Passage � l�identit� biom�trique oblige, la femme alg�rienne portant voile, burka ou niqab, devra d�sormais se laisser d�couvrir la face l�instant d�une prise de photographie. La perspective, �nonc�e et annonc�e avec la solennit� officielle voulue, fait d�j� d�bat. Un quelque chose de d�j� entendu par-del� nos fronti�res, dans l�Hexagone notamment, o� la question a �t� au centre de palabres hautement passionn�es. Sofiane A�t-Iflis - Alger (Le Soir) - Finalement, ce n�est pas uniquement � l��preuve de la la�cit� que le d�bat sur le voile islamique prend racine et s��mancipe. Les contr�es musulmanes n�en �chappent pas. Preuve en est ce qui arrive pr�sentement chez nous avec ce que les recommandations techniques pour l��tablissement des documents biom�triques, passeport et carte nationale d�identit�, soul�vent comme brins de pol�miques. Des pol�miques appel�es certainement � prendre de l��paisseur au fil des jours, tant chez de nombreuses femmes voil�es, le hidjab tient de l��l�ment de foi. Aussi ce ne sera pas de gaiet� de c�ur que ces derni�res se d�nuderont la face et exposeront chevelure attendant patiemment qu�un doigt presse l�obturateur. L�administration � charge du pilotage de l�op�ration, le minist�re de l�Int�rieur et des Collectivit�s locales, en somme, ne doute certainement pas des r�ticences, voire des r�sistances qui se structureront contre le d�voilement des visages devant autrui pour les besoins de la photographie. Ne serait-ce que le bref instant d�un cadrage et d�une prise de photo d�identit�. Aussi, lors de sa r�cente campagne d�explication qui l�a conduit aux trois r�gions du pays, l�ouest, l�est et le centre, Noureddine-Yazid Zerhouni a inform� que les femmes voil�es qui r�pugneraient � se d�couvrir le visage devant un homme auront le loisir de se faire prendre en photo par des photographes femmes sp�cialement affect�es � cette t�che. Ainsi, devait-il penser, la foi sera sauve. Mais l�argument massue pour ainsi dire convoqu� pour convaincre de se pr�ter aux exigences de l�op�ration est l�obligation internationale de la mesure. Autrement dit, ainsi est-il d�cid� par la communaut� internationale, ainsi devra-t-il �tre chez nous. Celles d�entre les femmes voil�es qui, par obligations professionnelles ou par loisir, devront voyager hors du territoire national, devront donc faire l�effort de se faire photographier visage et chevelure d�couverts. Enfin � juste cet effort si l�on suppose que les femmes portant voile, burka et niqab n�auront pas � reproduire le m�me geste lors des contr�les aux postes frontaliers ou dans les a�roports et ports internationaux. D�ailleurs, c�est la crainte de devoir retirer ce pan de tissu autant de fois que de besoin qui dicte aux femmes voil�es cette r�ticence � se soumettre � cette mesure �dict�e par la communaut� internationale. Et c�est de l� que le d�bat a lieu en ce moment autour de la question du voile en Alg�rie. Un d�bat que les plus cr�dules d�entre nous avaient cru propre � l�Occident o� cultures et religions s�entrechoquent sans discontinuer. L�on se rappelle qu�en France, le d�bat a fait rage autour du port du voile dans les �tablissements scolaires. La communaut� musulmane de France et d�ailleurs s�est d�clar�e outr�e par la d�cision d�interdiction du foulard islamique � l��cole, d�cision motiv�e par les valeurs la�ques de la R�publique fran�aise qui n�autorisent pas les motifs religieux ostentatoires � l��cole. Evidemment, la communaut� musulmane a r�fut� une telle argumentation, estimant que le port du voile pour la femme musulmane est plus d�un motif distinctif religieux. L�accoutrement proc�de, s�entend-on toujours expliquer, de l�obligation religieuse. Bien des pays musulmans s�y sont accommod�s, ne jugeant pas opportun d�am�nager un espace au d�bat autour de la question. Il aura fallu que la communaut� internationale instaure et oblige au passage, d�ici 2015, aux documents biom�triques pour que les pays musulmans, dont l�Alg�rie, s�y consacrent, contraints. Il est vrai qu�ici les termes du d�bat, timide certes mais bien r�el, sont autres que ceux pos�s en Occident, tant il ne s�agit pas de la question du port du voile islamique dans les institutions mais de la n�cessit� de se faire photographier sans. S. A. I.
DE PLUS EN PLUS D�ALG�RIENNES PORTENT �LE VOILE D�CAPOTABLE� Islamisme ou effet de mode ? Adolescentes, jeunes ou adultes, beaucoup d�Alg�riennes optent aujourd�hui, librement, pour le port du hidjab. Autrefois, tenue sobre et modeste, �le new voile� ou le �hidjab d�capotable� est loin de r�pondre � ces �normes�. Modernis�, suggestif, il est aguichant, plus cher et pervers ! Foulards bariol�s, jupes brod�es, pulls perl�s, bijoux et accessoires. Effet de mode ou exc�s de religiosit� ? Par Irane Belkhedim - Alger (Le Soir) - Depuis quelques ann�es, de nombreuses boutiques qui commercialisent exclusivement des �voiles et leurs accessoires� ont ouvert � Alger, sur les grands boulevards de la ville. Un business florissant qui constitue une aubaine pour les commer�ants ! Dans la Caverne d�Ali Baba BB Foulards est l'une de ces �choppes. La petite boutique se trouve � Didouche-Mourad. A l�int�rieur, plus de 300 foulards sont expos�s pour tous les go�ts et tous les �ges. Rouge, bleu roi, saumon, mauve, grenat, jaune. Effil�, brod�, panach�, perl�, en tergal, en mousseline, en soie, en cr�pe, en cachemire ou encore en lin. Divers tissus et mod�les sont pr�sent�s, les quatre vendeuses sont incapables de les d�nommer tous. Quant aux prix, ils varient entre 300 et 3 000 DA, selon la provenance, la qualit� et les motifs. �Mes fr�res et moi avions remarqu� que beaucoup d�Alg�riennes portaient le voile, nous avons alors d�cid� de tenter l�exp�rience et d�ouvrir une boutique d�di�e � ces femmes. Nous l�avons fait et �a a march� !�, explique Abdelwahab, le jeune g�rant. Il ajoute avec une notre de fiert� que ses fr�res ont �t� les premiers � investir ce cr�neau en 2003. Une belle affaire puisque le commerce est florissant et BB Foulard s�est agrandi. Depuis, il a inaugur� de nouvelles boutiques � Oran, S�tif, Constantine et Annaba. Sa marchandise provient de Chine, du Pakistan, de la Syrie et de l�Espagne, mai l�Inde reste son principal fournisseur. Voulant �tre �au top�, Abdelwahab pr�cise qu�il s�lectionne ses foulards par Internet sur le site du fournisseur. �Nous choisissons en fonction de la tendance. Les couleurs de couleur gaie, les �charpes brod�es et perl�es sont g�n�ralement nos crit�res de s�lection. C�est ce qui est en vogue�, dit-il, ajoutant que la client�le est de plus en plus exigeante et qu�il faut la satisfaire. �Ce n�est pas facile�. B.B Foulard ne se contente pas seulement d�Internet, les cha�nes satellitaires arabes, qui poussent comme des champignons, l�inspirent �galement dans ses achats. Abdelwahab affirme que certaines des vedettes de ces t�l�visions (animatrices, pr�sentatrices du journal, chanteuses�) sont voil�es. �Les Alg�riennes sont aujourd�hui nombreuses � regarder ces cha�nes�. Dans la boutique, les vendeuses se bousculent pour satisfaire des acheteuses qui ne cessent d�affluer surtout durant les week-ends. �Nous sommes d�pass�es durant la semaine ! C�est toujours comme �a !� affirme une vendeuse. Meriem, technicien sup�rieur en gestion : �C�est un choix personnel� Meriem est voil�e depuis peu, une d�cision prise, confie-t-elle, apr�s m�re r�flexion. Un foulard de couleur saumon couvre sa t�te, une longue liquette beige la moule et d�voile une taille fine. La jeune femme explique pourtant que c�est par �conviction religieuse� qu�elle le porte ! �Mon p�re n�a pas �t� d�accord, il s�est moqu� de moi en disant que c'est un d�guisement. J�ai insist� et il a fini par c�der. �a me prot�ge des regards des hommes�. Une contradiction flagrante qu�elle semble assumer ou feint de ne pas remarquer. Maquill�e, parfum�e et aguichante, Meriem ne peut laisser les hommes indiff�rents ! �Je sors, je me maquille et je travaille. On croit que le hidjab �touffe la femme et freine son �mancipation. Ce n�est pas le cas aujourd�hui, puisqu�il s�est modernis� gr�ce � la mondialisation. � La jeune universitaire poss�de au moins une quarantaine de foulards et dix diff�rentes tuniques (pantalons ou jupes avec leurs liquettes). Elle d�pense mensuellement 20 % de son salaire pour sa garde-robes. Soigner son allure semble plus important qu�entretenir son int�rieur. Elle sourit � cette allusion. ��a viendra apr�s ! Petit � petit. Je me fais plaisir. Difficile de r�sister � la tentation avec tous ces mod�les !� l�che-t- elle. Ryma, vendeuse : �Nos hommes aiment le voile� Ryma affirme que c�est son fianc� qui lui a exig� de porter le hidjab, une condition pour l��pouser. �Quand il me l�a demand�, j�ai refus� car je n'aime pas du tout, puis, j�ai �t� forc�e de dire oui pour me marier.� Sa famille a approuv� et n�est pas intervenue. Si elles sont nombreuses � d�noncer le machisme qui gangr�ne notre soci�t�, certaines femmes n�h�sitent pas � faire cette concession et � encourager une attitude intol�rable. Ryma porte une longue liquette bleue, un foulard et des chaussures assortis. Sa tenue d�voile toutes ses rondeurs. �J�aime les couleurs, toutes mes tuniques sont de couleurs attrayantes. C�est la mode !� La vendeuse pense encore que �le new hidjab� ne respecte pas les pr�ceptes du Coran. �Les Alg�riennes regardent les t�l�visions du Moyen-Orient qui montrent en boucle des animatrices avec des foulards bigarr�s, parfois nou�s autour du cou, avec une brochette� Elles les imitent. C�est tout !� Cette jeune femme, qui, apparemment, s�inspire des m�mes mod�les, est la premi�re concern�e par ces critiques. Elle n�en a aucune conscience ! Une confusion qui ne la d�range pas. �Nos hommes aiment les femmes voil�es, ils croient qu�elles sont plus vertueuses. Ainsi, beaucoup de femmes portent le voile pour les satisfaire tout en ne se privant pas des plaisirs f�minins. Elles se voilent et s�habillent d�une mani�re aguichante !� Elle en est s�re, c�est son cas. Samia : �Il d�voile plus notre f�minit� A 25 ans, Samia explique les choses plus simplement. Elle trouve �le voile d�capotable�, comme le surnomment nos jeunes, joli et sexy. �Vous n�avez qu�� voir dans la rue et partout ailleurs, les plus belles sont voil�es. C�est un constat ! Elles savent valoriser leur f�minit�. A la maison, elle dispose d�une armoire qui compte pr�s de 70 foulards et une vingtaine de tuniques. �Chaque mois, je d�bourse plus de 4 000 DA pour acheter des foulards et leurs accessoires. Moi, je tiens � �tre belle !� dit-elle en souriant. Son foulard blanc laisse �chapper une m�che de cheveux. L�on devine une longue chevelure noire. Samia avoue qu�elle ne se lasse jamais de faire du l�che-vitrine, surtout que l�on retrouve tout sur le march� : des brochettes d�ornement, des planchettes (une sorte de gants qui couvrent seulement les avant-bras pour les femmes qui mettent des pulls ou des chemisettes � manches courtes), des couvre-cheveux�. �C�est � la mode, c�est pris� et j�adore !� Lamia, qui aborde la quarantaine, secr�taire de direction, n�aime pas se priver. Son foulard rouge cache � peine ses cheveux color�s. �Je sais, ce n�est pas correcte mais je le porte depuis deux semaines, je ne me suis pas encore habitu�e. C�est tout ! Commen�ons doucement�, justifie-t-elle. La secr�taire que nous avons rencontr�e dans l�une de ces boutiques dit qu�elle a l�habitude de diversifier ses tenues : une longue liquette avec des chaussures sportives, un jean moulant rehauss� d�un petit pull et de sandales� �Etre voil�e ne signifie gu�re se priver des plaisirs de la vie ! Je me sens comme toutes les femmes, je porte ce qui me pla�t, ce que j'aime et je me sens toute aussi ind�pendante.� Pour Lamia si de plus en plus d�Alg�riennes ont tendance � choisir un hidjab �plus cool�, c�est une mani�re de le faire accepter par ceux qui le d�testent. �C�est plus charmant, et les gens nous approchent sans a priori.� Inconscience ou perte de rep�res ! M�me si elles ne brandissent pas l��pouvantail religieux, les femmes qui adoptent le �voile d�capotable� n�ont aucune conscience du choix qu�elles font, de l�importance de son impact sur l�entourage imm�diat et la soci�t�. Kamel, un manager qui a d�pass� la cinquantaine, se souvient de l�apparition des premi�res femmes voil�es en Alg�rie, dans les ann�es 1980. Un �v�nement. �J��tais gamin et je me rappelle que cela me choquait. Je m�en moquais avec mes copains car on les prenait pour des nones ! On croyait que c��tait des s�urs chr�tiennes ! C��tait bizarre pour nous, nous ne connaissions pas le voile et n��tions pas habitu�s�, dit-il. En effet, les Alg�riennes portaient le hayek � Alger, un habit traditionnel qui change de nom selon les r�gions. �Derni�rement, je suis all� r�cup�rer ma fille de son lyc�e, j��tais stup�fait de voir que pr�s de 80 % des lyc�ennes portaient le foulard ! Je n�exag�re pas ! C�est incroyable !�, ajoute Kamel. Le r�le des t�l�visions arabes Le vide m�diatique national, avec trois cha�nes quasiment d�pass�es par l�actualit�, les Alg�riennes, qu�elles soient instruites ou pas, pr�f�rent se ressourcer ailleurs et bricoler leur identit� dans des programmes de t�l�visions arabes, parfois � tendance islamiste. Elles sont nombreuses � affirmer regarder ces cha�nes fr�quemment. Actuellement, le paysage m�diatique arabophone compte plus de 124 cha�nes satellitaires qui ont r�ussi � s�imposer dans un domaine r�serv�, il y a quelques ann�es, aux Occidentaux. Le hidjab, sous toutes ses formes, a �t� m�diatis� par des clips, des �missions, des pr�ches et des t�l�films syrien, �gyptien et saoudien, diffus�s en boucle. Il suffit de zapper avec sa t�l�commande pour remarquer ces nouvelles starlettes voil�es ou demivoil�es qui d�filent � longueur de journ�e sur des cha�nes musicales dites �culturelles�! Dans les ann�es 90, de jeunes Alg�riennes ont �t� sauvagement �gorg�es par des terroristes car elles avaient refus� de se soumettre et de porter le hidjab. Un choix ch�rement pay�. Elles ont r�sist� et assum�. Aujourd�hui, alors que le pays retrouve un peu de s�r�nit�, nos femmes se mettent � se �voiler la face�, librement, sans y �tre forc�es. Ont-elles la m�moire courte, ont-elles oubli� toute la signification du combat d�mocratique ? I. B. CV : hidjab obligatoire please ! Un peu plus loin, d�autres boutiques, d�autres foulards, d�autres voiles. �Cherche vendeuses voil�es�, lit-on sur une pancarte accroch�e � la vitrine. A l�int�rieur, deux boutiqui�res voil�es s�occupent des acheteuses. �Elles orientent mieux les clientes puisqu�elles sont, elles aussi, voil�es. Entre femmes, c�est mieux�, explique le g�rant. Pour la plupart de ces commer�ants, le port du hidjab est une condition de recrutement. I. B. Paradoxal Foulard sur la t�te, pantalon moulant, chaussures � talons, maquill�es et parfum�es, grandes fumeuses, avec une marmaille de petits copains, les nouvelles voil�es sont un alliage de contradictions : religieuses et sexy, fringu�es mais mystiques, spirituelles mais trop physiques. Un voile qui d�voile. N�est-ce pas pervers ! I. B. Librement voil�es ! Les femmes forc�es par leurs parents ou leurs fr�res restent des cas rares. Pour certaines femmes, se voiler facilite la vie. Elles ont acc�s � tout et sont tranquilles. Personne n�en doute ! I. B. ZOUBIR AROUS, SOCIOLOGUE, CHERCHEUR AU CREAD : �Le port du foulard, un ph�nom�ne purement sociologique� L�entr�e en vigueur prochaine du passeport biom�trique forcera les femmes voil�es � se d�voiler le temps d�un clich�. Le ministre de l�Int�rieur qualifie cela de mesure purement �technique �. Le sujet fait pourtant d�bat. Eclairage de Zoubir Arous, sociologue et chercheur au CREAD� Le Soir d�Alg�rie :Le d�bat sur le voile a fini par s�inviter en Alg�rie au moment o� en France, l�interdiction ou pas du port de la burqa d�cha�ne les passions� Zoubir Arous : Il faut d�abord savoir que la burqa n�est en rien une tenue vestimentaire ayant un lien avec l�Islam. Aucun texte n�y fait r�f�rence. C�est une tradition dans certaines tribus encore sous-d�velopp�es. Pour revenir au d�bat qui anime en ce moment la sc�ne en France, il faut dire que lorsqu�on choisit de vivre dans un pays, on a le devoir de se conformer aux lois de ce dernier. Chez nous, le hidjab entre dans le cadre des libert�s individuelles mais il ne faut surtout pas oublier que cette libert� s�arr�te au niveau de la s�curit� des autres. Ce d�bat est instrumentalis� par des parties n�ayant plus aucun ancrage r�el dans la soci�t�. L�Etat est en droit d�imposer la disposition d�enlever le voile pour les documents biom�triques. Je pense que c�est un faux d�bat car ayant des relents politiques n�ayant aucun lien avec l�aspect religieux. Justement, comment appr�ciez-vous le port du foulard en Alg�rie ? Tel que port� en Alg�rie, le hidjab n�a souvent pas de lien avec la religion. En Alg�rie, le hidjab est tr�s souvent port� pour des raisons d�ordre sociologique. Beaucoup de femmes font le choix de le porter pour pouvoir travailler ou �tudier. Il sert �galement � pouvoir s�identifier dans un groupe, c�est un signe distinctif que beaucoup utilisent pour �galement se mettre � l�abri des agressions � l�ext�rieur. Tr�s peu de femmes le portent par conviction religieuse.