Le procès, qui n'est pas le premier du genre, s'est déroulé en l'absence du premier mis en cause, Amarni en l'occurrence. L'article incriminé date de la fin décembre 2003. Intitulé «Coup d'Etat», cet écrit journalistique évoquait, au cœur de la fièvre électorale de l'époque, l'importance des moyens de l'Etat qui ont été mobilisés par le président-candidat à la présidentielle du 8 avril 2004 pour se maintenir au pouvoir. Tout en démontrant qu'il s'agissait d'un article de presse critique qui n'a rien de diffamatoire ni d'attentatoire à la personne du président de la République, Me Khaled Bourayou, avocat de la défense, a attesté : «Il y a des gens qui ont intérêt à dresser un mur entre le chef de l'Etat et la presse.» L'avocat de la défense a regretté par là même : «On ne trouve matière qu'à la poursuite des journalistes, laissant ainsi les corrompus et les corrupteurs jouir de leur pleine liberté.» L'affaire a été, ensuite, mise en délibéré jusqu'au 14 juin. Le caricaturiste Ali Dilem ainsi que l'ex-directeur du journal Liberté, Abrous Outoudert, ont comparu également lors de la même audience pour s'expliquer sur une caricature parue dans l'édition du 29 novembre 2001 du journal. Ce dessin humoristique a traité du téléthon organisé en faveur des sinistrés et rescapés des inondations du 10 novembre 2001. Il est indiqué dans le texte du dialogue : «Il paraît qu'il y a même des généraux qui vont faire des dons d'argent.» Puis une «voix» rectifie : « On n'appelle pas ça des dons, mais des restitutions.» De quoi faire rire les lecteurs, surtout avec les traits déformés qui sont l'une des caractéristiques de cet art ! Dilem n'a fait que son travail, comme il se doit, a souligné son avocat. «C'est ça l'art de la caricature», a-t-il ajouté. Le procureur de la République a requis 6 mois de prison ferme contre le caricaturiste et l'ex-directeur de Liberté et une amende de 250 000 DA chacun. L'affaire a été également mise en délibéré au 14 juin. La journaliste d'El Watan, Salima Tlemçani, a encore une fois comparu devant le tribunal d'Alger pour s'expliquer sur un article qui date du 5 juillet 2004, traitant de la CA Bank dont le président-directeur général croupit en prison depuis quelques mois. L'article incriminé est intitulé : «CA Bank dans l'œil du cyclone». L'avocat de la défense a jugé d'emblée que la plainte est infondée, car elle a été portée par la direction (la banque), une personne morale qui ne peut être, donc, diffamée. La partie civile, qui avait auparavant demandé un 1 DA symbolique, a demandé, lors de l'audience d'hier, la désignation d'un expert pour évaluer le nombre de personnes qui auraient retiré leur argent de cette banque suite à la parution de l'article. La journaliste mise en cause a vite répliqué en demandant, elle aussi, de savoir combien de personnes ont placé leur argent dans cette banque suite à la parution, il y a des mois à la une du journal, d'un grand article – semblable à un coup de pub – sur les diverses prestations et produits de la banque offerts à ses clients. Le parquet a demandé une amende de 20 000 DA, alors que l'avocat de la défense a plaidé la relaxe de son mandant. Une autre affaire opposant Mohamed Benchicou, directeur du Matin (suspendu), en prison depuis le 14 juin 2004, ainsi que l'ancien chroniqueur du journal Boubekeur Hamidechi à Mohamed Bedjaoui, président du Conseil constitutionnel (de 2000 à mai 2005), a été renvoyé au 28 juin. Interrogé par la présidente de l'audience, Benchicou, sans minerve cette fois-ci, a répondu simplement que l'article en question «est un écrit journalistique normal dans lequel le journaliste a exprimé un point de vue». Les avocats de la défense ont insisté sur le fait que le premier concerné par cette affaire, à savoir Mohamed Bedjaoui, actuellement ministre des Affaires étrangères, a retiré bien avant sa plainte en reconsidérant l'article non diffamatoire. Mais le parquet s'autosaisit et poursuit la plainte. «Si le plaignant juge que l'écrit n'est pas diffamatoire, pourquoi voudrait-on poursuivre l'affaire», s'est demandé Me Bourayou plaidant ainsi l'acquittement des prévenus. A été reporté également le procès opposant le journaliste Sofiane Aït Iflis et le directeur du Soir d'Algérie au président du Haut Conseil islamique (HCI). La plainte a été déposée suite à un article intitulé «Mufti de la République, le projet gelé» paru dans l'édition du 3 avril 2005. Plusieurs autres affaires enrôlées ont fini par être reportées à des séances prochaines du mardi de la presse.