Des témoins encore en vie sont venus relater le comportement, la sagesse, l'intelligence, le courage, le combat de cette femme qui avait été marquée, dès son jeune âge, par le mode de vie des familles indigènes, sans ressources, dont les maris étaient mobilisés pour combattre dans les rangs français, les forces nazies. Mme Yamina Echaïb, dite Zoulikha, veuve Oudaï Larbi, qui parlait parfaitement le français et n'avait aucun complexe face aux Européens, a pu réaliser son rêve lorsque la guerre de Libération nationale a été déclenchée le 1er novembre 1954. Cette grande dame native de Hadjout, mère de trois enfants en bas âge, s'était illustrée par sa détermination farouche contre l'occupant, en dirigeant les femmes et les hommes pour la cause nationale, et en utilisant tous les subterfuges pour contourner les embuscades tendues par les forces coloniales. Quand les autorités coloniales se sont rendu compte de son rôle auprès de la population cherchelloise et de ses environs, elle décide alors de fuir et de rejoindre définitivement le maquis. Pour maintenir l'activité de deux réseaux, elle avait été désignée à la tête de l'organisation politico-militaire dans cette partie de la wilaya de Tipaza. Sâadoun Mustapha, Ghebalou Ahmed, Boualem Benhamouda, ses deux filles, Khadidja et Fatma-Zohra, Benmokadem Zoubida et Assia, Roudane Djelloul, Belgroune et Oulhandi Ahmed, qui avaient un lien direct avec elle, sont tous venus d'Alger, Blida, Menaceur pour témoigner avec une très grande émotion, de surcroît pour la 1re fois, 50 ans après sa mort, sur la vie de l'héroïne du livre d'Assia Djebar. La maman des trois petits enfants, Khadidja, Mohamed et Abdelhamid, avait été capturée le 15 octobre 1957 et torturée durant 10 jours. Elle n'a jamais dénoncé ses femmes et ses hommes qui militaient sous sa direction, dans le but de préserver l'organisation politico-militaire. «Devant nous, ses mains menottées, déclare un des témoins, elle a craché à la figure d'un capitaine militaire et nous a dit : ‘‘Regardez ce que font les soldats français d'une algérienne.''» «Nous ne l'avons plus revue depuis ce jour», conclut-il. Le mardi 25 octobre 1957, à 15h, Yamina Oudaï, dite Zoulikha, a été exécutée. C'est l'autre héroïne du combat de femmes, Louiza Ighilahriz, qui n'a pas caché son émotion devant les témoins qui se sont succédé, qui a tenu à rappeler quelques repères de son long parcours, la torture et les exactions perpétrées par le colonialisme durant cette période de lutte. «Mes parents m'ont préparée pour le combat, bien avant le déclenchement de la Révolution. dit-elle. j'ai choisi cette voie avec conviction. Le sacrifice pour mon pays est un devoir, mais qu'est-ce que je suis devant ces femmes et ces hommes qui ont donné leur vie pour la libération du pays ?», conclut-elle. L'oratrice a rappelé le combat de la femme algérienne durant cette période difficile. Elle a exhorté ces femmes à parler, comme ce fut le cas lors de cette rencontre, pour dénoncer les exactions des forces coloniales et écrire la vraie histoire de l'Algérie. La chahida a été victime de l'oubli et du mépris, en dépit de son rôle durant la guerre de Libération nationale dans sa région. Les témoignages ont fait réagir à la fin de cette rencontre, la présidente de l'Instance nationale pour la décolonisation des relations algéro-françaises, pour affirmer que la chahida Zoulikha ne sera désormais jamais oubliée à compter de ce moment. L'exposition de Hadj Abdou sur le combat des Algériennes a secoué les consciences de l'assistance. Deux posters de la chahida Yamina Oudaï, dite Zoulikha, ont été remis à la ville de Cherchell, à l'issue de cette manifestation caractérisée par la présence d'un nombre inattendu de femmes venues de tous les horizons, en hommage à cette grande dame, Zoulikha.