Dans ce livre, vous parlez de l'artiste comme dans un roman. Et vous écrivez « un livre à écouter par sa poésie »... Ce livre est spécifique. C'est El Hadj Guerouabi lui-même qui a commencé à l'écrire. C'était en 2001. Il voulait écrire ses mémoires. Il ne voulait pas que je lise ce qu'il était entrain d'écrire de son vivant. La maladie l'avait empêché de continuer. J'ai, à sa demande, pris le relais. J'ai appris beaucoup de choses avec lui. Il me racontait les souvenirs de ses soirées et galas. J'ai pris des notes de tout cela. J'ai rencontré Catherine Rossi à Paris qui m'a demandé d'écrire avec elle le livre. C'est une biographie romancée. A la fin, on trouve les écrits du cheikh. J'ai copié un peu sur ce qu'a fait Victor Hugo en publiant des copies des écrits. Il m'a fallu un an pour écrire ce livre. Et pourquoi « le néant » dans le titre du livre ? C'est lui qu'il avait choisi. Pendant cinquante ans, El Hachemi Guerouabi était en tête d'affiche. Il a eu une vie intense. Mais il était toujours convaincu qu'il fallait garder les pieds sur terre. Tout est éphémère dans la vie. Je pense que c'est par rapport à cela qu'il a choisi d'évoquer « le néant ». Il a donné le meilleur de lui même. Guerouabi fait partie de notre patrimoine culturel. « Le jasmin et les roses », c'est ma proposition. Le jasmin est le symbole de la blancheur et de la pureté. El Hachemi était aussi fragile que le jasmin. Les roses symbolisent les femmes et l'Algérie. Il avait chanté pour la rose blanche. J'ai écrit ce livre avec amour. J'ai vécu douze ans avec lui. Nous vivions « Les Mille et Une Nuits ». J'ai mentionné des choses sans tabous. J'ai raconté des choses par rapport à ses chansons. Les gens qui le connaissaient vont comprendre ce qu'on voulait dire à travers les explications des qacidate qu'il avait chantées. Vous racontez les bons, les mauvais souvenirs, enfin tout... Je n'ai eu que des bons souvenirs avec lui. Il est vrai qu'il y a eu des hauts et des bas dans sa vie. El Hachemi n'avait aucune vie cachée. Tout était apparent. Mais il était discret, voire timide. Il avait la sensibilité à fleur de peau. Il avait aussi de la présence. Il était arrivé au sommet de sa notoriété, mais il était resté fidèle à lui-même. Il est resté simplement artiste. Pour les besoins du livre, je me suis basée sur ce qu'il a écrit dans un premier temps. Ensuite, j'ai ajouté des témoignages de ses amis intimes. Je connais les gens en qui il avait confiance. Il s'agit surtout de femmes. C'est un livre écrit par deux femmes. El Hachemi aimait les femmes, ses filles, ses sœurs, les Algériennes... Au début, j'étais jalouse. Il faisait tout pour me rassurer et me réconforter. Son départ est une blessure profonde. Jamais je ne vais me remettre de sa disparition. Quand je le vois à la télévision ou dans les affiches, je me dit qu'il est encore en vie, il est là. De son vivant, il était tout le temps absent pour les tournées et les galas. Pour moi, il est dans une longue tournée. Catherine Rossi connaît-elle la musique châabie ? J'ai rencontré par hasard Catherine Rossi. Je l'ai vu écrire des livres sur Alger et sur Sabayette zoudjd, qcida chantée par El Hachemi. Quand elle a su que j'étais l'épouse du défunt, elle m'a prise dans ses bras. Elle m'a dit qu'elle ne comprenait pas les textes, mais qu'elle était subjuguée par la musique. Elle m'a dit qu'elle pouvait reconnaître la voix d'El Hachemi parmi mille autres. C'est un personnage qui l'a marquée. Ecoutez-vous autre chose que Guerouabi ? D'autres artistes peuvent-ils prendre le relais ? Franchement, non ! El Hadj M'Hamed El Anka et El Hadj El Hachemi Guerouabi, chacun dans son genre, sont irremplaçables. Il n'a pas pu créer sa propre école pour enseigner le style hachmaoui. C'est tout de même un genre particulier. J'ai l'intention de publier son diwan qu'il avait repris avant son décès. Je vais les éditer pour ses fans, pour la culture, pour tous les Algériens qui veulent apprendre sur El Hachemi et sur le chaâbi. Il a laissé des chansons sans les interpréter. Des chansons que j'ai déclarées à l'Office des droits d'auteur comme Ghalett fi Hssabi. C'est une chanson écrite et sur laquelle il a mis un air, mais qu'il n'a jamais chantée. A la fin de toutes ses dernières chansons, il signait « Kalha El Hachemi ».