A l'évidence pour certains, ces déclarations interprétatives ne signifient pas réserves, celles-ci au sens du droit international étant une technique par laquelle un Etat exclut de son adhésion une ou plusieurs stipulations conventionnelles. L'interprétation a pour signification que l'Etat qui ratifie entend donner un contenu qu'il croit devoir expliciter à une ou plusieurs règles dont le sens lui paraît à la fois important et incertain dans la rédaction qui en est proposée. En fait la déclaration interprétative a pour objet de préciser le sens qu'un Etat veut donner à une disposition, l'interprétation qu'il en fait et non pas d'exclure ou de limiter l'application de cette disposition. Pour d'autres, ces déclarations interprétatives s'avèrent être de véritables réserves et sont incompatibles avec l'article 19 de la Convention internationale de 1969 sur le droit des traités que notre pays a ratifés. (18) L'Algérie a établi sur le plan international son consentement à être liée par ce traité, en adhérant, avec réserve, conformément au décret nÞ 87-222 du l 3 octobre 1987 (19). D'après la définition de l'article 2 id de la convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats, l'expression «réserve» s'entend d'une déclaration unilatérale quel que soit son libellé ou sa désignation faite par un Etat quand il signe, ratifies, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat. Déclaration interprétative ou réserve, l'Algérie n'a pas modifié sa législation nationale concernant les droits des enfants après sa ratification. Au contraire, les déclarations interprétatives lui ont permis de donner aux articles de la convention une interprétation qui va dans le sens de sa législation nationale, notamment le code de la famille et le code de l'information. Certains principes constitutionnels anciens, réactualisés à l'occasion de la révision opérée en 1996, confirment, avec une certaine rigidité, un nombre de référents coutumiers et/ou religieux et civiques érigés en norme de droit par le législateur unique de l'ancien système, à savoir la loi nÞ 84-11l et la loi nÞ 90-07 sans cesse d'actualité quant à leur degré d'adaptation aux réformes institutionnelles, politiques, économiques et culturelles intervenues postérieurernent à leur adoption. Ces textes ont été les supports utilisés par l'Algérie pour interpréter les dispositions de la convention, abstraction faite de l'article 51-2 qui interdit toute réserve incompatible avec l'objet et le but de la convention. Les implications juridiques de l'évolution du droit international des droits de l'homme et du droit humanitaire en particulier sont à revisiter depuis l'avis de la Cour internationale de justice en la question relative aux réserves éventuelles à la Convention des Nations unies sur le crime de génocide (20). En présentant son rapport au comité, l'Algérie a tenté de justifier le respect de la convention et son application en trouvant dans sa législation nationale et selon son interprétation le corollaire aux dispositions de la convention. En fait, il est vrai que les déclarations interprétatives sont de véritables réserves, car la convention a un but : faire de l'enfant un citoyen ayant des droits, droits qui le protègent, droits qu'il peut exercer, liberté de conscience, d'expression, d'association, etc. Le droit d'avoir un nom, une famille. On ne peut pas admettre que l'Algérie n'ait pas de législation en ce sens, au contraire, différents ministères, allant du ministère de la Justice au ministère de la Sécurité sociale, de la Jeunesse et des Sports, de la Santé, de la Solidarité, du ministère délégué à la Famille, de l'Education nationale et autres s'occupent de l'enfance, ce qui explique la diversité des textes éparpillés et appelle donc l'urgence de les réunir pour les porter à la connaissance de tous. Ce qui fait défaut donc, c'est une homogénéité de ces textes et une véritable politique de l'enfance. Aussi pour ne pas se perdre dans les dédales de la législation nationale souvent sous-tendue par le code de la famille, il serait intéressant de cibler l'essentiel pour la protection de l'enfant et de l'enfance en général. L'Algérie s'est engagée à soumettre au Comité des droits de l'enfant des rapports sur les mesures qu'il aura adoptées pour donner effet aux droits reconnus dans la convention ainsi que sur les progrès réalisés dans la jouissance de ces droits (22) et partant de leur protection (23). Lors de sa 398e session, le Comité des Nations unies (Comité des droits de l'enfant) institué conformément à l'article 43 de la convention (24) réagit au rapport initial relatif aux droits de l'enfant présenté par notre pays les 29 et 30 mai 1997, en «regrettant que le rapport omette de fournir des informations sur les facteurs et difficultés qui entravent la mise en œuvre de la convention et l'exercice effectif, par les enfants, de leurs droits» (25). Le Comité a exprimé, entre autres, «avec préoccupation qu'en vertu de l'article 249 du code de procédure pénale algérien, les enfants de 16 à 18 ans soupçonnés d'activités terroristes ou subversives sont traduits devant un tribunal pénal par assimilation aux adultes. (25) Le Comité prend note de l'article 50, du code de pénal, qui interdit de condamner un mineur à la peine capitale ou à l'emprisonnement à vie. Le comité regrette l'absence de précisions sur le point de savoir si le régime de droit applicable à ces mineurs, s'agissant de la procédure de mise en jugement et de l'exécution de la peine, est celui qui s'applique à des adultes. Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs doits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde (26) car la communauté internationale rappelle que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libéré de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme.(27). La communauté internationale exhorte fortement les Etats à s'engager plus dans la protection des droits déclarés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression (28). II. De l'effet des traités et accords internationaux relatifs aux droits de l'homme, en général, aux droits de l'enfant, en particulier à la lumière de la jurisprudence française et algérienne S'agissant de la Convention sur les droits de l'enfant, à la différence du juge civil (29), le Conseil d'Etat français reconnaît des effets directs à certains articles de cette convention. C'est le cas des articles 3-1 et 16 consacrant l'intérêt supérieur de l'enfant et son droit à la protection de la vie privée, familiale du domicile et qui ne sont pas méconnus par l'article 374 du code civil qui détermine le détenteur de l'autorité parentale en fonction du seul intérêt de l'enfant(30). En revanche, les articles 2-1 et 2-2 de la même convention garantissant les droits énoncés sans distinction et protégeant l'enfant contre toutes les formes de discrimination sont dépourvus d'effets directs (même arrêt). En revanche, produit un effet direct la Convention du Conseil de l'Europe, signée à Strasbourg le 21 mars 1983 et relative au transfèrement des détenus. La primauté du traité ou de l'accord international sur la loi interne antérieure ou postérieure, consacrée par l'article 132 de la Constitution algérienne de 1996 (31), suppose, en premier lieu, que la norme internationale est entrée en vigueur. La hiérarchie de normes affirmée par l'article 132 de notre Constitution ne développe donc ses effets que dans la mesure où les normes internationales et internes sont susceptibles de se heurter, ce qui suppose qu'elles aient un champ d'application commun. L'article 132 subordonne donc la primauté du traité et de l'accord sur les lois internes à une ratification ou à une approbation régulière, à leur publication pour chaque traité ou accord par l'autre partie, en ce qui est des traités ordinaires, ce qui ne peut être toléré pour les conventions impliquant la protection des droits de l'homme. Lorsque l'objet du traité ou de l'accord est incompatible avec l'exigence de réciprocité, le juge interne ne peut se trouver dans une situation de confrontation au problème de la réalisation de cette condition qui apparaît depuis la jurisprudence de la CIJ, en l'affaire dite «Barcelona Traction Ltd», 197 l comme une norme «erga omnes» est confirmée en 1998 par le statut de la CPI du 18 juillet, comme l'une des conditions nécessaires à la primauté de la norme internationale sur la loi interne. «Destinée à protéger les droits fondamentaux appartenant à toute personne humaine, en sanctionnant les atteintes les plus graves qui leur seraient portées …», cette cour est «compétente pour juger les responsables de crime d'une gravité telle qu'ils touchent l'ensemble de la communauté internationale, qu'eu égard à cet objet, les obligations nées de tels engagements s'imposent à chacun des Etats parties indépendamment des conditions de leur exécution par les autres parties ; qu'ainsi la réserve de réciprocité mentionnée à l'article 55 de la Constitution n'a pas lieu de s'appliquer…» (32). III- Des conséquences de l'inconventionnalité de la loi en droit international des droits de l'homme et à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel algérien Depuis que le Conseil constitutionnel (Algérie) donne aux conditions énoncées par l'article 132 de la Constitution (33), plein effet à la primauté consacrée par cet article (34), se pose la question de la légalité constitutionnelle de certaines dispositions de la loi nÞ 84-11 du 9 juin 1984, observées comme étant incompatibles avec les dispositions du droit international, alors qu'elles ont été impliquées sous l'empire du système du parti unique, dans le code de la famille, malgré les deux ou trois réformes constitutionnelles fondamentales ayant modifié le sens «des fondements essentiels du système juridique algérien (35), Dans la logique de la solution retenue par le juge interne, on note que le Conseil constitutionnel français a, dans sa décision du 15 janvier 1975 (36), accordé explicitement la primauté de la norme internationale écrite. Il doit s'ensuivre en conséquence que la loi déclarée inconventionnelle dans un litige pour méconnaissance d'une norme internationale écrite antérieure, n'est pas juridiquement anéantie mais qu'elle est écartée du procès en cours quitte à recevoir une application normale dans un litige où elle ne heurterait aucune convention internationale ou dans l'hypothèse où cette dernière serait suspendue ou dénoncée par l'Etat. On se trouve donc dans un système d'exception d'inconventionalité qui aboutit à une simple mise à l'écart de la disposition législative postérieure et non à son anéantissement (37). Mais cette façon de raisonner a suscité de sérieuses réserves, car l'exception d'inconventionalité a dans certains cas pratiquement les mêmes effets qu'une «annulation» de la loi : notamment, lorsque est annulé un acte administratif conforme à une loi incompatible avec une convention internationale antérieure, la suspension ou la dénonciation de cette dernière ne fait pas revivre l'acte ainsi annulé, sans compter que cette suspension ou cette dénonciation rendant la loi applicable relève presque de l'hypothèse d'école dans le cas des grands traités multilatéraux ou des conventions internationales relatives aux droits de l'homme. Ce raisonnement est suivi par le juge administratif français. Au cours de l'année l999, par exemple, le Conseil d'Etat français a fait un nouveau pas vers l'anéantissement sinon de la loi elle-même, mais tout au moins de ses effets juridiques, ce qui constitue une sorte d'anéantissement tout court. Il a, en effet, estimé que «le gouvernement français était fondé à ne pas édicter les mesures d'application d'une norme législative» (en l'espèce l'article L. 601-4 du code de la santé publique relatif à 1'enregistrement des médicaments homéopathiques administrés par voie injectable sous-cutanée) incompatible avec les objectifs définis par une directive communautaire antérieure que cette norme législative transposait en droit interne (directive nÞ92-73 CEE, du 22 septembre 1992) (38) En guise de conclusion préliminaire De l'unique cas relatif à la publication au Journal officiel des réserves du gouvernement algérien aux instruments de protection des droits de l'homme en général, nous souhaitons, dans l'intérêt de la sécurité de l'humain, que cette contribution se veut un appel du cœur pour que les réserves portant sur le but et/ou l'objet de tous les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme soient levées. Par conséquent, toute ambiguïté préexistante, ou qui existe encore, quant au degré de l'opposabilité de la norme de droit international des droits de l'homme à l'Algérie, posera sans aucun doute et pèsera dans toute action internationale liant notre pays à la communauté internationale dans son ensemble. Notre pays a cassé un des tabous institués en norme d'une coutume sauvage depuis l'indépendance et qui consiste à laisser dans l'ignorance coupables le citoyen passif dans le passé composé et actif dans le présent imparfait sur ce degré d'engagement de faire et/ou de s'abstenir de notre pays. Les rapports de la Commission des droits de l'enfant, pour s'en tenir qu'à cet aspect des droits de l'homme, comme nous l'avons souligné plus haut, fait ressortir les éléments d'une gouvernance des droits de l'homme civiquement et civilisationellement assumée en interpellant les gouvernants pour plus de transparence et de traçabilité dans la gestion des engagements internationaux souverainement souscrits par notre pays. Le degré d'adaptation et/ou d'inadaptation de notre corpus juris aux normes du droit international des droits de l'homme est comptable de la volonté politiquement correcte que doit afficher l'Etat au-delà de la compétence mais tout simplement pour le bien-être de tout un chacun. Notes : 18)- L'article 19 dispose : un Etat, au moment de signer, de ratifier, d'accepter, d'approuver un traité ou d' adhérer, ce qui est le cas de notre pays, peut formuler une réserve, à moins que : a)- la réserve ne soit interdite par le traité ; b)- le traité ne dispose que seules des réserves déterminées, parmi lesquelles ne figure pas la réserve en question peuvent en être faites ou ; c)- dans les cas autres que ceux visés aux alinéas a, et b, la réserve ne soit incompatible avec l'objet et le but du traité. 19)- JO (42) : 14 octobre 1987. 20)- L'article 52-2 dispose qu'aucune réserve incompatible avec l'objet et le but de la présente convention n'est autorisée. A noter que notre pays est partie à cette convention conformément à l'acte d'adhésion du 11 septembre 1963, avec réserves sur les articles 6,9 et 12, JO (66), 21)- Conformément à l'article 44 de la convention. 22)- L'article 43 dispose : «Aux fins d'examiner les progrès accomplis par les Etats dans l'exécution des obligations contractées par eux en vertu de la présente convention, il est institué un comité des droits de l'enfant qui s'acquitte des fonctions définies ci-après. 23)- Il y a lieu de souligner qu'une législation protectrice des droits de l'enfant mineur est en développement constant, les dispositions des articles 49, 50 et 51 du code pénal en sont un exemple à parfaire plus. 24)- Pr Khiati. La Convention, op. cit. p. 15. 25)- Il est intéressant de rappeler, pour la circonstance, que les Etats-Unis qui, seuls avec la Somalie, n'avaient pas ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant, font exception à la règle généralement admise par les nations civilisées civiquement parlant. La Cour suprême des Etats-Unis a accepté le 26 janvier 2004 d'examiner la légalité des exécutions pour les meurtriers mineurs. Il s'agit là d'une nouvelle étape de la remise en cause de la peine de mort, donc du droit à la vie, aux Etats-Unis, où la plus haute juridiction américaine avait déjà interdit en juin 2002 l'exécution d'attardés mentaux. L'exécution de mineurs au moment des faits toujours, possible dans une vingtaine d'Etats de l'Union, a été souvent décriée aux USA ces dernières années. In journal Télétexte France 2 du 26 janvier 2004, p. 205. 26)- Préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme, A/Res/ 217 A (III) du 10 décembre1948. Déclaration adoptée par 48 voix contre 8 abstention et 2 absences, paragraphe 1er. 27)- Paragraphe 2 du préambule de la déclaration précitée. 28)- Paragraphe 3 de ladite déclaration. 29)- Chronique de la jurisprudence française, AFDI, 1999, p. 809. 30)- CE, 30 juin 1999, Guichard, Recueil, p. 218 ; JDI. 2000. p. 727, note 1. Barrière-Brousse ; D. 2000, p. I. note Boulanger. 31)- Article 55 de la Constitution française. 32)- CC français, déc. 98-408 du 22 janvier 1999. 33)- Les traités ratifiés par le président de la République, dans les conditions prévues par la Constitution, sont supérieurs à la loi. 34)- Avis nÞ01-89 de 1989. 35)- Voir entre autres la révision de 1989, portant sur le multipartisme et l'implication de la dimension amazighe de la personnalité algérienne ; les différents engagements internationaux de l'Algérie depuis 1990 ; la révision constitutionnelle de 1996 et la traçabilité transparente du systèmne juridique algérien, avec l'institution du bicamérisme et de la dualité de juridictions, suit la révision de 2002 avec la constitutionnalisation de la langue amazighe, comme langue nationale de la nation algérienne. 36)- Interruption volontaire de la grossesse (IVG), AFDI, Chronique, 1976, p. 868. 37)- Jean-François Lachaume, Jurisprudence française relative au droit international, AFDI, XL.VI – 2000 – CNRS Editions, Paris, p. 718. 38)- Conseil d'Etat, 24 février 1999, Association de patients de la médecine d'orientation anthroposophique et d'autres, recueil, p. 29 ; AJDA, 1999, p. 829, note R. Ricci.