Après une longue concertation où l'on passa en revue les quelques cas et incidents dont a souffert la sainte laïcité chère aux tenants de l'éducation, il fut décidé, à l'unanimité, d'interdire le port du voile, qualifié de symbole religieux ostentatoire, dans les institutions publiques, les écoles y compris. Cette résolution, qui tranche avec l'indécision qui a prévalu jusqu'alors au sein du gouvernement français en matière de lois sur les signes religieux, provoqua d'abord une stupeur tant au niveau de la population musulmane de France que des organisations de défense des droits de l'homme. Bientôt, des voix du monde entier montèrent pour dénoncer cet outrage à l'Islam. On cria au scandale, à la haine raciale, à la fermeture d'esprit des Français qui éclatait d'une façon aussi manifeste à travers les décisions arriéristes de leurs dirigeants politiques. On interpella le gouvernement, on critiqua sa démarche, on parla même d'un complot ourdi contre l'Islam par ses détracteurs en connivence avec le gouvernement français. A dire vrai, ces accusations ne sont pas dénuées de fondements ! À voir les motifs avancés par les hauts responsables français, on en conclut à un dénigrement total de l'un des préceptes de l'Islam. Nous transcrivons ici des propos, pour le moins déconcertants, de quelques-uns des plus hauts responsables politiques français : «Notre vote massif est sans aucun doute le meilleur signal de cohésion et de détermination républicaine que nous pouvions donner à la nation tout entière» (Alain Juppé, député maire de Bordeaux, président de l'UMP : parti socialiste) ; «Force est de constater, aujourd'hui, que certains signes religieux et, parmi eux, le voile islamique se multiplient dans nos écoles. Ils prennent de fait un sens politique et ne peuvent plus être seulement considérés comme des signes personnels d'appartenance religieuse» (Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre) Depuis l'avènement de l'Islam, le foulard ou voile islamique est considéré comme une prescription imposée par la loi (charia) à la femme, au même titre que la prière rituelle ou le jeûne du mois sacré du Ramadhan. Le Coran dit sur ceci : «Et dis aux croyantes de rabattre de leurs regards, de garder leur chasteté et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu'elles rabattent leur voile sur leurs poitrines.» (Coran 24/31), cela bien entendu et on ne saurait jamais assez le rappeler sans qu'elles en soient forcées ou obligées d'une quelconque manière : « Pas de contrainte en religion (…)» (Coran 2/256). Le problème avec le voile, dans la conception occidentale, est qu'il renvoie à l'image de la femme soumise aux caprices des hommes. On ne voit dans cet accoutrement que l'expression de la déchéance de la femme, devant répondre de son corps à la volonté capricieuse de contrôle des hommes ! Beaucoup de femmes occidentales ou à tendance occidentale, encouragées en cela par les groupes féministes où, par ailleurs, le voile n'est pas en odeur de sainteté, se sont battues et se battent toujours aussi farouchement contre ce phénomène religieux comme s'il s'agissait de redonner au sexe féminin l'oxygène dont on l'a spolié ! Pourtant, lorsqu'on se penche de plus près sur la signification que le Tout-Puissant donna, dans son Saint-Coran, à ce précepte, il en ressort, à la lumière des explications coraniques, l'idée d'une religion soucieuse avant tout de protéger la femme contre les abus et les dépassements dont elle peut faire l'objet. Pour mieux cerner la volonté de Dieu dans son Saint-Coran, une mise en situation n'est pas superflue. Laissant de côté toute référence au mode de vie qui prévalait en péninsule Arabique aux premiers temps de l'Islam, argument qui fut, par ailleurs, souvent cultivé par ses détracteurs pour confiner le voile à une simple représentation des mœurs et us d'une époque, nous insistons sur le fait que l'Islam ne permet pas les relations sexuelles hors mariage. La vue des atours de la femme peut créer chez l'homme un désir de chair qu'il lui est défendu d'assouvir s'il n'est point lié par un acte de mariage à une personne du sexe opposé. Le voile possède dans ce cas la double propriété de prévenir le péché en muselant le désir charnel et de protéger la femme contre les tentatives d'exploitation que peut provoquer un trop-plein de frustration. A la lecture de ces arguments, on pourrait se demander en quelles circonstances, pour le moins peu fréquentes, le voile devient-il un rempart à l'exploitation des femmes ! Des exemples véridiques, il en existe à la pelle. On les rencontre tous les jours. En Occident, la prostitution, les viols, les enfants produits de relations de circonstance qui ne connaissent pas leur père ne sont qu'une vérité trop apparente pour ne pas la remarquer. Dans les pays soi-disant musulmans, il suffit pour s'en convaincre de rappeler le cas des pays du Golfe et les pétromonarchies, pour ne citer que ceux-ci ! Combien de femmes, d'adolescentes, de fillettes point encore pubères, ramenées de contrées pauvres sous le couvert de l'affectation au travail de ménage dans les maisons ou de surveillance dans les entreprises, font les frais de ce plein de frustration mal géré et résultant d'une politique d'application de l'Islam complètement déficiente. Partant de ce point de vue, il faut en effet rappeler que le voile islamique a été, treize siècles durant, l'accoutrement extérieur représentatif de la femme dans les contrées de l'Islam. Son port n'engendra durant ce pan de l'histoire ni polémique ni débats enflammés. Il ne fut pas non plus, à quelque moment que ce soit, remis en question. Il a fallu l'arrivée du colonisateur et l'imposition de sa culture pour que le foulard perde peu à peu de son esprit et de son orientation. Le savant Yûsuf Al Qaradawî dit à ce sujet : «Durant les treize premiers siècles de l'Islam, on n'a pas connu une seule musulmane ayant dévoilé sa tête. Dès la puberté et même avant la puberté, dès que la femme devenait désirable, elle se voilait. Rien ne saurait entacher cette certitude. Aucune musulmane n'a eu l'idée de se rebeller contre ce commandement divin, du moins jusqu'à ce que la colonisation entre en scène dans les territoires musulmans.» Toute chose remise dans son contexte, beaucoup se complaisent aujourd'hui à dénoncer, dans un amalgame pour le moins sidérant, l'arme nouvelle des terroristes. En effet, certains intellectuels et politiciens français, et non des moindres, ne se sont pas empêchés de faire des associations dangereuses entre voile islamique et terrorisme : «Ne nous trompons pas ! Cette loi est la première grande défaite des islamistes en France.» (Malek Boutih, secrétaire national du Parti socialiste) ou encore «La loi est devenue le symbole d'une volonté de réduire l'intégrisme et de promouvoir l'égalité hommes-femmes.» (Jean-Marc Ayrault, député socialiste). Il est primordial aujourd'hui, au vu de la fausse tournure que prend le débat sur la légitimité du voile islamique, de reconsidérer son sens et de rappeler que treize siècles d'histoire témoignent, à eux seuls, qu'il n'est point de lien direct entre l'injonction islamique que constitue le port du voile et le terrorisme religieux qui tient plutôt des frustrations des peuples que de l'Islam à proprement parler. Ce dernier ne sert que d'instrument utilisé à mauvais escient par certains pour assouvir leur soif de pouvoir, au vu et au su de Dieu ! En guise de conclusion, il n'est pas superflu de rappeler et de rappeler encore que le voile islamique participe, d'un point de vue religieux, de la protection de la femme contre le regard des hommes «jamais totalement innocent», pour reprendre l'expression de Tariq Ramadan. Le voile en Islam n'est en aucun cas un moyen de dompter la femme ou d'exercer sur elle un quelconque contrôle. L'Islam s'est donné comme rôle, vis-à vis de la femme, d'assurer ses droits fondamentaux dans la société ainsi que de faire reconnaître son égalité à l'homme devant Dieu : «… je ne laisse pas perdre l'action de celui qui, parmi vous, homme ou femme, agit bien. Vous dépendez les uns des autres…» (Coran 3/195).