Un projet ambitieux, généreux, qui prévoyait la formation de quelque 2000 docteurs en littérature, sciences du langage et didactique en l'espace de sept à huit années, est en train de battre de l'aile. Seule une intervention énergique des hautes autorités du pays pourrait lui redonner son élan et sa dynamique. L'idée de création de l'école doctorale de français remonte à l'année 2002 qui a été marquée par la relance de la coopération algéro-française dans le domaine de l' enseignement et de la recherche, le motif principal étant le déficit préoccupant en encadrement de niveau magistral. L' objectif du projet était la mise en place d'un dispositif d'appui aux études doctorales de français, dans le cadre du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) et ayant pour dimension la formation doctorale interuniversitaires par la relance de la formation postgraduée (ouverture d' un nombre important de magistères sur l'ensemble du territoire national,), l' insertion des travaux des doctorants dans 3 secteurs féconds et formateurs, mobilisant plusieurs regards disciplinaires (didactique, linguistique, etc.), l'organisation de colloques de doctorants avec des collègues algériens et français, le renforcement des laboratoires de recherche algériens et le repérage des laboratoires français susceptibles de travailler avec eux dans une perspective de complémentarité. Un comité mixte de pilotage, parrainé par les deux parties et regroupant des universitaires algériens et français, a été créé en octobre 2002 et chargé de concevoir une structure et un parcours de formation. Ce comité, après une série de réunions qui se sont étalées sur environ deux années et qui ont été au fur et à mesure élargies aux experts, a opté pour la création d' une école doctorale algéro-française, virtuelle, fonctionnant en réseau et conçu un programme de formation intensif qui, tout en restant dans les limites de la réglementation algérienne, se distingue par son fonctionnent et sa répartition. Pour ce qui est des contenus de formation, le comité a opté pour ce qui suit : En magistère Au niveau de la première année, un tronc-commun a été prévu pour les trois options, suivi de modules de spécialité (environ 400 heures au total). Pour la deuxième année et contrairement aux magistères habituels, il a été prévu une continuation de la formation en parallèle avec la préparation du mémoire (méthodologie de la recherche, pédagogie de l'enseignement supérieur, ingénierie de la formation, ateliers de spécialité), pour un total de 150 heures. En doctorat Contrairement à la formation habituelle, qui consiste en la rédaction d'une thèse et la publication d'au moins un article en vue de la soutenance, le programme de l' Ecole doctorale prévoit en parallèle une formation consistante étalée sur trois années aussi bien en Algérie qu'en France (méthodologie, ateliers doctoraux, formation à la communication pédagogique, etc.,: 280 heures au total en 1re année, 210 heures en 2e année et 170 heures en 3e année). Pour ce qui est de la structure, l' Ecole doctorale, telle que prévue, devait fonctionner en réseau tant au niveau national qu'au niveau international selon le schéma suivant : Le réseau universitaire français est composé de six réseaux régionaux et celui algérien de trois réseaux régionaux (Ouest, Centre, Est) correspondant aux trois grandes régions universitaires, l'ensemble coiffé par un conseil mixte de suivi scientifique et technique composé des responsables régionaux du réseau universitaires français et du Réseau universitaire algérien et coprésidé par les président de chaque réseau national. Les pôles régionaux, regroupent les antennes de l'Ecole doctorale avec à leur tête un coordonnateur assisté par des responsables des filières (sciences du langage, sciences des textes littéraires, didactique). Ces antennes de l'Ecole doctorale sont rattachées aux établissements qui abriteront la formation. Chaque réseau régional est doté d'un comité régional de suivi pédagogique et scientifique présidé par les deux responsables de pôle qui sont chargés d' assurer la coordination entre l'établissement de domiciliation de l'antenne de l'école, le ministère et la partie française. En outre, un conseil scientifique régional devait être installé pour superviser toutes les questions liées au domaine habituel d' intervention de ce genre de structure. Début juin 2004, le comité mixte d'expert du projet d'Ecole doctorale de français s'est réuni au ministère et a fixé les modalité d'accès et d'organisation du concours d'entrée en 1re année de magistère de l'école doctorale dont la date a été fixée pour le jeudi 23 septembre 2004 (bac, licence de français de 4 années et âge maximum de 40 années à la date du concours compte tenu des limites d'âge prévues pour le recrutement dans la fonction publique). Un réunion restreinte du comité devait se tenir avant la sortie afin de travailler à la rédaction d'un statut de l'école, même sous la forme d' une mouture provisoire, afin d'avoir une base pour le démarrage effectif en septembre. Fin juin, le ministère a entamé, en coordination avec la partie française, la mise en place des structures régionales de l'école ainsi que la désignation des différents responsables au niveau de chaque pôle. En juillet, le ministère a envoyé aux établissements concernés par le projet une correspondance les chargeant de procéder, en attendant la mise en place des structures de l'Ecole doctorale de français, à la préparation du concours (annonce dans les journaux, etc.). C'est à partir de ce moment-là que les difficultés et les problèmes ont commencé à apparaître. S'étant quittés en juin, les membres du comité national d' experts ne se sont plus réunis ni pour l'élaboration du statut provisoire ni pour le lancement du concours. Il faut ajouter à cela la changement à la tête de la direction de la postgraduation et de la recherche-formation qui est intervenu juste avant le concours. Malgré cela et heureusement, les pôles régionaux, conformément à ce qui a été décidé en juin lors des différentes réunions, se sont réunis et ont élaboré les sujets d'examens pour leurs régions et fixé les modalités d'évaluation. Quelques problèmes ont émergé ici et là pour ce qui est de la question du baccalauréat, du nombre d' années d' étude de la licence et surtout pour la limite d' âge. Aucun document officiel n'étant parvenu aux universités confirmant ce qui a été décidé en juin par le comité d' experts, des candidats sans bac et d' autres ayant largement dépassé l'âge limite de recrutement dans la fonction publique (45 ans pour les nouveaux recrutés et 49 ans pour ceux qui y ont déjà exercé) ont pu passer le concours et être admis. Mais les vrais problèmes ont commencé à apparaître au moment des résultats. Qui devait les proclamer, les valider ? Pour les responsables de l' Ecole doctorale, dans la mesure où le concours était pour accéder à une formation dans le cadre de l'Ecole doctorale, même s'il a été organisé par les soins de l'établissement de domiciliation de l' antenne de l'école, il était logique que les résultats dussent être d' abord proclamés sur la base des PV de délibérations visés par les structures organisatrices (département et antenne) par le comité de suivi régional de l'école, pour être ensuite validés par les comités scientifiques et les conseils scientifiques, dans la mesure où les candidats devaient être inscrits au niveau de l'établissement de domiciliation de l'antenne. Des conflits de prérogatives ont eu lieu ici et là entre des responsables d'antennes et les responsables des établissements (département, faculté, vice-rectorat). En l'absence jusqu' à ce jour de textes clairs, les ambiguïtés persistent : Les étudiants admis sont-ils des étudiants de l'école doctorale de français inscrits pour son compte au niveau de l'établissement de domiciliation comme c' était le cas des étudiants des Ecoles normales supérieures juste après l'indépendance ? Où alors sont-ils de simples étudiants de magistère inscrits au niveau de l'Etablissement et qui bénéficieront dans le cadre de la coopération de la venue d'enseignants français comme le pensent certains responsables d'établissement ? Dans ce cas, où est l'Ecole doctorale ? Dans la mesure où ils devront suivre une formation spécifique à l'Ecole doctorale pour ce qui est du contenu et du parcours, les comités scientifiques des départements et les conseils scientifiques de facultés devraient-ils tenir compte des textes habituels ou de la spécificité du projet ? Les antennes de l'Ecole doctorale sont-elles seulement rattachées aux établissements pour des raisons de gestion, où sont-elles dépendantes hiérarchiquement de l'établissement comme l'avancent beaucoup de chefs d'établissement qui se basent sur leur propre lecture d'une correspondance adressée par la nouvelle directrice de la postgraduation et de la recherche formation en date du 10 octobre destinée à expliquer les grandes lignes du projet et qui ne peut en aucun cas avoir une valeur de texte réglementaire, d'autant plus qu'elle ne tient pas réellement compte de ce qui a été décidé lors des différentes réunions du comité de pilotage de projet qui a insisté sur le fait que les antennes étaient des structures distinctes qui dépendaient organiquement du pôle régional de l'école et qui étaient rattachées aux établissements au niveau de leur rectorat et non au niveau des structures inférieures, même si elles devaient collaborer avec les départements et les facultés. Quel est le rôle du comité de suivi pédagogique et scientifique, et quelles sont ses prérogatives par rapport aux comités et conseils d'établissement ? Qu'est-il advenu des conseil scientifique régionaux de l'école ? A quoi sert le comité national mixte de suivi scientifique et technique, si il ne s'agit que de simples postgraduations ? Qui décidera du passage en deuxième année ? Qui proposera les jurys de soutenance pour les magistérants et les doctorants de l'école doctorale même dans le cas d' une coopération entre les structures de l'école et celles de l'établissement ? Qu'en sera-t-il pour les universités où il n'y a pas de département de français, mais des départements de langues où le français n' est qu'une filière et dont les comités scientifiques sont composés en majorité d'enseignants d'autres filières. Qu'en sera-t-il des établissements où il y a une antenne de l'école mais où il n'y a même pas de filière de français, comme c'est le cas de l'université de Béchar ? Qu' en sera-t-il pour l' inscription en doctorat des établissement qui ne sont pas habilités à la faire pour cette spécialité ? Qui donnera sont avis d' expertise pour les sujets de thèse ? Il semble que la correspondance de la direction de la postgraduation loin de clarifier les choses n'a fait que les compliquer un peu plus et des problèmes plus graves apparaîtront dans le futur si ce qui a été décidé par les experts en connaissance de cause et du terrain n'est pas pris en considération. Sans parler des aspects psychologiques, comment imaginer une école doctorale dont les antennes locales doivent non seulement être sous la coupe des départements mais également transiter par ces derniers, par la faculté, le vice-rectorat puis le rectorat pour la moindre question ! Sans parler des aspects budgétaires qui n'ont jusqu'à maintenant pas été résolus puisque jusqu' à ce jour aucune notification budgétaire n'est parvenue aux universités concernées malgré l'envoi par les responsables d'antennes de dossiers relatifs aux prévisions budgétaires et alors que des missionnaires sont prévus pour fin novembre au niveau de certaines antennes ! Ou alors faut-il attendre que l'accord FSP soit signé maintenant que la partie française a officiellement annoncé le déblocage de sa quote-part dans le budget du projet pour que soit enfin mis en place l'organigramme de l'école tel qu' il y est prévu ? Et s'il y avait du côté algérien des gens qui voudraient se contenter de ne présenter qu'une façade face à celle française du projet tout en continuant à vouloir gérer les choses selon les bonnes vieilles méthodes qui ont fait recette, mais dont les résultats sont d'ores et déjà prévisibles et qui ne sont que les prémices d'un échec annoncé ? Ce qui serait dommage pour un si beau et si bon projet ! Il est du devoir des plus hauts responsables de jeter leur regard sur la question, car il y va de la crédibilité de notre pays et du respect envers ceux qui ont mis des deux côtés tant d'efforts, d' enthousiasme et d' élan pour que le projet réussisse et serve de modèle.