Emmenés à Baghdad, la tête recouverte d'un sac de toile de jute et – comble de l'humiliation – à la vue de la population, ils seront libérés sans la moindre explication deux jours plus tard. Cette affaire a suscité une crise diplomatique entre Washington et Ankara, pourtant alliés de longue date au sein de l'OTAN, s'efforçant depuis de raccommoder des liens sensiblement dégradés par ce dossier. Mais pour les scénaristes, le différend ne saurait en rester là. L'un des onze hommes, le lieutenant Suleyman Aslan (Tayfun Eraslan), déshonoré par la reddition, se suicide pour n'avoir pas été «digne des pères de la nation». Il laisse derrière lui une lettre – accompagnée du drapeau rouge au croissant étoilé – adressée à un espion turc, Polat Alemdar (Necati Sasmaz), héros de la série du même nom jouant sur la fascination qu'exercent en Turquie la mafia et les milieux ultranationalistes. A Erbil, ville du nord de l'Irak, reconstituée à Gaziantep (sud-est de la Turquie) pour les besoins de la production, le héros, accompagné de deux de ses hommes, Memati (Gorkan Uygun) et Abdulhey (Kenan Coban), poursuivra le cruel Sam William Marshall (Billy Zane, le méchant de Titanic) jusqu'à ce que mort s'en suive. Nombreuses atrocités sont attribuées aux américains, venant ravir un public turc majoritairement contre la guerre en Irak. Des scènes d'une incroyable violence se succèdent et se répètent. Au sommaire, le massacre de convives lors d'un mariage, l'exécution sommaire de prisonniers irakiens, un minaret et son muezzin déflagrés à la roquette. Mais aussi un étonnant trafic d'organes prélevés sur les détenus de la triste célèbre prison d'Abou Ghraïb par un docteur juif américain (Gary Bussey, autre méchant hollywoodien) pour le compte de riches clients basés à Londres, New-York et Tel Aviv. Applaudissements, sifflements rythment la séance. «Pour une fois que les américains perdent, ça fait du bien», s'exprime Burak, 22 ans, étudiant en architecture. Osman, autre membre du public, encense un film glorifiant «l'amour des turcs pour leur patrie». Bon nombre d'officiels ont également été saisis par le réalisme du film. «C'est un film extraordinaire qui va rester dans l'histoire», a auguré Bulent Aric, président de l'assemblée nationale, lors d'une présentation de gala à laquelle a assisté, entre autres, l'épouse du premier ministre Recep Tayip Erdogan. Même le chef du gouvernement aurait, selon sa femme, «beaucoup aimé le film». Le film a battu tous les records d'audience en Turquie, attirant plus de quatre millions d'entrées en salle, a annoncé la semaine dernière son distributeur. Diffusé également à l'étranger, Irak-La vallée des Loups a été très critiqué en Allemagne par la classe politique et la communauté juive qui ont condamné ses attaques anti-américaines et antisémites, appelant les cinémas à ne pas le retransmettre. Actuellement à l'affiche dans une douzaine de pays parmi lesquels figurent l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, les Etas-unis, l'Egypte et la Syrie, le film devrait entamer très prochainement une tournée au Proche-Orient.