aides financières aux réfugiés, à condition qu'ils rentrent en Tchétchénie pour se présenter, la veille du scrutin, à une banque de Grozny, la capitale. Les 25 000 soldats russes stationnés de façon permanente en Tchétchénie ont également été invités à voter. Sept candidats sont en lice, mais, comme en 2003, le seul qui aurait pu présenter une alternative sérieuse, l'homme d'affaires Malik Saïdoullaïev a vu sa candidature interdite. Le candidat du Kremlin s'appelle cette fois Alou Alkhanov. Vladimir Poutine s'est personnellement engagé dans cette campagne à ses côtés ; une élection apparemment gagnée d'avance. Le futur président aura donc 47 ans, c'est un policier qui a passé toute sa carrière dans la police des transports de Grozny, connue pour sa corruption. Alou Alkhanov était ministre tchétchène de l'Intérieur. Le président russe veut que le monde entier sache que le Kremlin propose une «solution politique» en Tchétchénie. Néanmoins, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a annoncé qu'elle n'enverrait pas d'observateurs pour cette élection. Son porte-parole a déclaré que «les conditions minimums pour une observation ne sont réunies ni en termes de mouvement ni d'accès». Cette «farce» électorale ne viendra sûrement pas calmer les tensions dans la Tchétchénie, déchirée par la guerre et asphyxiée par la Russie. D'autant que depuis quelques mois, le conflit s'étend et dépasse les frontières. Les indépendantistes tchétchènes mènent des attaques-surprise auxquelles l'armée russe semble incapable de faire face. Le week-end dernier, les indépendantistes ont mené une opération de grande envergure dans Grozny, alors que les Russes affirmaient que la capitale était inviolable. Cette guerre est une aubaine pour Moscou. Elle est la justification d'un pouvoir présidentiel russe fort. Et puis, il y a ce double crash d'avion au sujet duquel les services secrets russes privilégient la piste terroriste.